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Interdépendance | Récits

21-02-2024

Vivre avec le trouble

Donna J. Haraway, trad. Vivien Garcìa, Les éditions des mondes à faire, 2020 (2016).

Liminaire : penser/panser

« Nul aventurier […] ne devrait quitter la maison sans un sacn » et de préférence un panier tissé (p. 74).
« Je suis une philosophe hantée par la manière dont ce monde a été systématiquement dépeuplé de toutes les ressources qui faisaient sentir, imaginer, penser, pour ne laisser qu’un imaginaire impuissant, plaintif, toujours déçun. »
« Entraîner son imagination à aller en visiten. »
« Quelles histoires racontons-nous lorsque nous racontons d’autres histoires, quels nœuds nouent d’autres nœuds, quels liens lient d’autres liensn ? »

Pourquoi commencer une présentation du livre de Donna Haraway par cette longue liste de citations ? Parce que Donna Haraway ne pense jamais seule mais toujours avec, en inter-dépendance avec tout une série de noms et de sourires bien concrets qui font et défont sa pensée au fil des pages. Isabelle Stengers, Vinciane Despret, Ursula K. Le Guin, Hannah Arendt, Marilyn Strathern, Starhawk, Karen Barad, Deborah Bird Rose, Lynn Margulis, Anna Tsing, Jocelyne Porcher, Judith Butler et beaucoup d’autres forment des String Figuresn qui tricotent une tapisserie d’histoires embrouillées. Ce tissage fait apparaitre d’autres motifs possibles que celui désespérant et stérile d’imagination du monde qui vient, un monde de l’absence d’horizon et du motif unique : TINA (There is no alternative). D’une certaine manière, cette liste de femmes que Donna Haraway convoque forme une étrange pelote qui cherche à « panser » cette absence.

Dans la grande accélération et le grand atermoiement de notre temps, avec son réchauffement, ses montées de haine et ses retraits identitaires, temps des dénis et des radicalités, Donna Haraway nous raconte des histoires collectives, naturelles, culturelles afin de nous rendre capables d’affronter la polycrise de l’anthropocène.

Introduction

Lors d’un colloque sur le changement climatique en 2012, Brad Werner, ingénieur des systèmes complexes, remarque que « du point de vue scientifique, le capitalisme mondialisé avait supprimé toute entrave à l’épuisement des ressources et qu’il avait rendu celui-ci tellement rapide, commode et sans limite que le système terre-humain en conséquence, était en train de devenir dangereusement instable. […] il poursuivait en soutenant que l’unique acte scientifique à accomplir, compte tenu de la situation, était de se révolter » (p. 92). Brad Werner pose la question de la radicalité face à ce qui s’annonce. Donna Haraway sait qu’une certaine forme de violence est inévitable dans les moments de grandes transitions et de transformations politiques et sociales. Cette radicalité du changement s’incarne par exemple dans l’histoire de science-fiction de Wendy Delorme, Viendra le temps du feun. Elle met en scène une jeunesse qui, devant le déni et l’immobilisme des adultes face aux conséquences du réchauffement climatique, décide de résister par le suicide et le refus de faire des enfants. Quand nos modes de vies remettent en cause la viabilité du monde et sa beauté pour les générations à venir, pourquoi se reproduire ? Comment résister à la tentation de la violence et simultanément à la montée des ravages ? Haraway ne multiplie pas les « il faut » et les injonctions mais s’appuie sur des exemples concrets. Des contre-modèles situés et viables qui associent toujours des faits scientifiques − Donna Haraway est biologiste − et des travaux artistiques ; qui mixent le déploiement d’imaginaires avec un composé d’innovations technologiques dans des combinaisons inédites. Contre ne signifie donc pas opposé à mais décrit une tension dynamique : à la fois appui, soutien, force qui contrebalance et qui constitue une source de nouveaux équilibres toujours provisoires. Ces contre-tentatives concrètes de faire autrement et de devenir avec représentent sa façon à elle de donner à voir et à sentir d’autres réponses au solutionnisme technologique à outrance, au réductionnisme ou au pouvoir des lobbys. Elle veut échapper au manichéisme et en particulier à la fausse alternative : apocalypse/post-humanisme.

D’ailleurs, sa conception de la complexité refuse de s’appuyer sur le vieil individualisme borné et utilitariste, uniquement guidé par des rapports de concurrence. Elle souhaite « laisser tomber les vieilles rengaines managériales et technocratiques, éprises de marché et de profit ou prenant la défense de l’exception humainen  ». Certaines histoires stérilisent les imaginations et agissent en quelque sorte comme des bêta-bloquants. Cette dernière remarque résonne avec les propos de Brad Werner et en particulier le fait que les modèles scientifiques et économiques dominants de notre modernité n’aident pas à lutter contre la crise mais paraissent l’innocenter. Sa colère contenait une nuance supplémentaire : nous sommes tou·tes embarqué·es, scientifiques compris·es. Il n’existe plus de position de surplomb qui nous installerait dans une posture « objective » coupée du monde et de nos émotions.

Le trouble et l’opaque « contre » le clair et le distinct

Définition

Troubler peut signifier: remuer, obscurcir, déranger, créer de la confusion, douter, être affecté·e émotionnellement, mélanger ou être dans l’impossibilité de produire une analyse rationnelle et dépassionnée. Le terme renvoie également, si l’on pense à l’expression d’Édouard Glissant « d’opacitén », au célèbre clair et distinct de René Descartes. Il désigne enfin les troubles dans le sens d’avoir des ennuis, de problèmes, d’embrouilles même. Le trouble d’Haraway, dans la diversité de ses significations, prend l’allure d’un cheminement destiné à contrecarrer les effets de la mathèsis. Haraway se méfie de l’analyse qui découpe, tranche, simplifie et mutile, du laboratoire qui isole et rend interchangeables les spécificités ancrées des situations. Son matérialisme refuse le grand dualisme des Modernes entre une matière-ressource soumise aux lois mécaniques du mouvement et un esprit propriété de l’exceptionnalisme humain le séparant du reste de la nature.

