Roman populaire, théâtre populaire, chanson populaire, séries populaires, cinéma populaire, culture populaire, késako ? Qu’en dire aujourd’hui tandis que le dogme du « non essentiel » ne cède pas et que la vie culturelle, lourdement affectée par les mesures liées à la pandémie, résiste obstinément, dans des formes réinventées, dans des lieux multiples et inédits et surtout, pour le meilleur et parfois le pire, sur la toile.
Comment, dans ce contexte, évoquer la culture populaire sans tomber dans les pires stéréotypes ? Comment articuler ou au contraire distinguer la question de la tradition, du non savant (à supposer que cette appellation puisse être légitimée) et celle du succès et de la célébrité ? Le débat qui entoure le futur musée du Chat à Bruxelles porte précisément sur la légitimité d’un musée dédié à la culture dite populaire dans le quartier muséal du Mont des Arts.
« Parler du populaire, c’est forcément se confronter à la question du peuple : l’adjectif ne peut se penser sans le substantif. Or les discussions autour de la figure du peuple ont toujours été compliquées, car il s’agit d’une notion qui non seulement recouvre plusieurs sens incompatibles entre eux, mais dont la portée est toujours immédiatement politique. » Ainsi commence ce dossier, sous la plume d’Antoine Chollet. Entrée en matière significative et question qui ne risque pas d’être épuisée au terme de ce Journal.
Ce fil sous-tend les articles rassemblés ici et dans le Journal en ligne : les auteur.ices soulignent la dimension polysémique des termes populaire et peuple et évoquent la difficulté de construire pour chacun d’eux une définition satisfaisante.
Il n’y aura pas ici de solution simple ou définitive mais au contraire, un foisonnement de questionnements, d’éclairages, d’analyses, de témoignages et de paroles vives. Différents registres d’expression et de création, formes, lieux sont convoqués pour interroger cette « culture populaire », arts plastiques, musique, théâtre, danse, cinéma, littérature, carnavals, musées, édition, artisanat, médias, autant de champs au sein desquels la question du populaire s’appréhende de manière partagée et pourtant singulière.
Outre les tentatives de définition, il sera question ici d’une culture populaire trop souvent faite pour le peuple et non par lui, des tensions et des maillages heureux ou non entre culture populaire et culture savante, culture mainstream, culture industrielle et « algorithmisée ». Dans le dossier en ligne, l’article de Laurent Busine trace un itinéraire habilement tissé entre le populaire et le savant. Il sera aussi question d’explorer, au long d’une série d’entretiens, des pratiques, des expériences et des recherches d’une grande diversité.
Du côté de l’image, nous vous proposons, à dessein, d’entrer dans l’univers autrefois marginal et désormais familier du tatouage, une pratique populaire à plus d’un titre.
Nous vous souhaitons bonne lecture d’un dossier qui, contre les apparences, s’inscrit avec force dans l’actualité d’une société qui brasse à sa manière et depuis deux ans les concepts d’essentiel et de non essentiel.
Image : © Marine Martin