OccupFédérale, 2023 ©Stef Arends
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Dossier

Déplacés, sans abri et politiquement actifs. Entretien avec 3 canapés

Shila Anaraki, doctorante en anthropologie sociale et culturelle (KU Leuven)
Traduit de l’anglais par Hélène Hiessler pour Culture & Démocratie

20-11-2024

Face au non-respect par l’État belge des normes minimales en matière d’accueil des exilé.es, différents collectifs se sont mobilisés, parmi lesquels Stop crise de l’accueil, qui a déployé différentes stratégies d’action politique. Shila Anaraki y a pris part en tant qu’activiste mais aussi que chercheuse pour le projet ReROOT (Horizon 2020).
Aujourd’hui membre de l’équipe d’ATLAS (Innoviris), projet de recherche qui entend dégager des pistes pour repenser la citoyenneté précaire d’un nombre grandissant de personnes à Bruxelles, elle a imaginé cet entretien fictif avec trois canapés achetés lors de la vente aux enchères de mobilier saisi au siège de Fedasil, un outil méthodologique insolite permettant d’analyser les différents répertoires d’action.

En mars 2023, trois grand canapés au design rappelant celui de l’iconique EarChair du studio Makkink & Bey sont apparus dans le paysage urbain de Bruxelles. Meublant initialement le siège de Fedasil (agence belge pour l’accueil des demandeurs d’asile), ces canapés ont été équipés de roulettes et ont commencé un périple en ville. Ce court entretien dévoile leur histoire et explore le récit qu’ils transmettent par leur présence à Bruxelles. Guidé·es par leurs portraits, nous discuterons de l’efficacité de différents modes d’action politique et de leur contribution à la création d’une ville plus accueillante pour les personnes exilées.

2023 ©Shila Anaraki 

Vous venez du siège de Fedasil, mais pourriez-vous nous en dire plus sur les personnes qui vous poussent sur cette photo ?
Ce sont des demandeurs d’asile. Ils avaient droit à une place dans un centre d’accueil mais on leur en a refusé l’accès. Depuis octobre 2021, soit depuis 4 ans, par manque de places, le gouvernement belge n’assume plus son devoir d’accueil et d’aide matérielle à tou·tes les candidat·es à la protection internationale. Il contraint ainsi des milliers d’hommes à dormir dans la rue. Des ONG ont proposé des solutions d’hébergement temporaire semblables à celles offertes aux demandeur·ses d’asile ukrainien·nes au début de la guerre, mais le gouvernement a refusé de prendre de telles mesures pour des non-Européen·nes.

2023 ©Shila Anaraki

Sur cette image, plusieurs personnes les ont rejoints. Sont-elles aussi demandeuses d’asile ?
Non. Nous faisons partie du collectif Stop crise de l’accueil. Ici d’autres membres nous ont rejoints pour une action de protestation. Notre présence a beaucoup attiré l’attention, et c’était délibéré. Le but de ces actions est de provoquer une prise de conscience dans l’espace public et de permettre aux demandeurs d’asile à la rue de raconter leur histoire.

Comment vous êtes-vous retrouvés dans ces actions de protestation contre le gouvernement ?
Tout au long de 2022, à plus de 8 800 reprises, le Tribunal bruxellois du travail a déclaré l’État belge coupable de non-respect de son obligation légale d’assurer des normes minimales en matière d’accueil, le condamnant à des amendes qui s’élèvent aujourd’hui à plus de 275 millions d’euros. Le gouvernement n’ayant pas payé ces amendes, le Tribunal nous a saisis au siège de Fedasil pour nous vendre aux enchères. Une chercheuse nous a achetés dans l’idée d’amener « le centre d’accueil » aux personnes n’y ayant pas accès. Le collectif Stop crise de l’accueil était très actif à l’époque, et notre entrée en scène a donné lieu à un Salon de la honte. On nous a fixé des roulettes et des banderoles, et poussés d’une place proche du Parlement flamand jusqu’au centre fédéral de crise. Ce bâtiment a été occupé, servant de logement temporaire à certains des demandeurs d’asile.