Animal-machine et insensibilité

Il existe une anecdote au sujet de Nicolas Malebranche, un ami de Descartes qui avait fait siennes nombre de ses nouvelles idées. Un jour, il se mit à battre son chien à mort. À entendre les cris du pauvre animal, quelqu’un vient et demande à Malebranche les raisons de cet acharnement. Celui-ci eut cette répartie : « il crie mais il ne sent rien », illustrant de manière glaçante la théorie de l’animal-machine de Descartes. Le dualisme cartésien cantonne la subjectivité et les émotions à la sphère humaine, éjectant à l’extérieur le reste des êtres vivants. De l’autre côté de cette frontière imperméable, la Res extensa (le corps) réduit le monde à une matière à extraire, exploitable et corvéable à discrétion par « le maitre et possesseur de la Nature ».

Espèce compagne et matérialisme sémiotique

Haraway vit aussi avec une chienne, prénommée Cayenne Pepper, avec laquelle elle participe à des parcours d’obstacles, des « Hoopers » pour les « hoops » qui sont de larges arceaux à traverser. Cette pratique sportive basée sur la coopération et la communication chien-humain est une critique en acte de cette vision mécanique de l’animaln. face à l’animal-machine, Haraway propose « l’espèce compagne » et une nouvelle forme de matérialisme, ce qu’elle intitule un « matérialisme-sémiotique » : « Tant les cyborgs que les espèces compagnes combinent des formes surprenantes humaines et non-humaines, organique et technologique, carbone et silicium, diversité et déclin, modernité et post-modernité, nature et culture […] un bestiaire de capacités d’agir, de formes de mise en relation et de faisceaux de temps défiant l’imagination du plus baroque des cosmologuesn. »

Toute matière vivante fait signe et cette adresse est une manière d’annuler sa réduction en simple matériau. Le matérialisme d’Haraway n’est donc pas incompatible avec la fabrication de tropes et de métaphores. il n’érige pas de frontière infranchissable entre une matière réduite à des propriétés quantifiables et s’appliquant invariablement quels que soient les échelles et les objets étudiés, et le monde de la subjectivité, des qualités et du sens. Le trouble fait trembler le rigide dualisme cartésien qui nourrit l’exceptionnalisme humain et notre absence d’empathie pour le monde vivant. Il dérange l’image habituelle de l’être humain, seul détenteur de la Raison et producteur exclusif des signes, des adresses et des significations.

Troubler les évidences

Avec le trouble, Haraway opacifie nos évidences modernes et retisse du lien avec cette « matière » vivante, ces autres terrestres qui nous entourent. Le trouble défend les recoins marécageux où prospèrent la vermine grouillante, les insectes, les hyphes et rhizomes. Haraway propose le mot « chthulucène » comme alternative à l’anthropocène : une présence chthoniennen qui ne s’éclaircit pas dans la mise en ordre cartésienne du monde et sa mise au pas. Ce nouveau joueur revendique les sous-sols, la glèbe, les tentacules et les antennes, les noues, les pattes, les dards, les épines, les flagelles, les toiles et les mandibules, la chitine et les radicelles, les spores et les lichens qui frétillent et s’agitent en magmas turbulents et indisciplinés. Le chthulucène ne se reconnait ni dans Apollon ni dans Dionysos. Il soutient des outsiders tels que Protée, erèbe, Briarée ou Chaos.

Autonomie « contre » interdépendances

Le trouble s’apparente enfin à une méthode. Il déplace l’attention vers ce qui d’habitude demeure invisible : les bactéries, les insectes, les champignons, les plantes et les animaux, toutes ces créatures qui ne possèdent souvent même pas de nom. Toutes ces populations sont propulsées sur le devant de la scène avec des rôles à jouer dans les embrouilles embrouillées du chthulucène. Le trouble nous rend sensible à ce qui n’était pas important. Il rend digne d’attention ce qui nous laissait indifférent·es. Il nous empêche d’assister, impavide, aux cris d’un chien mourant. Donc, si Vivre avec le trouble est une critique de l’anthropocène, c’est d’abord parce que ce livre s’attaque à la notion de l’individu délié de ses attachements et de ses interdépendances, de l’être humain autonome bardé de son costume de self-made-human triomphant. Haraway nous ré-attelle au charriot terrestre. Le chthulucène nous lie aux autres êtres vivants à l’aide de nouveaux motifs qui dessinent des formes productrices d’horizons vers lesquels tendre collectivement.

String Figures*, poïèse et faire avec

*Une String Figure pour Haraway, nommée SF, peut endosser de multiples formes, science-fiction, Scientific Fact (fait scientifique), So Far (jusqu’à présent), ou Speculative Feminism.

SF, un jeu d’enfants ?

Les SF naissent dans le bruit des cours d’école. Plusieurs mains nouent et dénouent un fil et forment successivement de multiples figures géométriques. Les SF se pratiquent collectivement. « Jouer à des jeux de ficelles, c’est faire des figures, c’est passer et recevoir, c’est faire et défaire, c’est attraper et abandonner des fils. » (p. 26) Des mains, de l’imagination, des interactions, des motifs et de l’expérience, voilà les ingrédients pour faire des SF. Les motifs doivent s’entendre aussi sous le prisme de l’école: ce sont des formes mais aussi des causes et des effets dans le sens où donner un motif c’est exposer ses raisons.

Les SF ne sont pas qu’une métaphore. Elles s’ancrent dans la réalité: toucher et être touché·e exige un tour de main pour composer avec les mains des autres. Les motifs d’une cours d’école ne ressemblent à aucuns autres. Les SF s’immergent dans des situations spécifiques : des configurations − motifs − inscrites dans des lieux et des durées, tributaires de contraintes particulières à chaque nouvelle passe. Composer avec ces partenaires de jeu demande de s’accorder, de négocier, de traduire et de contre-traduire les appels et les propositions successives.

