Certaines créations nous aident à développer, à débrider nos imaginaires, à nous tenir à l’écart des autoroutes de la pensée, en travaillant sur les normes et les codes narratifs, en déjouant les attentes du public et en faisant apparaitre les grains dans les rouages. Totale Eclipse est l’une de celles-ci. Cette performance conçue par Les sœurs h (Marie Henry et Isabelle Henry-Wehrlin) et Maxime Bodson qui met en scène la jeune Augusta (fille de Marie et Maxime) est le fruit d’une résidence au Delta sur le thème « Tout peut changer ». Sur un écran en fond de scène sont projetés des fragments de texte, collages, images et vidéos où apparaissent tantôt Augusta, tantôt ses grands-parents, et sur scène, Augusta danse, bouscule le décor et interpelle le public, accompagnée de la musique live de Maxime. Totale Eclipse surprend et déroute. Une invitation à sortir de nos cadres de lecture et de pensée.
Propos recueillis par Hélène Hiessler, coordinatrice à Culture & Démocratie
Pouvez-vous vous présenter et dire quelques mots de votre parcours ?
Augusta Bodson : Je m’appelle Augusta, j’ai 10 ans, je suis enfant unique, j’ai une tortue. Je n’avais encore jamais fait de spectacle avant celui-ci. Je fais de la danse, de la musique, du violon et du solfège, du cirque aérien, et j’ai aussi fait du théâtre mais j’ai arrêté.
Marie Henry : Ah c’est drôle, tu te ne présentes pas comme tu m’avais dit que tu le ferais !
A. B. : Ah oui, j’avais juste dit que j’étais une enfant rien de spécial qui faisait des spectacles juste dans la vraie vie, et qui est toujours un peu excitée.
M. H. : Alors moi, je m’appelle Marie et j’ai fait l’INSAS en section théâtre et mise en scène, mais je n’ai jamais fait de mise en scène. Je me suis tournée tout de suite vers l’écriture. Et Isabelle, qui va en parler elle-même ensuite, a fait La Cambre en photo, pour ne jamais trop en faire non plus… Pendant nos études, nous avons déjà fait une sortie de parcours, dévié du cadre de ce qu’on nous demandait ! À la sortie de l’INSAS, j’ai commencé à écrire dans un collectif théâtral. Questionner les codes théâtraux a été tout de suite très important pour moi : comment l’écriture peut questionner la mise en scène, la titiller ? Lorsque le collectif a pris fin, l’envie nous est venue avec Isabelle de confronter nos disciplines. Je voulais questionner mon écriture autrement qu’en créant du jeu sur le plateau. Nous nous sommes alors amusées ensemble à bousculer les codes narratifs de l’écriture et de l’image. Nous avons eu cette possibilité grâce à une résidence d’écriture conjointe à la Chartreuse, qui réunit un·e auteur·ice dramatique et un·e plasticien·ne.
Isabelle Henry-Wehrlin : Oui, c’est un peu pareil pour moi ! J’hésitais entre la photographie et le cinéma. Je me suis orientée vers la photo un peu par facilité, puis j’ai très vite dérivé et fait de l’image animée. Mais à l’époque il n’y avait pas de section vidéo [à La Cambre] et j’étais donc déjà hors cadre. D’ailleurs pour mon travail de fin d’études, une vidéo qui mixait texte, image et son, l’un des membres du jury a refusé de me noter pour cette raison. J’étais intéressée par des formes plus ouvertes, qui allaient au-delà de la photo ou de l’image pure. Cet intérêt pour des formes dépassant nos disciplines de base est l’une des choses qui nous ont réunies avec Marie.
Totale Eclipse n’est donc pas une première mais s’inscrit plutôt dans un chantier au long cours, celui de questionner les normes, les cadres, de ne pas rechercher une forme homogène. Comment vous est venue l’idée d’embarquer cette fois Augusta avec vous dans la résidence et dans la création qui a suivi ?