OccupFédérale, 2023 ©Shila Anaraki

Sur cette image on vous voit justement à l’intérieur du centre fédéral de crise occupé. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces occupations temporaires et le rôle que vous y avez joué ?
En effet, nous étions présents dans ce bâtiment jusqu’à l’expulsion. C’est une lutte destructrice. Les mobilisations contre les politiques migratoires hostiles vont de pair avec ces occupations d’espaces publics et de bâtiments vides, mais aussi avec des expulsions. Les habitants et nous sommes constamment forcés de déménager d’un endroit à l’autre. Mais ces occupations ont un impact. Celle-ci en particulier – les militant·es l’ont appelée OccupFédérale – a plutôt été une réussite. L’argument des occupant·es était : le gouvernement fédéral est condamné pour ne pas avoir respecté les droits des demandeurs d’asile et mis fin à la crise de l’accueil, donc il ne peut pas nous accuser de vivre dans ce bâtiment. Cette occupation est devenue une action politique forte. Elle a permis l’empouvoirement des demandeurs d’asile en les rendant visibles et audibles, et la pression exercée sur le gouvernement l’a contraint à leur fournir un hébergement Fedasil.

Il y avait donc un certain intérêt de la part des demandeurs d’asile à participer à l’action politique ?
Pour certains habitants d’OccupFédérale, cette forme de lutte urbaine est avant tout une stratégie de survie. L’un d’eux disait que pour lui, ce n’était pas tant une action politique qu’une solution temporaire à son problème. Mais l’appropriation d’espaces inoccupés combinée aux mobilisations politiques contre la négligence des primo-arrivant·es politise de nombreuses personnes en demande d’asile ou solidaires, certaines également actives dans la lutte pour le droit au logement à Bruxelles.

OccupFédérale, 2023 ©Shila Anaraki

Oui, j’ai remarqué une banderole « Logement pour tous » sur le bâtiment. La lutte s’étendait-elle au-delà de la crise de l’accueil et de l’exigence du respect des droits des demandeur·ses d’asile ?
En effet. Les occupations par les demandeurs d’asile sont à l’intersection de deux luttes : la lutte pour le droit à l’accueil des primo-arrivant·es – qui s’adresse au niveau fédéral – et la lutte contre la marchandisation et l’inoccupation des logements. Le droit au logement concerne le gouvernement régional et sa complicité dans le marché immobilier néolibéral axé sur le profit. Dans ce sens, la manière dont les demandeurs d’asile revendiquent leurs droits, un logement et une visibilité dans la ville peut être une inspiration pour d’autres. En tant que Salon de la honte, nous recoupons ces luttes en incarnant les trois aspects de l’histoire : nous évoquons directement la quête d’un chez-soi, notre lien au siège de Fedasil met en évidence l’illégalité des actions du gouvernement fédéral, et notre présence attire l’attention, visibilise la lutte mais interroge aussi les normes en matière de (ce) qui est présent dans les rues de Bruxelles.

Campement de fortune, 2023 ©Shila Anaraki

Les occupations dont vous faites partie ne durent pas. Cela affecte-t-il la capacité à mobiliser ?
Bonne question. Le changement fréquent des personnes et des sites rend effectivement difficile une continuité, mais c’est l’accessibilité des lieux qui est la plus cruciale pour les mobilisations. Récemment, des occupants qui fumaient une cigarette assis sur nous ont comparé deux exemples.

Deux hommes ont parlé d’un campement de fortune dans lequel ils avaient vécu au centre de Bruxelles, à côté du centre d’accueil des demandeur·ses d’asile. Le camp se trouvait sur la route de l’école ou du travail de beaucoup de gens, et sa disposition ouverte favorisait le contact. Les hommes ont mentionné des passant·es, voisin·es, militant·es qui passaient du temps avec eux. L’accessibilité de l’endroit facilitait l’échange d’informations, la mobilisation politique et la création de liens. Les jeunes hommes assis sur nous disaient avoir même eu dans ce camp un sentiment d’appartenance. Malgré les conditions de vie précaires, l’insécurité et l’attente angoissante, ils ont noué des amitiés et se sont sentis plus forts de par le soutien reçu dans leur demande d’asile.