La cabane et le labyrinthe

Henri Gaudin, dans son ouvrage La cabane et le labyrinthen, offre un exemple éclairant de ce « faire avec SF ». Il étudie les plans des cathédrales et en particulier ceux dessinés au XIXe siècle des grandes cathédrales gothiques du Moyen Âge. en regardant ces plans symétriques et orthogonaux, ces carrés parfaits espacées, répliqués en rangées avec leurs arcs et leurs colonnes parfaitement espacées, il se rend compte que quelque chose cloche. Il est troublé. Ces plans, et en particulier ceux que Viollet-le-Duc dessine de la cathédrale Notre-Dame à Paris, sont faux, ou plutôt remplis d’inexactitudes. Ils ressemblent davantage à des projections idéalisées qu’à la reproduction fidèle de la structure de la cathédrale. Paradoxalement ils sont approximatifs parce qu’exacts, trop symétriques justement. La réalité de la structure de la cathédrale malgré Viollet-le-Duc et sa flèche tendue vers le ciel, est une réalité tordue, faite d’écarts, de petites approximations et d’obliques. Dans les cathédrales, merveilles d’inventivité technique et d’équilibre, de tension impossible entre le verre et la pierre, rien n’est droit justement. C’est pourquoi tout est affaire d’adresse face à la résistance de la matière. Le faire avec ou poïèsis pourrait se définir comme les tours et les détours des mains en contact avec la durée du chantier, les contraintes techniques, météorologiques, géologiques, économiques, etc.

Ce que je tisse avec les autres n’est pas déterminé par un plan ou une règle du jeu qui préexisterait. Il ne s’agit pas d’exécuter des formes dans un ordre donné à l’avance, même si le jeu implique un savoir qui nous précède, des tours de mains, des passes apprises, tout une culture qui nous devance. Les SF n’exigent pas d’architecte qui ferait des joueur·ses de simples exécutant·es. Les SF s’effectuent dans l’interaction avec les autres mains dans une suite d’effets et de contre-effets délinéant une véritable pratique au sens d’un savoir artisanal qui s’affine en se faisant. Henri Gaudin comprend la nature SF des cathédrales, issue de « connaissances obliques et de savoirs conjecturaux » résultant « d’une logique du tâtonnement, d’une éthique des alliances impossibles ». La pratique SF est constituée de « déhanchement, glissement, désaxement, inclinaison, recouvrement ». Les chantiers des cathédrales duraient des décennies et parfois s’étalaient sur plus d’un siècle. Des générations de maçons se passaient le témoin, devaient faire avec le déjà construit et les demandes évolutives des commanditaires. Les plans n’existaient pas. La cathédrale s’élevait en se faisant, en s’appuyant sur une combinaison de déjà construit, d’éléments standardisés et combinables, de traditions et de trouvailles. Cet exemple fait apparaitre comment la modernité n’a pas vu et a recouvert sous des plans orthonormés des pratiques de construction très éloignées de nos propres pratiques modernes, fondées sur la séparation entre un·e architecte, concepteur·ice − calculateur·ice −, et des artisan·es réduit·es à n’être que de simples exécutant·es. Il n’y avait ni spécialisation ni disciplinarisation des rôles et des fonctions. La poïèsis est un agir et une pensée qui se construisent dans leur propre expérience pratique ; une façon de faire qui ne se restreint pas au rôle de simple manœuvre : « Penser… c’est entrer dans un labyrinthe, plus exactement faire être et apparaitre un labyrinthe alors qu’on aurait pu rester étendu, parmi les fleurs faisant face au ciel. C’est se perdre dans les galeries qui n’existent que parce que nous les creusons inlassablement », dit Cornelius Castoriadis.

Projet individuel ou collectif ?

Haraway décrit le tissage entre trouble et SF comme une « pensée qui ne se génère et qui n’existe que par creusement inlassable, que par détours et perplexité devant chacun des carrefours » (p. 29). L’exemple des cathédrales illustre le fait que les histoires collectives ne se forment pas de la même manière que les histoires individuelles. Les histoires collectives ressemblent au jeu de ficelles des enfants qui n’ont pas besoin d’architecte ou de mode d’emploi pour inventer de nouveaux motifs : les figures se génèrent en se faisant. Dans l’interaction des mains et la combinaison créative des manières émergent de nouvelles formes.

Mixotricha paradoxa, symbiose ou survie des plus aptes ?

Mixotricha paradoxa semble à première vue un être uni-cellulaire. Mais, une fois scruté au microscope électronique et passé au crible du séquençage ADN, il s’avère être une micro-société symbiotique constituée de cinq espèces distinctes : trois sortes de bactéries en forme de cils et de flagelles qui participent à la locomotion et à la métabolisation; une autre nécessaire à la digestion de la cellulose et qui produit aussi de l’acétate, et une grosse cellule centrale avec son cytoplasme sur lequel s’attachent toutes ses partenaires. Non seulement Mixotricha paradoxa est une symbiose complexe mais cette alliance constitue à son tour un endosymbiote (organisme qui vit à l’intérieur d’une autre cellule ou d’un autre organisme) qui vit à l’intérieur d’une espèce de termite! Ce termite ne serait pas viable sans ses alliées intérieures qui digèrent et métabolisent le bois qu’il mange. D’ailleurs, tout comme les cathédrales, les termitières ne proviennent pas des plans d’un·e architecte mais s’inventent au fur et à mesure de leur propre SF, dans l’interaction matérielle sémiotique des acteur·ices qui contribuent à sa construction.

Cette histoire déjà embrouillée se complexifie encore quand on découvre que ce termite et ses congénères – qui vivent en colonie avec une cohorte de rôles et de fonctions diversifiées et intégrées (reine, ouvrières, nurserie…) − pratiquent l’agriculture et élèvent à l’intérieur de leur termitière un champignon bien particulier : les termitomyces titanicus dont les chapeaux peuvent atteindre plus d’un mètre de diamètre. Ces champignons participent à un véritable écosystème en décomposant le bois, en produisant des nutriments dont se nourrissent les termites et en maintenant un taux d’humidité interne à 80 %. Ils produisent aussi une enzyme qui lutte contre la prolifération d’algues vertes toxiques pour sa viabilité. En échange, les termites contribuent à la dispersion de leurs spores et leur fournissent un environnement idéal pour leur développement.