M. H. : Avec Isabelle, nous essayons toujours de réinterroger notre manière de travailler ensemble. C’est important pour ne pas nous ennuyer et cela nous permet de créer aussi des objets toujours un peu différents. Nous travaillons en ping-pong : une fois, c’est elle qui apporte en premier la matière visuelle, une fois c’est moi qui vient avec la matière textuelle, une autre fois c’est Maxime avec sa proposition musicale, une fois c’est le côté plus performatif qui est mis en avant etc. Nous sommes donc passées par différentes formes : d’abord des vidéos, puis des installations vidéo, puis des « espaces narratifs hybrides » avec Maxime qui jouait en live sur les projections, puis de la performance avec deux adolescentes sur scène qui agissaient d’une manière picturale dans l’image, et puis, ici, à quelque chose de plus théâtral, avec Augusta. Augusta qui est là car – comme nous le disons dans Totale Eclipse – toute la famille se retrouve dans le projet pour des raisons économiques et non pas sentimentales. Nos parents sont dans le film et Augusta, notre fille avec Maxime, sur le plateau. Nous « exploitons» toujours un peu les gens que nous avons sous la main. Pour des questions de facilité et de budget, certes, mais aussi parce que le côté artisanal des choses, DIY et low tech, nous correspond bien. Pour notre précédente performance, voir notre mère de 80 ans coudre notre surface de projection de 12 mètres sur la table familiale, et la projection de la vidéo dans l’église du village car notre père ne possédait que le vidéoprojecteur du catéchisme, restent deux de mes meilleurs souvenirs de création finalement.
Totale Eclipse est le fruit d’une résidence au Delta (PointCulture Namur) autour du thème « Tout peut changer ». Avoir un cadre de création pour un projet qui entend justement bouleverser les cadres, c’est plutôt un désavantage ou un atout ?
I. H.-W. : Une résidence, avant tout, nous permet de travailler ! Même s’il y a peu de moyens, c’est toujours bienvenu d’être accueillies dans un lieu où l’on t’offre du temps pour faire ça. C’est effectivement un cadre mais qui nous permet de nous consacrer entièrement au projet, et qui nous offre une grande liberté. Si on veut sortir du cadre, il faut être libre !
M. H. : Pour nous c’est toujours un peu compliqué de partir d’une thématique imposée, car Isabelle et moi n’avons jamais de sujet à la base. Le « comment dire » nous intéresse beaucoup plus que « ce qui est dit ». C’est vraiment en construisant le projet, en superposant la matière, en confrontant et montant celle-ci, que la dramaturgie se construit et qu’à la fin, nous savons enfin de quoi nous parlons. Mais ce qu’il y avait de plus compliqué pour nous je crois, c’était la thématique en soi, en elle-même porteuse d’un « message ». Je ne sais pour quelles raisons, mais porter un message est presque pour nous une phobie ! Nous travaillons toujours volontairement avec plusieurs couches narratives, construisons expressément des sortes de puzzles dans lesquels les spectateurs et spectatrices doivent construire leur propre histoire avec tout ce qui leur est proposé. Nous ne sommes jamais face à un sens, il y en a toujours plusieurs. Car nous préférons toujours questionner plutôt qu’affirmer. Ce qui a été très intéressant pour moi dans ce projet, c’était de me confronter à mes propres contradictions. Le cadre de le représentation en soi m’a beaucoup questionnée ! L’objet du travail était « oser sortir du cadre », et j’étais sans arrêt avec Augusta sur le plateau dans celui de la représentation. « Fais ceci, fais cela, va à droite, va à gauche… » J’étais aussi constamment confrontée à mes attentes quant à la réception du spectacle par le public. Oser sortir du cadre, n’était-ce pas aussi en tant qu’artistes questionner les gens sur ce qu’ils attendent d’un spectacle ? N’était-ce pas aussi l’intérêt de travailler avec une enfant ? D’accepter justement pour une fois que le spectacle soit bancal, complètement variable, fragile ? Que parfois on ne comprenne pas ce que dit Augusta, qu’elle se trompe. Car oui, elle n’est pas dans le cadre. Elle n’est pas professionnelle. Et le but n’est pas de faire comme si… C’est d’ailleurs pour cette raison que dans le spectacle, Augusta a un « texte forcé » à dire, un texte dont elle dit être obligée de dire le contenu sans avoir aucune marge d’interprétation. C’était intéressant de ne pas être dupe de cette histoire.
Un jour on pourra peut-être se débarrasser de tous ces moules, de toutes ces attentes − les nôtres et celles des autres −, de tous ces cadres normatifs et accepter de vivre notre vie rêvée.
