Et après ?

09-03-2023

Que faire ? C’est souvent la question qui vient quand on agite des problématiques sociales. Et d’ailleurs, cette question, on se l’est posée nous-mêmes dans nos différents ateliers.

Durant la semaine, nous avons ainsi dédié un temps spécifique autour de cette question : comment faire face ? À travers un parcours d’ateliers, nous avons proposé différentes manières d’envisager ces questions : autour de l’énergie, des préjugés sur les personnes surendettées, du crédit, de la ligne du temps de la dette, de la compression de notre puissance d’agir…
Ce parcours était pensé comme un jalon pour réfléchir, discuter, aller plus loin : pour passer d’une politique du pansement à une politique du changement.

Dans le même esprit, dans le centre culturel, nous avons dédié un espace aux propositions concrètes pour que les situations décrites tout au long de la semaine puissent être visibles. À cette fin, un panneau : « Qu’est-ce que cela vous donne envie de changer/de revendiquer ? », et peu à peu les réponses arrivent et nourrissent le débat :

Je veux bien qu’on mette au travail les actionnaires les plus riches.
Les huissiers, quand ils viennent, ils t’intimident : on devrait faire une loi pour les en empêcher.
L’hôpital ne doit pas fonctionner comme un créancier.
Autour du logement, plusieurs propositions :
Une diminution des loyers
Un plafonnage des loyers/une adaptation des loyers aux revenus (pas
plus d’un tiers)
Le développement d’habitats collectifs
Davantage de logements sociaux
L’arrêt des indexations annuelles
Agir structurellement sur tout ce qui amène aux situations d’endettement.

Nous, on a trouvé que c’était un début.
Ça nous a donné envie d’aller plus loin.
Alors, après cette semaine, on a organisé un temps de réflexion avec des membres de Trapes.
On s’est retrouvé·es dans un local qu’ils et elles utilisent habituellement.

© Esquifs

PRENDRE LE POUVOIR. CHANGER LE/DE MONDE.

Récit d’un atelier mené avec des membres de Trapes

On est d’abord reparti·es de cette question : « Trop chère la vie… pour vous, c’est quoi le problème ? » Ça a donné lieu à une discussion, qui a permis de relever plusieurs constats : à la fois l’augmentation générale du cout de la vie, le stress que cela crée dans nos vies, la honte qu’on éprouve quand on n’y arrive plus, et la difficulté à aller chercher de l’aide.
Face à tous ces constats, on propose de former un gouvernement.
On se répartit les ministères.
On fait un programme.

Au ministère des Finances

Les revenus ne sont plus accordés en fonction du mérite, ou d’une quantité de travail, mais sont liés à la possibilité pour tou·tes de vivre dignement (idem pour le personnel politique ou la famille royale).
Obligation est faite aux plus riches et aux entreprises de cotiser de manière plus importante.
Les paradis fiscaux sont interdits. Les entreprises doivent cotiser dans leur pays.
Les frais bancaires sont interdits.
On diminue les tarifications des huissiers.
On octroie une aide aux petits commerces (qui pourrait notamment être attribuée à partir d’un fond de solidarité que les entreprises de la grande distribution alimenteraient).

Au ministère de l’Alimentation

On garantit un accès à une épicerie sociale à toute personne ayant un revenu de remplacement ou de petits revenus. Ces épiceries sont suffisamment financées pour garantir une alimentation saine et de
qualité.
Les coopératives alimentaires sont soutenues et encouragées.
On développe des cantines populaires accessibles.
Une fois, deux fois, plusieurs fois par mois, on dispose d’un repas gratuit dans le restaurant de son choix.

Au ministère du Logement

On plafonne les loyers.
On augmente le parc de logements sociaux.
Pour tou·tes, les loyers ne dépassent pas un tiers du revenu.
On supprime le statut de cohabitant·e (voir pour ça le travail accompli par le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté).
On attribue des aides au logement pour celles et ceux qui sont en attente de logement social ou d’AIS.
On diminue les précomptes immobiliers pour les petits propriétaires.
On bloque l’augmentation des loyers des logements qui nécessitent des travaux.
On garantit un logement pérenne à tou·tes : en cas d’éventuel déménagement contraint par un·e propriétaire, il ou elle s’engage à accompagner ses locataires pour trouver un nouveau logement, quitte à le soutenir financièrement pour cela.

Au ministère de l’Énergie

On découple la consommation d’énergie de ce qu’on paie : on paie désormais en fonction de nos revenus, comme une cotisation.
La gestion de l’énergie est collectivisée.
Face aux aléas d’un marché fluctuant et peu sécurisant, on favorise une politique d’anticipation plutôt qu’une politique de la réaction (qui pèse en général beaucoup plus sur les plus précaires).
Les collectivités publiques ont à leur disposition un fond (récolté sous forme de cotisation) qui peut être utilisé en cas de coup/cout dur. De la même manière, on crée un fond catastrophes climatiques, qui peut être activé si nécessaire.