Palais des droits, 2023 ©Shila Anaraki

Un autre homme comparait cela avec l’expérience du Palais des droits. Au cours de cette occupation, la façade opaque de l’ancien immeuble de bureaux n’était accessible que par une porte latérale, et ce bâtiment extrêmement grand avait un plan au sol et une division des étages qui vous désorientaient, selon lui. Cette organisation spatiale, associée au grand nombre d’habitants – plus de 1000 à un certain moment –, rendait impossible le contrôle des activités à l’intérieur. Sans surprise, il n’a pas trouvé ce bâtiment très accueillant. Et puis la plupart des non-habitant·es évitaient d’y entrer, même les ONG et les services médicaux. Dans le même temps, l’architecture opaque et impénétrable de l’immeuble a permis aux gens de se soustraire au regard des autorités. Là-bas les conflits étaient souvent difficiles à résoudre, et l’homme disait qu’il aurait aimé une protection policière à l’époque où il vivait là.

OccupFédérale, 2023 ©Shila Anaraki

Nombre de personnes impliquées dans le Palais des droits ont tiré des leçons de cette expérience et décidé de rejoindre l’OccupFédérale, autre immeuble de bureaux occupé, avec cette fois un groupe réduit et fixe de demandeurs d’asile sans abri. D’autres personnes sans-abri n’ont pas pu y entrer. Certaines ont fini par dormir sur le trottoir à l’extérieur. La police fédérale a entamé un siège du bâtiment juste après son ouverture. Les demandeurs d’asile et les militant·es se sont retrouvé·es enfermé·es à l’intérieur pendant les deux semaines qu’ont duré l’occupation, ou presque. La façade de verre permettait à la police, aux passant·es et aux journalistes de voir à tout moment ce qui se passait à l’intérieur. Dans le campement de fortune, les gens pouvaient au moins se retirer dans leur tente. Là, nous étions ridiculement exposé·es à toute heure, au moment de dormir, du petit-déjeuner, du diner, des réunions ou de détente.

OccupFédérale, 2023 ©Shila Anaraki

Étrangement, le fait d’être enfermé·es et contrôlé·es nuit et jour par la police créait un sentiment de sécurité. Les habitant·es affirmaient bien dormir et ne pas craindre la violence ou les vols. La communauté était très paisible, festive et bienveillante : cela a tissé des liens forts entre les demandeurs d’asile et les personnes solidaires dans le bâtiment, et leur a donné la force de planifier des actions et manifestations politiques de lutte pour les droits de tou·tes les demandeur·ses d’asile.

Avocat·es à l’OccupFédérale, 2023

Sur cette image on voit les avocat·es assis·es sur vous. C’est un dessin réalisé d’après une photo prise à l’OccupFédérale juste après une action en justice. De quoi traitait-elle ?
Comme nous l’avons dit, le gouvernement fédéral est propriétaire du bâtiment et a demandé une expulsion. Mais voilà : nous avons été vendus aux enchères parce que le gouvernement ne payait pas les amendes auxquelles il a été condamné. Les avocat·es de l’image se sont appuyé·es sur ces condamnations pour arguer que le gouvernement violait lui-même la loi en négligeant le droit à l’accueil des habitants. Ils et elles ont exigé qu’en cas d’expulsion, un logement soit immédiatement fourni aux 70 habitants. La justice de paix a tranché en faveur de cette demande. Ces condamnations n’ont pas vraiment eu d’effet direct sur la crise de l’accueil mais elles ont discrédité publiquement la gestion du gouvernement en la matière et peuvent constituer une base légale pour la défense des occupations.

