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Avant-propos

Avant-propos

Sabine de Ville
Présidente de Culture & Démocratie

01-12-2020

« Faire vivre les droits culturels », cette ambition est inscrite depuis plusieurs années au cœur du travail de Culture & Démocratie. La première publication date de 2009 sous la forme d’un opuscule édité à l’occasion d’une campagne intitulée Culture et vous ? et conduite par notre association. Céline Romainville et Marie Poncin y faisaient l’état de la question, questionnaient le concept de droits culturels à travers sa présence dans les textes constitutionnels, législatifs, nationaux et internationaux. D’autres publications ont suivi, dont notamment en 2013, l’ouvrage Neuf Essentiels pour comprendre les « droits culturels » et le droit de participer à la vie culturelle ; puis, en 2014, Le Journal de Culture & Démocratie n°36 consacré à la question. Un groupe de travail, au sein de Culture & Démocratie, est alors chargé de coordonner et de stimuler ces divers travaux.

Ces ouvrages tentent de clarifier la notion de droits culturels bien au-delà de la seule question de l’accès matériel ou cognitif à une offre culturelle. Si la dimension constitutionnelle de ces droits est bien établie aujourd’hui, il n’en est pas tout à fait de même pour ce qui concerne leur effectivité. Ce colloque a démontré la difficulté persistante pour les opérateur·ices culturel·les, les artistes, les médiateur·ices et d’une manière générale, les professionnel·les de la culture, de s’emparer concrètement, dans leur pratique professionnelle, des droits culturels. Il reste que ce chantier nous permet de repenser, à l’aune de ce nouveau paradigme, le lien entre la culturen et la démocratie.

La coordination d’une Plateforme consacrée à l’observation de la mise en œuvre des droits culturels a été confiée à Culture & Démocratie pour trois ans (2019-2021). Dans ce cadre, nous menons une observation co-construite en collaboration avec un échantillon de centres culturels soumis à un décretn qui pose de nouvelles balises et obligations en matière de droits culturels. Cette recherche participative fera l’objet d’un rapport de synthèse.

On comprend pourquoi la proposition d’une journée de rencontre organisée conjointement par les Festivals de Wallonie – plus spécifiquement par le Festival du Hainaut – et notre association, s’est inscrite dans notre agenda. La perspective de contributions et d’échanges autour de la notion de droits culturels mais plus encore de leur mise en œuvre ou non, par les opérateur·ices culturel·les ne pouvait que rencontrer notre adhésion. Il faut préciser ici la visée particulière de cette journée. Sous l’intitulé «Faire vivre les droits culturels », elle cherchait à cerner si, dans le chef des opérateur·ices culturel·les – entendu·es en l’espèce comme acteur·rices du monde « artistique » – le concept de droits culturels est de nature à faire repenser, modifier, infléchir les pra- tiques instituées. Là où le secteur socioculturel, stimulé lui aussi par différents décrets, s’est déjà emparé de la question, qu’en est-il des opérateur·ices dans le domaine des musiques, des arts plastiques, du spectacle vivant et de toutes les formes de création ?

L’affluence du public, parmi lequel une majorité de professionnel·les de la culture et de la création, réuni au Grand-Hornu dont l’accueil fut exemplaire, témoigne de l’intérêt suscité par le thème du colloque même si les interventions et les nombreuses questions de la salle ont mis en lumière la difficulté persistante pour d’aucun·es de définir de manière satisfaisante les droits culturels.

Nous avons salué avec enthousiasme la volonté manifestée par les Festivals de Wallonie d’associer cette journée à la figure de Bernard Foccroulle, artiste invité de l’édition 2019, co-fondateur de Culture & Démocratie dont l’action aux Jeunesses musicales, à la Monnaie, à Aix-en-Provence et comme artiste est connue et reconnue. Dans les territoires et les institutions où il a œuvré et où il œuvre encore aujourd’hui – ce colloque en est la démonstration – il a affirmé sa volonté de créer les conditions d’un partage aussi large que possible, dans la Cité, de l’expérience culturelle et artistique.

Il nous reste beaucoup à faire. Il faut encore travailler à l’élucidation du concept de droits culturels, dans toutes ses acceptions. Il faut travailler à l’effectivité de ces droits quand ils sont reconnus juridiquement et envisager les conséquences de cette effectivité au regard des pratiques professionnelles dans le secteur culturel. Il faut aussi, comme l’énonça Luc Carton au moment de tirer les conclusions de ce colloque, questionner la dimension culturelle des droits humains, une réponse possible au déli- tement démocratique.

Au-delà, nous devons questionner les politiques culturelles à l’aune de ce paradigme. La crise du Covid sévit à l’heure où nous écrivons. Les droits culturels des professionnel·les de la culture – en particulier ceux des artistes individuel·les – ont peu mobilisé le politique qui a donné une réponse très tardive et à ce jour très in- suffisante aux appels du secteur culturel. Les institutions culturelles quant à elles, se débattent dans un faisceau de mesures contraignantes et changeantes qui pèsent lourdement sur leur travail.

Par ailleurs, ces temps de crise favorisent l’émergence d’une conception problématique des droits culturels, ceux de la nation que des politiques autoritaires en Europe et au-delà convoquent pour limiter la liberté d’expression, de création et de recherche. Ces deux questions débordent de loin l’enjeu de la journée du 4 octobre et elles requièrent, au-delà des analyses et des débats, notre action.

Image : © Anne Leloup

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Selon l’acception énoncée par l’UNESCO dans la Déclaration de Mexico de 1982, c’est-à-dire : « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »

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