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A. B. : J’ai une anecdote très drôle. Au début j’étais un peu enrhumée, et maman me demandait d’essayer d’articuler très fort, pour que de cette manière on n’entende pas trop mon rhume. Ensuite elle a changé d’avis, et elle m’a dit d’assumer au cas où je toussais ou si j’avais le nez qui coule, d’y aller à fond, de me moucher carrément dans le micro, même si c’était dégoutant. J’ai accepté, en essayant quand-même de bien articuler, et finalement il n’y a pas eu de problème, je ne m’en suis pas mis plein le visage…
Pour toi Augusta, comment s’est passée cette résidence ?
A. B. : C’était chouette, mais c’était beaucoup d’apprendre presque tout en une semaine. C’était très fatigant. Déjà je n’avais pas mon lit, et mon lit c’est le meilleur du monde, donc je dormais un tout petit peu moins bien. Et puis comme je ne connaissais pas encore bien les choses, les textes et la technique, ce n’était pas tout le temps chouette. Mais à la fin c’est super parce que comme on connait tous les textes, on peut faire ce qu’on veut, se laisser aller dans les émotions, exagérer, ne plus penser à la technique.
Que penses-tu de toutes les choses que tu as dites dans Totale Eclipse ?
A. B. : Au début je ne comprenais aucun mot, ils étaient trop compliqués pour moi. J’ai dû demander à ma maman qu’elle m’explique. Et j’ai souvent réfléchi aux questions après le spectacle. Par exemple que tout doit toujours avoir un nom. Tout doit toujours être quelque chose, mais pas tout ou rien. Je me dis que ce serait bien, pour plus tard, que tout n’ait pas un nom, qu’il n’y ait pas toujours besoin d’adjectifs dans les groupes nominaux.
Donc selon toi il y avait de bonnes idées ?
A. B. : Oui. On ne mentait pas, je savais ce que je disais, mais ça m’a beaucoup plus parlé après la résidence que pendant.
As-tu pu donner ton avis ? Y a-t-il des choses que tu n’avais pas envie de dire parce que tu ne comprenais pas ou que tu ne les trouvais pas justes ?
A. B. : Je suis intervenue quand il y avait des problèmes, et souvent ça les réglait. Par contre quand je n’aimais pas quelque chose, on ne m’écoutait pas, c’était un petit peu énervant. Quand je ne comprenais pas le sens, je posais des questions. Et sinon j’ai écrit un des textes, que j’adore. Ma maman a juste ajouté quelque chose dedans, et quand j’ai vu la première phrase, je la trouvais trop stylée, je me suis demandé si c’était moi qui l’avais écrite… et quand j’ai su que ce n’était pas moi, je n’étais plus du tout fière de moi. C’était la première phrase: « Ce qu’il y a dans ma tête on ne pourra pas me le prendre. »
M. H. : Pour expliquer un peu, le texte d’Augusta vient d’une interview que nous avons faite avec elle. C’est ainsi que sont venus les thèmes de la vie rêvée, des multiples, de l’imaginaire, parce qu’elle a vraiment exprimé les multiples vies qu’elle voudrait avoir plus tard. J’avais envie de garder toutes ses idées, mais pas spécialement l’oralité enfantine. J’ai donc accolé plusieurs de ses phrases et rajouté une phrase en amorce (qui n’est pas la sienne, donc) pour « lancer » son texte.
A. B. : Le texte parle de mes vies rêvées. En fait je dis qu’il n’y en a pas une seule, mais que j’en aurai plusieurs. Ça dit : « Et quand je serai vielle, toute mes vies se rejoindrons. J’aurai pas peur de la mort, car j’aurai fais ce que j’ai a fair, et se que j’ai pas fait, c’est que ji tenait pas vrement. Je renoncerai a rien car j’aurai toujours mon imaginations. » Comme c’est mon texte, écrit par moi, il y a aussi mes fautes d’orthographe.
Pour toi Augusta, que représentait cette résidence, un jeu ? Un nouvel exercice imposé ?