À mi-chemin entre les poupées russes et Les contes des Mille et une nuits, cette histoire emboitée brosse un processus systémique qui enjambe les espèces : « Les bestioles ne précèdent pas leurs relations, elles se construisent mutuellement à travers des involutions matérielles et sémiotiques, elles émanent d’êtres déjà issus de ce type d’entrelacs. » (p. 117) Notre exemple, convoquant dans la même histoire des bactéries, des champignons, du bois en décomposition, des insectes et des unicellulaires eucaryotes avec leurs pratiques, leurs processus chimiques complexes, offre un tableau alternatif à la théorie synthétique de l’évolution et son cortège d’acteur·ices en concurrence, de survie des plus aptes et de gènes égoïstes non pas parce qu’il faudrait remettre en cause ce modèle dominant mais parce qu’il fait exister à ses côtés d’autres grilles de lecture. Les symbioses, c’est-à-dire des organismes qui collaborent et interagissent pour leur survie commune, sont monnaie courante dans l’histoire du vivant.

De la symbiose à la sympoïèse, les êtres humains ne sont pas hors du jeu

La symbiose nous oblige à repenser nos rapports avec les autres et à reconnaitre nos dépendances avec les systèmes complexes comme les grands systèmes météorologiques. Pourtant nous continuons à abimer les écosystèmes au nom d’une vision économique court-termiste et réductrice. Le Covid-19 nous a contraint·es à nous enfermer pendant des mois en nous plongeant dans une crise économique, sanitaire et sociale. Cette pandémie a eu pour origine une constellation SF: le fait que la faune sauvage possède de moins en moins d’espace pour vivre ; la massification et l’accélération des moyens de transport qui ont favorisé la propagation du virus; un système de santé incapable d’accueillir le surplus de patient·es dans un contexte de rationalisation des soins basée sur la baisse du nombre de lits et la réduction d’un personnel mal payé et maltraité ; la Big Pharma uniquement guidée par un modèle économique de rentabilité entrainant des problèmes de production du fait de la délocalisation des usines et de la réduction du nombre de fournisseurs. Le Covid-19 est une histoire SF triste où les embrouilles ont mené à beaucoup de mort·es et de souffrance. Elle a eu néanmoins le mérite de faire apparaitre ces emboitements et ces interdépendances, ces motifs SF, ces sympoïèses, ces faire avec interspécifiques au centre du livre de Donna Haraway. Pour s’extirper d’une conception de l’autonomie humaine et d’un matérialisme purement extractiviste, il faut toucher et être touché·e, c’est-à-dire rendre sensibles et dignes d’attention ces interactions SF.

Renouer les histoires humaines aux embrouilles des autres êtres vivants

Haraway met en avant une modalité interconnectée et indéfectible du vivre ensemble où des espèces distinctes, avec des façons de faire et des manières de vivre très éloignées les unes des autres, deviennent avec. Dire que la symbiose est un modèle théorique important pour définir la vie terrestre consiste de fait à lutter contre une certaine forme d’aveugle- ment, une cécité qui se manifeste par une forme d’insensibilité aux interdépendances qui nous relient aux écosystèmes. Cette difficulté à percevoir est l’une des cibles de l’outil SF. Les String Figures représentent donc une métaphore et un outil afin de rattacher les histoires humaines aux embrouilles des autres êtres vivants. Rattacher signifie ressentir, se ré-attacher à. Le trope SF produit du sentiment, du sensible. Rappelons-nous que Donna Haraway se revendique d’un matérialisme « matériel sémiotique ». Faire apparaitre des attachements génère de l’émotion, du sensible. Rien ne changera sans cette dimension sémiotique et sensible des SF. Les String Figures s’attaquent à l’indifférence, au syndrome de Malebranche insensible à la douleur de son chien.

Pigeons et sympoïèses

Quand la symbiose implique la participation d’êtres humains, elle devient sympoïèse. Les pigeons partagent une longue histoire de devenir avec les êtres humains. Ils vivent dans nos villes. On les élève. On les mange ou on cherche à les éradiquer. Ils peuvent être choyés comme pigeons de course et valoir des fortunes ou être rabaissés au statut de rats volants. Ils ont débarqué avec la colonisation en 1606 aux Amériques. Ils ont été espions, vecteurs de maladies ou de traditions, objets de collection, animaux de course et de fantaisie ou encore de laboratoire. ils sont même entrés un court moment dans la liste des espèces menacées à cause du DDT qui rendaient les coquilles de leurs œufs trop fragiles pour être couvées. Les pigeons nous rendent capables et sont capables de multiples vies. À la fois agents et délégués, ils produisent des effets, des formes et des motifs SF aussi différents que le mobilier anti-volatile dans les espaces publics ou les virus qui ont un impact sur nos politiques de santé et nos systèmes médiatiques. Ils influencent nos pratiques sociales, écologiques, cognitives et comportementales. Haraway parle de « fils tissés par et avec ces oiseaux » qui produisent des empouvoirements à l’instar de ces colombophiles de Bagdad et de Téhéran qui, malgré les guerres et les interdictions des mollahs, continuent à prendre soin de leurs pigeons, pratiques situées qui persévèrent malgré les obstacles et les imprévus.