TocTocNicole, 2023 ©Shila Anaraki

Les avocat·es ont fait quelque chose de semblable pour l’occupation suivante, TocTocNicole / KnockKnockNicole. Le nom renvoie à la proximité immédiate du bâtiment avec le siège de la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor. Le propriétaire, une société immobilière, a demandé aux occupants de prendre en charge les frais d’électricité et d’eau, et qu’une entité légale assume la responsabilité de l’immeuble. Les occupants ne pouvaient pas répondre à ces demandes mais les avocat·es militant·es ont imaginé une contre-stratégie. Ils et elles ont impliqué le gouvernement fédéral dans l’affaire, arguant qu’il était responsable du sans-abrisme de ces personnes, et ont requis sa désignation comme entité légale devant assumer les charges pour l’occupation du bâtiment. Le Tribunal n’a pas retenu cette dernière demande mais a bel et bien condamné le gouvernement à prendre en charge tous les couts et à fournir de la nourriture, des vêtements, ainsi qu’un accompagnement social et médical. Détail savoureux : pendant l’affaire, au moment de plaider, les avocat·es nous ont aussi mentionnés, nous les canapés, comme symboles d’un système défaillant. Nous sommes de fait une preuve matérielle et une représentation facilement lisible des politiques migratoires illégales belges.

OccupFédérale, 2023 ©Shila Anaraki

Sur cette image on voit des journalistes dans l’une des occupations. Elle montre toute l’attention médiatique qu’ont reçue ces actions. Diriez-vous qu’elles ont été un succès ?
De toute évidence, ces occupations ne doivent pas être idéalisées. Les demandeur·es d’asile n’ont pas tou·tes la « chance » d’obtenir une place dans un bâtiment occupé. Quand c’est le cas, les conditions de vie y sont extrêmement précaires. Les durées de ces occupations ne sont jamais connues, mais en tout cas jamais très longues. Les habitant·es des immeubles occupés doivent systématiquement faire face à des expulsions et dispersions semblables à celles que connaissent les personnes qui vivent dans la rue, ou celles qui arrivent au terme d’un séjour dans un hébergement temporaire. Toutes sont contraintes de continuer à circuler dans la ville, sont confrontées à des problèmes de santé non traités et souffrent mentalement de la situation instable dont elles sont prisonnières.

Mais les occupations et les actions en justice ont fait pression sur les autorités locales et fédérales, les obligeant à réagir et à s’adapter, et finalement à investir dans les conditions d’hébergement des primo-arrivant·es : 70 personnes se sont vu garantir des places à long terme, le gouvernement a été condamné à apporter une aide matérielle aux habitants de TocTocNicole, plusieurs hébergements temporaires ont été ouverts à Bruxelles et les sociétés immobilières propriétaires doivent tolérer l’appropriation temporaire de leurs bâtiments. En revendiquant une véritable place dans la société − à travers ces bâtiments, les actions en justice, les actions publiques et la visibilité −, des primo-arrivants qui en étaient « exclus » ont repris le contrôle de leur propre récit, ont affirmé leurs droits et leur présence dans la ville, et ce faisant, ils ont activement participé à façonner l’environnement urbain.

À propos de l’autrice : cet entretien fictif se base sur des recherches menées dans le cadre de mon doctorat et de ReROOT, un projet Horizon 2020. Pendant ces recherches, j’ai acheté cinq canapés, dont trois sont devenus accessoires dans le mouvement Stop crise de l’accueil, les deux autres ayant rejoint l’accueil de Globe Aroma, un atelier d’artistes pour les personnes avec un parcours de migration. La présence et les interactions continues de ces canapés dans ces différents lieux ont évolué en un outil méthodologique, doublé d’un objet de réflexion central dans mes recherches.
À travers lui, j’interroge l’efficacité des différents modes d’action politique et leur rôle dans la construction d’une ville plus accueillante pour les personnes à la citoyenneté précaire. L’entretien, aussi traduit en néerlandais, est issu d’une collaboration avec Bruno Meeus, co-superviseur de l’étude.

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