A. B. : À la base c’était un spectacle avec des mots et des phrases très intéressantes et qui me faisaient souvent penser. Ma maman qui disait qu’elle n’était pas philosophe, j’ai trouvé qu’elle était philosophe en écrivant tout cela ! Je me suis vraiment très fort amusée à la dernière représentation à Bruxelles, je me sentais super bien. Alors qu’à la première à Bruxelles, tout le monde disait qu’elle avait été géniale, mais moi j’avais failli pleurer sur scène. J’en avais marre, j’avais l’impression que c’était nul, parce que les personnes du public souriaient mais ne rigolaient pas. Mais il faisait un peu noir et je ne voyais pas bien leurs têtes, elles étaient toutes empilées, ça m’a fait peur et j’ai commencé à stresser. À la dernière par contre, tout le monde rigolait à mort, c’était même un peu trop, moi j’exagérais de plus en plus, et ça devenait de plus en plus n’importe quoi, j’ai adoré.
Comment vois-tu l’avenir ?
A. B. : J’ai deux façons. Soit c’est super, les gens arrêtent d’être racistes et sexistes, et le monde redevient un peu comme avant, avec moins de Covid et que ça aille mieux pour le climat, et que les gens se respectent, qu’il n’y ait plus de guerres, et que tout le monde essaie que ça soit comme ça, en tout cas la plupart des gens. Ou alors l’autre version, ça devient horrible, la terre s’effondre, les gens ne se respectent pas, et c’est la catastrophe. Et j’ai quelque chose à dire : je pense que le monde nous a fait nous pour nous apprendre à respecter les choses et les gens, et que là, la terre, à cause de nous, elle ne pourra même pas nous apprendre quelque chose de super important.
Marie et Isabelle, dans Totale Eclipse on voit notamment des enfants et des personnes âgées : comment vous est venu ce choix de porter l’attention particulièrement sur elles et eux ?
M. H. : Tout d’abord, comme Augusta le dit dans son texte forcé, « pour des contraintes économiques, pas pour des raisons sentimentales » ! Tout comme nous avions Augusta sous la main, nous avions pendant les vacances d’été nos parents à disposition. Nous devions filmer vite. En quelque sorte, les « comédien·nes » étaient tout trouvé·es. Il est vrai qu’en plus de ce travail « familial-artisanal » qui nous caractérise, nous ne travaillons jamais avec des comédien·nes professionnel·les. Pour nous, il n’y a aucun intérêt à savoir jouer. Ça dessert même un peu. Quand Isabelle filme, elle ne fait que donner des consignes telles que : marche, recule, tourne le visage, fais semblant de lécher une glace, etc. Tout le monde est capable de le faire ! Nos parents étaient assez ébahis à vrai dire de ce qu’on leur demandait… Et puis cette contrainte a fait sens. Nous avons trouvé intéressant de mettre en miroir la jeunesse et la vieillesse. Car ce sont finalement deux groupes qui posent la question du cadre. Cadre dans lequel nous les maintenons, enfermons, ou duquel on les exclue. Aux enfants on dit : fais ceci, fais cela, ne fais pas ça, attention à… Et à qui demandons-nous de sortir du cadre ? De devenir presque invisibles ? Aux personnages âgées, qui ne représentent plus un marché économique et nous renvoient à la vieillesse qu’on ne veut pas voir. Mais encore une fois, parler du fait qu’on met au ban de la société les personnes âgées et que les enfants sont enfermé·es dans nos attentes n’était pas le point de départ : cela s’est construit en cours de route.
I. H.-W. : Avec une thématique comme « Tout est possible », nous ne voulions pas traiter de sujets « in », comme la question du genre par exemple. Car cela aurait été trop dans le cadre du moment, justement… Mais plutôt porter une attention sur ce qui se joue discrètement au quotidien, ce qui se montre moins, intéresse moins.
Au niveau formel, Totale Eclipse cherche à dérouter, à surprendre : par quels moyens avez-vous cherché à contrer les attentes ?