Pigeonblog

La sympoïèse crée des compétences inédites et non des comportements mécaniques et répétitifs à l’instar des expériences d’Ivan Pavlov ou des schèmes behaviouristes. Le projet PigeonBlog est à ce titre éclairant puisqu’il se situe à l’intersection de la politique, de la science, de l’économie et de l’art. À Los Angeles, la pollution de l’air est un problème de santé publique. Les émissions de gaz sont dues aux rejets industriels et à la circulation. Certains quartiers sont plus exposés que d’autres, en particulier ceux qui cumulent les zones industrielles et les grands échangeurs autoroutiers. Il s’agit souvent de quartiers pauvres. PigeonBlog est un projet participatif et horizontal de collecte mobile de données atmosphériques. Des pigeons voyageurs équipés de capteurs atmosphériques portatifs récoltent des données sur la qualité de l’air dans des zones inaccessibles habituellement (toutes les stations météo sont normalement fixes et en nombre limité). Le tout est mis en forme et en ligne sur un site créé par des artistes avec des données accessibles en temps réel. Une telle entreprise requiert une histoire convaincante capable de « construire sur le terrain la confiance et les savoirs multispécifiques essentiels pour que s’assemblent les oiseaux, les technologies et les êtres humains » (p. 48 et suivantes). Ce projet a besoin de colombophiles pour dresser les oiseaux, nécessite des ingénieur·es pour concevoir les capteurs et le dispositif qui sera suffisamment portatif et confortable pour ceux-ci, fait collaborer des programmeur·ses, des designeur·ses et des graphistes pour le site, des scientifiques et des artistes afin de finaliser un projet participatif qui puisse intégrer des habitant·es. PigeonBlog se trame en figure SF. il dessine un motif suffisamment complexe pour attacher, dans une même histoire, des intérêts différents vers un horizon commun.

Chthulucène et respons(h)abilité vs anthropocène et la fabrique des insensibilités

Les SF peuvent endosser de multiples formes. Une fabulation spéculative réunit des métiers, des tours de mains autour ou au service du bien-être de la population de Los Angeles et de l’acquisition de nouvelles compétences et de faits scientifiques. Comment la formation d’un nouveau projet (de nouveaux fils qui tissent un nouveau motif toujours risqué, So Far (jusqu’à présent) contribue à la récupération, « reclaim », de quelque chose de perdu (confisqué par des spécialistes) ou de détérioré (la qualité de l’air) ?

Reclaim, prendre soin ou être efficient·e ?

Reclaim en anglais réunit un mélange embrouillé de revigorer, raviver, repasser, réveiller et en même temps de « So Far ». Reclaim est une façon de faire avec dans l’acception double d’un retour impossible à l’identique et de promesses intenables parce que sans garantie dans un monde en ruine et en transformation permanente. Là encore, Donna Haraway met à notre disposition des outils pour repenser et panser nos politiques culturelles confrontées au « réalisme » économique du néo-management et à son impératif d’efficience et de contrôle évaluatif. elle lui oppose l’impératif de « respons(h)abilité » : « il s’agit de faire exister des relations […] par lesquelles […] les uns et les autres se rendent mutuellement capables de choses intéressantes. […] Les détails comptent. Ils lient des êtres réels à des respons(h)abilités réelles : espions, coureurs, messagers, voisins de ville, exhibitionnistes sexuels hauts en couleur, […] sujets et objets d’expériences scientifiques, collecteurs de données environnementales dans le cadre de projets artistico-technologiques, sauveteurs en mer, envahisseurs impérialistes […] partout dans le monde, les pigeons et toutes leurs espèces de partenaires, humains compris, font l’histoire. » (p. 50) Le liant des histoires SF est constitué de ces formes, de ces motifs qui m’attachent à, m’obligent à faire attention, à être attentif·ve et à être attentionné·e à la diversité des rôles et des costumes que revêtent les pigeons dans leurs affaires intéressées-entrelacées avec les êtres humains. On pourrait dire que le jeu collectif SF (Speculative Feminism) s’oppose au vieux modèle patriarcal du héros et de sa version modernisée du PDG qui s’est fait tout seuln.

Les SF se conçoivent comme une respons(h)abilité c’est-à-dire une certaine manière de partager. Le faire avec (sympoïèse) implique une théorie et une pratique de la justice : « reclaim ». Devenir avec en faisant avec s’inscrit dans une aventure commune où partager se comprend comme une expérience sensible qui requiert une certaine habilité dans la manière de se lier et de former une succession de motifs.

« Les détails comptent » et… Portent à conséquences

Haraway approfondit cette idée en filant un motif-ficelle (string) d’Hannah Arendt présent dans son livre Eichmann à Jérusalemn afin de préciser sa conception (motif ) de la respons(h)abilité. Notre époque souffre d’une absence spécifique de penser, c’est-à-dire d’un manque d’imagination. En paraphrasant Arendt, Haraway dit : Eichmann était «  incapable de donner une quelconque présence à ce qui est absent […] incapable d’enchevêtrer et de suivre les lignes du vivre et du mourir, de cultiver la respons(h)abilité, de rendre présent à lui-même ce qu’il faisait, de vivre en conséquence ou de payer les conséquences; il était incapable de composter […] dans l’absence ordinaire de penser, le monde n’a aucune importance » (p. 68). Cette incapacité d’Eichmann prend la forme d’un handicap caractérisé par une absence de sentir, une insensibilité à.

Une autre façon de l’exprimer serait de comparer « la banalité du maln » à une surface, une pellicule imperméable. Le mal se définirait comme la propriété d’être imperméable à ce qui nous entoure, une incapacité à rendre présent ce qui est absent. Le mal comme surface superficielle constitue un film plastique qui n’offre ni prise ni attache, aucune porosité permettant de sentir avec et de nouer des SF. Eichmann est l’addition d’une absence de profondeur − imagination (surface/pellicule) – et d’une incapacité à lier. « Eichmann était astralisé, abstrait des embrouilles de la pensée […] il n’était pas question que le monde puisse devenir matière à sollicitude. » (p. 69) L’impuissance d’Eichmann et son mal viennent de son incapacité à tisser des String Figures et de son absence de tact à cause de sa surface-pellicule. Il n’est ni affecté ni attaché à personne. Il ne ressent aucune respons(h)abilité ce qui équivaut à un manque total d’imagination. Il existe donc un lien intime, ou un nœud, ou un motif, entre imagination, responsabilité et attachement. Notre époque se caractérise-t-elle par l’existence d’un anti-motif qui formerait une pellicule nous rendant insensibles à l’importance des autres vivants non-humains dans nos histoires, couplée à une incapacité d’imaginer leur souffrance, leur mort et leur extinction finale ?