Au ministère de l’Environnement

Les transports en commun sont gratuits.
Les transports non-bruyants sont favorisés.
On interdit la voiture en ville, sauf pour des raisons médicales.
On augmente les espaces verts.
On augmente les potagers collectifs et on les répartit dans tous les quartiers de nos villes.

Au ministère de la Santé

Obligation est faite à tou·tes les médecins d’être conventionné·es.
Le tiers-payant est généralisé.
Les frais de soin sont uniformisés entre les spécialistes.
L’acompte financier avant toute prise en charge hospitalière est supprimé.
On arrête la tarification à l’acte.
On permet à chacun·e de choisir son hôpital, en fonction de ses besoins et non de ses revenus.
Le système de financement des hôpitaux ne repose plus sur un endettement structurel mais sur une politique de cotisation effective.
À la tête des hôpitaux, on remplace les gestionnaires par des soignant·es et/ou soignée·es.
On remplace la politique assurantielle des mutuelles par de vraies pratiques mutualistes.
En cas de maladie grave et onéreuse, on octroie automatiquement une somme qui permet de se soigner convenablement et sans stress.

Au ministère de l’Égalité des chances

Les droits sociaux sont ouverts de manière inconditionnelle pour toute personne se trouvant sur le territoire.
Pour lutter contre la fracture numérique, internet est accessible gratuitement partout.
On stoppe la dématérialisation des guichets, quitte à en ré-ouvrir.
Par ailleurs, on crée des services relais informatique gratuits qui permettent d’accompagner toute personne qui en ressent le besoin.
Ceci étant dit, on reconnait à toute personne le droit de ne pas s’intéresser aux mutations technologiques et à pouvoir continuer à vivre comme elle l’entend.
Les personnes handicapées bénéficient de matériel de qualité pour vivre chez elles et à l’extérieur.
On travaille de manière plus active à aménager les villes pour les rendre circulables pour tou·tes.

Au ministère des Affaires sociales

On forme les assistants et assistantes sociales pour redonner des missions/valeurs qui tendent à plus d’empathie.
On égalise les hiérarchies au sein des institutions publiques.
On crée un service d’urgence dans ces mêmes institutions.
On renforce le secteur associatif en augmentant les emplois.
On ne conditionne pas l’aide accordée aux structures à des demandes annuelles, mais on leur accorde automatiquement une aide, sous couvert d’une évaluation régulière des dépenses (que l’argent ne soit pas dépensé n’importe comment).
Concernant la rédaction des courriers administratifs et/ou de factures : les mots agressifs sont prohibés. Les délais de paiement sont supprimés.
On encourage tous les services qui produisent des courriers à développer un suivi actif des courriers qu’ils envoient.

Au ministère de la Culture

L’accès au lieux culturels est gratuit.
On octroie un crédit-temps à chacun·e afin de participer à la vie culturelle.
On reconnait et on travaille à étendre les droits culturels de toutes et tous.
On modifie le statut des artistes, qui sortent du chômage.
On finance la recherche artistique.

Les idées ne manquent pas !
Il suffit parfois de laisser de la place pour qu’elles émergent.
L’étape suivante, ce serait probablement d’en rediscuter, de les
compléter, les comparer avec des pratiques déjà existantes. En tout cas,
c’est possible. Ce qui nous appartient à tou·tes, c’est de faire en sorte
qu’elles se réalisent, d’une manière ou d’une autre.

Imagine. Imagine comment ça serait comment ça ferait.
Imagine ce qu’on ferait – si tout à coup – imagine – quelle fête ça pourrait être – ce qu’il pourrait y avoir de joie et de beauté si tout à coup – imagine – si tout à coup on décidait – quelle fête alors oui quelle fête ça serait si tout à coup – si on se réunissait – ça oui imagine comment nos yeux se mettraient à briller si tout à coup on le faisait – si on osait si on franchissait le pas si on y allait – imagine – ce que ça ferait sous la peau – comment ça frissonnerait si seulement – imagine – la fête alors la fête si on le faisait – si on brisait si on osait si on brisait tout – on déchirerait tout – ce qui nous attache tout – tous ces endroits tout – cabinets et palais et bureaux et agences et sièges sociaux tout – si on envahissait tout et que dans un grand geste on déchirerait tout – imagine un peu leur tête alors – si on déchirait tout ce monde en morceaux – et si on lançait alors tout dans le ciel – imagine alors dans le ciel ce que ça serait cette pluie – ce que ça nous ferait imagine – imagine alors ce qu’on pourrait désormais imaginer – l’imagination encore à imaginer – imagine.

Apnée