M. H. : Comme nous l’avons dit, nous ne cherchons jamais à traduire un seul message mais plusieurs, en jouant avec les couches narratives. Nous déconstruisons toutes les deux une forme de pensée linéaire, par le travail de l’image, l’écriture fragmentée et la musique de Maxime qui n’est pas spécialement « narrative ». Nous déroutons donc toujours un peu par ce travail en multicouches, qui parle à chacun·e d’une manière différente et renvoie finalement les spectateurs et spectatrices face à leur propre histoire. Comme il y a des manques et des confrontations de narration, ils et elles doivent un peu lâcher prise, et c’est aussi une demande qui peut dérouter. Être face à un sens unique est plus confortable. Et c’est vrai que nous aimons particulièrement brouiller les pistes, et placer les spectateurs et spectatrices face à leurs ambivalences ou contradictions. La morale est vraiment quelque chose qui ne nous intéresse pas et fuyons à tout prix. Nous préférons questionner : qu’est-ce que ça provoque chez moi de voir une représentation d’un corps âgé ? Moi, qui ne fait pourtant pas de l’âgisme… Avons-nous vraiment évolué dans le rapport hommes-femmes, dans les stéréotypes du couple depuis les années 1960 ? Qu’est-ce que je ne fais plus, comme préparer le repas à mon mari qui rentre du travail ? Mais qu’est-ce que je fais encore à la place ? Les stéréotypes se seraient-ils seulement déplacés ? Avec les images véhiculées par les réseaux sociaux, on peut se questionner sur l’éventualité que ces stéréotypes n’aient pas disparu, que nous ne soyons pas non plus complètement affranchi·es d’injonctions ou de modèles de représentation. Ne sommes-nous pas toujours enclin·es à répondre à des attentes ?
Quel en l’effet recherché à la fin du spectacle ?
I. H.-W. : Notre but n’est pas de revendiquer quoi que ce soit. Nous aimons avant tout jouer avec les codes et les stéréotypes, apporter de la poésie emprunte d’ humour noir, brouiller les pistes en quelque sorte et rendre extra-ordinaires des choses assez banales.
M. H. : Comme le dit Isabelle, je ne pense pas que ce soit stratégique de notre part, ou un effet recherché ! Personnellement quand je regarde un film ou un spectacle et qu’on me prend par la main pour me dire ce que je dois penser ou ressentir, j’ai beaucoup de mal à le supporter. Je pense plus que nous ne savons pas faire autrement ! Comme pour nous la recherche formelle est fondamentale, comme nous articulons ces langages que sont le texte, la vidéo et la musique et que nous ne sommes pas dans l’explication, que le traitement des images par Isabelle est toujours trafiqué, poétique, avec des superpositions d’images, de même que mes textes sont constitués de phrases qui ne s’enchainent pas spécialement, cela crée un effet déroutant chez le spectateur ou la spectatrice. Mais le but n’est pas là en soi, c’est plus notre manière de construire, de raconter des histoires.
Y a-t-il des artistes, des créations qui vous ont inspiré·es particulièrement pour ce projet ?
I. H.-W. : Pour Totale Eclipse notre visite au musée d’Art Brut à Lausanne a été un déclencheur. C’était troublant et fascinant d’être face à des artistes dégagé·es de tout apprentissage, et qui à travers leur travail, construisent leur vie rêvée. Cette idée nous a accompagnées tout le long du projet : nous, nous avons tout le bagage et l’apprentissage, nous avons les codes artistiques, sociaux, tout ce qu’ils et elles n’ont pas. Mais c’était une ligne hyper intéressante à suivre de se dire qu’autre chose était possible.
M. H. : Nous avions une résidence à Lausanne à ce moment-là pour élaborer le projet. Nous avons vraiment eu une révélation quant au travail « hors cadre » et « hors norme » par excellence de ces artistes ! C’était pour nous en lien direct avec le thème « tout est possible » que nous avait proposé PointCulture. Et cette envie de parler de vivre notre vie rêvée. Là nous étions face au travail d’artistes qui ne revendiquaient rien, qui n’attendaient aucune reconnaissance et qui n’avaient aucun besoin de catégoriser leur travail ni d’être reconnu·es sur le marché de l’art : ils et elles avaient juste l’obsession de vivre leur vie rêvée, de créer et de rendre possible ce monde en créant. Il y a donc eu pour nous cette évidence de ce que nous voulions raconter : un jour on pourra peut-être se débarrasser de tous ces moules, de toutes ces attentes, les nôtres et celles des autres, de tous ces cadres normatifs, et accepter de vivre sa vie rêvée, ou SES vies rêvées, comme Augusta l’expliquait toute à l’heure. Cette visite au musée d’Art Brut a certainement permis de cristalliser nos envies et d’ancrer notre discours.
Prochaines dates :
- Théâtre de La Montagne Magique à Bruxelles, le 31 janvier 2023
- Galerie Melissa Ansel à Bruxelles, le 4 février 2023
- Botanique, les 13 et 14 avril, dans le cadre de Pierre de Lune
- Festival TROUBLE, Bruxelles, semaine du 17 avril 2023
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