Fond des choses ou ciel des idées

A contrario, Haraway ne manque pas d’attaches. Elle tresse des motifs avec Arendt, mais aussi avec Thom Van Dooren qui, à son tour, serait incapable de penser sans Val Plumwood : « D’autres histoires nous appellent et ces histoires passent aussi par des mains, des modes de vies non humains, qu’il faut apprendre à écoutern », c’est-à-dire qui nous obligent à une forme d’attention particulière. Où trouver les attaches et les prises malgré les surfaces (figures) qui nous en empêchent. Le chthulucène est une manière de nous défaire de nos films-pellicules et de remettre les mains dans ces jeux de ficelles compliqués et symbiotiques. « Les bestioles sont en jeu les unes dans les autres, dans chaque mélange, dans chaque brassage de ce tas de compost qu’est Terra. Nous habitons les humusités pas les humanités. Nous sommes compost pas posthumains. Philosophiquement et matériellement, je suis compostiste, pas posthumaniste. » (p. 189) À l’inverse de l’anthropocène, le chthulucène reconnait ses parentés et ses héritages et en particulier sa nature chthonienne enracinée dans le sol. Contre une position trop décontextualisée et astrale, Haraway prône avec Bruno Latourn un atterrissage, une sorte de ré-arrimage à la terre et à ses bestioles : « Les bestioles − humaines et non humaines − deviennent avec, les unes avec les autres. Elles se composent et décomposent mutuellement − à toutes les échelles, dans les enchevêtrements sympoïétiques relevant de tous les registres du temps et d’affaires en tous genres, au milieu de mondes terrestres éco-dévo-évo qui se font et se défont. » (p. 189)

Un cas d’école : Black Mesa et Moutons churro

Après les bactéries, les champignons, les termites et les pigeons, Haraway nous raconte une nouvelle histoire complexe dont les ramifications s’étendent sur des centaines d’années pour se densifier dans les dernières décennies. Cette histoire commence avec un ancien lac asséché dans lequel les sédiments ont formé un sous-sol riche en nappes phréatiques et en charbon. Black Mesa accueille les réserves Hopi et Dineh (Navajos). Ce territoire appartient à l’histoire de la frontière américaine et à la colonisation progressive du continent. D’abord avec l’arrivée de moutons espagnols qui s’adaptent progressivement au climat aride. Ils sont vite adoptés par les tribus autochtones qui en font une source de tissage et d’artisanat et qui, à force de sélection et d’appariement reproductif, donneront les moutons Churro actuels. Black Mesa fut un haut lieu des guerres indiennes, du génocide des Navajos et de leur déportation par Kit Carson en 1863 un évènement qui restera dans l’histoire sous le nom de « la longue marche ».

Avec leur réinstallation dans les réserves s’ajoute à notre narration des problèmes de surpâturage, de sécheresse, d’érosion et de surexploitation de la laine et de l’eau. Cette dégradation continue du territoire eut pour cause l’impossibilité des Navajos à combler un déficit et une inégalité structurelle dans les échanges économiques qui ont atteint une limite critique dans les années 1930. « La laine transformée en couvertures était achetée au poids et revendue bien plus chère pour s’assurer des bénéfices juteux. Ce mécanisme produisit un endettement permanent contraignant les Navajos, pour se procurer des biens de première nécessité, à produire toujours plus de laine à partir d’un nombre toujours plus grand de moutons. » (p. 179 et suivantes) en 1934, avec le New Deal, l’état américain, informé par les scientifiques et ses fonctionnaires en charge des réserves, décida de lutter contre cette dégradation de l’environnement en réduisant drastiquement le nombre de moutons Churro. Pour les scientifiques, le problème était dû à un fait biologique simple : un trop grand nombre de moutons pour une trop petite zone. Il suffisait de diminuer la « capacité porteuse » pour rééquilibrer l’écosystème de la réserve. De plus, en remplaçant les moutons Churro par des races moins gourmandes en eau et en herbe, on améliorerait la productivité des bêtes et donc les conditions de vie des Navajos. Par contre, il ne vint pas à l’esprit de ces scientifiques et des autorités agricoles, animé·es par l’idée louable du progrès et de l’amélioration des conditions de vies navajos, de s’intéresser aux causes économiques de ce surpâturage ni aux liens culturels qui liaient ces moutons avec les populations navajos ; en particulier, le fait que ce surpâturage puisse être causé à son tour par des inégalités dans le système des échanges économiques de la réserve où les indien·nes étaient maintenu·es dans un état de pauvreté par des entrepreneurs sans scrupules et les intérêts naissants de l’industrie de l’énergie.

En 1935, une campagne d’abattage massive des animaux commença, tuant environ un million de têtes de bétail. Or, dans bien des cas, les Navajos distinguaient individuellement leurs moutons. Ceux-ci furent tués en présence des Navajos dans l’incompréhension générale. Pour redistribuer des moutons dûment estampillés par l’administration, on eut recours à des quotas calculés sans tenir compte de la possession collective des terres et en prenant en compte les pères de famille : « Ce fut un coup majeur porté à l’ordonnancement matrifocal des relations entre les Dinehs ainsi qu’à leur relation avec la terre et les animaux. » (p. 181) Cet exemple raconte une occasion manquée. Il montre comment une solution « technique » partant de bons sentiments mais coupée − réduite − du contexte et de la situation historique et culturelle, imposée du haut avec une arrogance toute coloniale et scientifique, peut faire des ravages. Il met en lumière le manque d’intéressement et de dialogue entre les différentes parties concernées, l’absence de motif SF. En effet, la façon de redistribuer les moutons contribua à accentuer les déséquilibres et les désastres malgré les bonnes volontés politiques. Les nouveaux partages, construits sur une vision patriarcale et de petit propriétaire terrien, affaiblirent encore davantage le fonctionnement matriarcal de la société Navajo qui se fondait sur la gestion collective des terres. Les transhumances furent remplacées par des barbelés, ce qui finit par accélérer l’érosion et la malnutrition. En 1970, il n’existait plus que 430 moutons Churro dispersés et cachés par les traditionalistes de la Black Mesa. « Quand un système de pensées et de pratiques n’est capable de se rapporter à un autre qu’en le rabaissant ou l’invalidant et ce avec une récurrence toute coloniale, il ne peut y avoir ni symbiogénèse ni Hózhón. »

