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Des images en parallèle

Anne Leloup

Renaud-Selim Sanli
Chargé de projets et de communication à Culture & Démocratie

01-12-2020

Les œuvres d’Anne Leloup nous transportent d’une ligne à un corps plein, du corps plein à d’autres lignes, on ne sait plus si on s’enracine ou si au contraire, dans le suivi de ces lignes d’erresn, dans le style du tracé on se laisse emporter vers une forme d’élévation cosmique, digne d’un panouranismen repensé. Une sensation du mélange se dessine aussi de la rencontre de ces lignes simples et de ces corps plus bruts, aux contours plus fuyants, le mélange qui a lieu au point limite de toute rencontre. L’importance de deux forces, de deux styles, deux éléments sur le point de se rencontrer dans un déploiement qui dépasse les termes du départ. Cette sensation n’est que renforcée par la manière dont les créations d’Anne Leloup semblent vouloir se déployer de manière à rendre absents les bords de son support, à se déployer au-delà de la feuille qui lui sert de motif d’expression, pour rejoindre les mondes de la vie (ce même monde qui a permis à la plante de devenir parfois un arbre et d’un arbre une feuille de papier).

Nous faisons face aux contrastes essentiels qui font toute vie, ici intensifiée par le mé- lange qu’ils occasionnent dans leur ambivalence: racines et déploiement stellaire.

C’est à Emmanuele Coccia que nous devons une reconfiguration du regard esthétique à travers sa métaphysique du végétal qui porte justement le nom de métaphysique du mélange. La vie des plantes est un essai qu’Anne Leloup aurait très bien pu accompagner tant dans son travail se ressentent les forces impersonnelles qui confondent les mondes à l’œuvre dans le monde végétal. Pour Coccia, pour réapprendre à vivre il nous faut ap- prendre des organismes à l’origine de toute vie. Bien que leurs racines semblent les ancrer dans la terre, les rendre statiques, celles-ci ne cessent d’absorber leurs environnements pour en rejoindre et en créer d’autres. Leurs racines s’étendent au-delà de notre conception, pendant que la partie à l’air libre jusqu’aux fleurs ne cesse de se déployer vers le ciel. C’est d’ailleurs du ciel, de l’énergie solaire plus exactement que les plantes tirent leur énergie qui sera ensuite transformée en oxygène et permet en retour une vie sur terre. Comme le dit Coccia, la plante est « un corps qui se structure non pas pour s’opposer à l’extériorité, mais pour y adhérer le plus possible: confondre les mondes et s’y modifier n».

Par une croisée des formes, des matières et des techniques (on retrouve tant la peinture, le dessin que la gravure), Anne Leloup déplace les binarisés entre le lourd et le léger, entre l’ancré dans le sol et ce qui flotte dans les airs. De toute ligne nait un monde qui déjà par les vents se transporte ailleurs.

Anne Leloup se partage entre une recherche personnelle qui inclut la peinture, le volume et la lithographie, et un travail d’éditrice au travers des éditions Esperluète. Elle collabore également à des éditions d’artistes et reçoit, en 1995, le Prix de la Gravure pour ses lithographies. Ses œuvres sont régulièrement exposées tant en Belgique qu’à l’étranger. Dessins, peintures, lithographies, gravures, formes découpées, carnets de croquis… elle utilise volontiers différents supports tout en gardant une continuité dans sa recherche du trait et de la couleur.

Il s’agit d’explorer ce qui ne se donne pas à voir immédiatement : les accidents, les blancs, les vides, les passages, comme autant de moments de rupture entre le dessin et sa représentation. Des formes émergent alors, parfois des visages, un végétal, un caillou… entre abstraction et figuration, un vocabulaire se décline.

Plus d’information sur Anne Leloup et son travail

Image : © Anne Leloup

1

Manière d’être que trace toute existence.

2

Tel qu’entendu par Coccia : « tout ce qui est n’est que ciel, et ciel n’est que la matière de tout. »

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Cahiers 10
Faire vivre les droits culturels
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Un prisme des droits culturels

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Que nous disent les droits culturels ?

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Les droits culturels au Grand-Hornu

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Droits culturels et école

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Les droits culturels à l’épreuve de la crise

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Le point sur les droits culturels

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Hybridation culturelle

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Plasticité culturelle

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Rapport entre champ socioculturel et champ de la création : quelle appropriation des droits culturels, en cours et à venir ?

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La musique, un langage universel comme droit culturel

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L’excellence est un art : enquête-action menée par l’Orchestre national d’Ile-de-France et l’Opéra de Rouen commandée par Les Forces Musicales

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Les droits culturels au regard de l’ancrage territorial : l’expérience du Festival d’Aix

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Les Mondes en Scène

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De la pratique des droits culturels au musée

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