À partir des années 1950, et les nouveaux besoins en énergie d’une nation en plein essor, les réserves de charbon de la Black Mesa furent exploitées à leur tour par les entreprises Peabody ; une compagnie minière qui, pour acheminer son charbon dans la centrale thermique géante du Mohave, installa un pipeline où le minerai était dilué dans d’immenses quantités d’eau pompée dans les couches aquifères de la réserve. La centrale thermique du Mohave pollua plus que toutes les autres centrales réunies des États-Unis. Elle alimenta en électricité les grandes villes du grand arc sud-est des États-Unis et notamment Las Vegas et ses cohortes de néons et de climatiseurs. Cette histoire de moutons, de tissage et de tradition navajo s’emmêle inextricablement avec l’histoire de l’exploitation des ressources naturelles au nom de la croissance économique. Il fallut près de quarante ans d’activisme navajo et de dénonciation des pollutions et des expropriations illégales pour voir les mines Peabody de la Black Mesa démantelées en 2020.

Parallèlement à ces motifs SF d’exploitation et d’altération, quelque chose d’inattendu se produisit entre 1934 et 1967 au Southwest Range and Sheep Beerding Laboratory de fort Winsgate au Nouveau-Mexique. Ce laboratoire utilisa des moutons Churro comme cobayes dans des expériences scientifiques. Après la fermeture du laboratoire, 165 animaux furent vendus aux enchères à un fermier de Gonzalo en Californie qui les utilisa afin d’organiser des safaris pour des notables de Hollywood. Ceux-ci étaient désireux de s’accaparer, sans grand risque, des trophées afin de décorer leurs grandes villas du bord de mer. En effet, les moutons Churro, parfaitement inoffensifs, n’en possèdent pas moins deux paires de cornes. En 1970, au moment même où les moutons Churro entraient dans la liste prestigieuse des espèces en voie de disparition, Buster Naegle, une poétesse activiste, apprit l’existence de cette lignée perdue et fit don de six brebis et deux béliers à Lyle McNeil, spécialiste des sciences animales et qui fonda en 1977 le Navajo-Churro Sheep Project. Il se passa encore trente années et de nombreuses passes-motifs SF pour rétablir et sauver les moutons Churro.

Composer avec les moutons

Cette histoire fait écho à une autre histoire, plus proche de nous, et que racontent Vinciane Despret et Michel Meuret dans le très beau livre Composer avec les moutonsn. Il y est question de révolution verte et de moutons débiles enfermés dans des méga-étables, transportés en bétaillère d’un champ à un autre. On y rencontre des jeunes berger·es cherchant à retrouver des pratiques ancestrales et à rouvrir les anciennes routes de la transhumance. On est les témoins de leurs difficultés à renouer les liens avec leurs bêtes devenues incapables et oublieuses des chemins passés. À travers leurs enquêtes et les témoignages des berger·es, les auteur·ices décrivent le compagnonnage entre les animaux et les êtres humains. Réparer/Reclaim ce qui a été perdu, réanimer des savoir-faire et des motifs éteints constituent une entreprise périlleuse. elle nécessite des fils et des String Figures qui prennent la forme-attache de modalités d’échange. Ces modes (au sens de moduler et modifier) sont plus ou moins équilibrés, justes ou injustes, plus ou moins Hózhó pour reprendre le vocabulaire des Navajos. Les berger·es remarquent assez vite qu’il ne suffit pas de remettre les moutons sur les chemins des alpages pour réactiver un monde disparu. Il s’agit de composer avec ces moutons, de tenir compte de leur ignorance et de leurs capacités d’apprentissage, de prendre en considération la nature des paysages, de ne pas oublier les chiens qui les gardent, la diversité de la faune et de la flore, de redécouvrir tout une tapisserie de motifs qu’il faut lentement réapprendre à coup de tâtonnements et d’expériences plus ou moins heureuses et tristes.

En effet, avec l’industrialisation de l’élevage dans les années 1970, un pan entier de la culture bergère disparait ainsi qu’une somme de connaissances assimilées dans les troupeaux sur les plantes comestibles, la topologie des terrains, la météo, les carnivores, les règles de comportement collectif vis-à-vis des chiens, des êtres humains, tout un complexe de contraintes extérieures matérielles mais aussi tout un réseau sémiotique d’adresses et d’appels avec leurs congénères et les autres êtres vivants. La redécouverte/reclaim de cette constellation SF n’est possible qu’avec les berger·es et la sensibilité de ceux et celles-ci à un certain rapport à la beauté du monde. Tous les motifs ne se valent pas : « Ces bergers cultivent une idée de ce que peut être la possible beauté du monde, et ils entendent que leurs moutons n’y dérogent pas. Les moutons font mieux: ils participent à l’idée. ils la réalisent en mangeant. Le milieu rentre par la bouche et la bouche fabrique le milieu. Lorsqu’elles sont broutées assez ras, ni trop tôt ni trop tard, la plupart des herbes donnent un abondant regain. Les tapis monotones de touffes coriaces, qui obligent les brebis à d’abord trier feuille par feuille, offrent après quelques années un visage panaché nettement plus appétissant. […] Le rapport du troupeau à la nourriture devient un rapport cosmo-écologique qui crée de la beauté − beauté des sites, dans leur diversité retrouvée, beauté des brebis, beauté des rapports. Tout un art à reconstruire l’étoffe endommagée des continuités sensorielles. C’est cela composer avec les moutonsn. » Haraway dit de Vinciane Despret : « elle s’intéresse à la manière dont, par les rencontres, les êtres se rendent mutuellement capables […] sa pensée accroit, voire invente les compétences de toutes les parties prenantes, les siennes y compris. Le spectre des manières d’être et de connaitre s’en trouve décuplé […] des choses qui n’étaient pas là avant sont proposées et mises en œuvre. C’est là sa façon de former des mondes. » (p. 275 et suivantes)

Manières d’être et façons de faire, pour une politique culturelle SF

Avoir des égards, diplomatie de la politesse

Peut-être que la philosophie d’Haraway est moins un modèle à suivre qu’un style à expérimenter ? Style au sens d’une aesthesis, d’une mise en forme du monde qui demande du tact, du doigté et quelque chose de l’ordre de la posture, d’un je-ne-sais-quoi-presque-rien qu’elle nomme politesse et que l’on pourrait tout aussi bien intituler beauté ou élégance. Cette politesse n’a rien à voir avec les bonnes manières ou les civilités. Il s’agirait même plutôt de l’inverse d’une norme sociale intériorisée et standardisée. Baptiste Morizot, dans son ouvrage Manières d’être vivantn dit : « Le chemin le plus clair est le trouble. Il n’y a pas le confort du purisme, celui d’avoir choisi son camp contre un système ou un autre. […] Trancher fermement pour l’ambivalence, se maintenir dans l’incertitude, dans la pluralité des points de vue contradictoires, pour chercher des solutions plus saines et plus viables au service des relations d’interdépendance. » Il parle d’« égards ajustés », une pratique à la croisée du souci, de la sollicitude, de l’imagination, de l’attention aux autres et de la capacité à embrasser de nouveaux usages.

Éloge du tact

Toucher et être touché·e, faire preuve de tact ressemble à une toile de fils entremêlés. Le terme de chthulucène a pour origine l’existence d’une araignée − Pimoa cthulhu − qui réside sur la côte ouest américaine et dont l’étymologie signifie tâter, tenter, tâtonner. Le tact conjugue une manière de se tenir avec une méthode centrée sur l’expérience et les tâtonnements successifs, une façon de s’ajuster avec justesse. Il exige attention et soin (reclaim), une délicatesse attentionnée qui nécessite une certaine façon de faire, une tournure et un tour de main afin de se rendre capable d’égards. La politesse que décrit Haraway dans son livre est une fabrique-poïèsis qui génère de nouveaux tours, qui fait émerger de nouvelles affectations, d’autres prises et attaches qui demandent à être saisies. Le tact-politesse d’Haraway s’élabore comme une manière de disposition, une science des agencements afin de rendre disponible et disposé·e à : un art de combiner, de composer et d’appareiller le disparate, de rendre contigus les lointains afin de provoquer perplexité et curiosité. L’absence d’imagination est absence de tact, insensibilité. Le tact peut devenir tranchant, déchirant surfaces et couches imperméables.

Mettre les formes avec le Monde et mettre en forme le Monde

Vivre avec le trouble en tant que respons(h)abilité et tact, façon-façonnement de devenir avec en tressant des motifs, ouvre à la participation. En cela la politesse d’Haraway constitue une piste à suivre pour les travailleur·ses socioculturel·les. Elle est une hypothèse de travail et de pratiques collectives qui gravitent autour de la notion d’histoires matérielles sémiotiques : devenir ce que l’autre nous suggère, accepter une proposition de subjectivité, agir selon la manière qu’a l’autre de s’adresser à nous, concrétiser et vérifier cette proposition dans le sens de la rendre possible. Marielle Macé, dans son livre Façons de lire, manières d’être, ajoute : « Nous n’avons pas seulement affaire à des conduites, mais à des façons de se conduiren. » Chez Haraway, le style et la respons(h)abilité ne sont pas isolables. Une conduite esthétique est une conduite éthique et une façon de mettre en forme le monde. Devenir avec implique de mettre les formes, d’avoir des égards et la capacité d’être touché·e par ce qui pointe, une porosité dont Eichmann était incapable. « Les livres ne sont pas des objets ou des tableaux placés sous nos yeux, mais des pistes à suivre (comme des bêtes en plein mouvement), des frayages dans le monde, que l’on est appelé à habiter en rejoignant une forme non dans ce qu’elle est, mais dans ce qu’elle ouvre. Pas tout à fait des objets, pas tout à fait des sujets non plus, mais des milieux de vie, des zones d’expérience, des possibilités à venirn. »

L’histoire des Camille

« Écouter une histoire, c’est courir le risque de se voir obligé à la ramifier en des enchevêtrements que l’on ne connait pas à l’avance et à s’aventurer à travers la myriade de fils qui les constituent. » (p. 289)

Se raconter des histoires à dormir debout

Est-ce bien sérieux pour une philosophe et une biologiste de clôturer son livre en présentant un synopsis de roman de science-fiction ? En effet, la dernière partie du livre s’apparente au mieux à une ébauche, au pire à un brouillon d’atelier d’écriture qui fut organisé dans un colloquen et qui devient d’ailleurs une pratique de plus en plus répandue dans les milieux socioculturels. Qu’est-ce qui nous intéresse tant dans ces ateliers d’écriture et ce besoin de nouvelles histoires? Pourtant, il existe déjà des histoires concurrentes à TINA, radicales, où par exemple Dieu a le premier rôle ou bien d’autres qui dressent des murs au nom d’une patrie providentielle. Est-ce que les récits transforment vraiment nos manières de faire et nos façons de penser ? Jean-Baptiste Molina qualifie ces récits de « transformateurs » ou encore de « spéculativismen ». Il s’adonne, avec le collectif Désorceler la finance, à la pratique SF et imagine ce qu’écriraient des archéologues du futur en découvrant les restes stratifiés de nos sociétés. Ce motif résonne avec une exposition qui a eu lieu au printemps 2023 au musée L de Louvain-la-Neuve intitulée Fossile & Fiction. Après nous les méduses ? Une partie de l’exposition était conçue et réalisée par les étudiant·es de l’école du Carré des arts de Mons. Entre autres pièces produites pour l’exposition, on pouvait admirer des chimères et surtout un extraordinaire « plastiglomérat » : la première roche plastique de l’anthropocène. Les récits nous touchent émotionnellement et nous font tenir à ce qui nous entoure en stimulant notre imaginaire. Ils nous aident à lutter contre l’affect généralisé de l’indifférence. La SF fissure la carapace de nos insensibilités.

Je vois le meilleur, Je comprends le meilleur, je fais le pire

De nombreuses philosophes suivent de ce point de vue les traces de Donna Haraway. Je pense par exemple aux travaux, au croisement du théâtre et de la philosophie, de Camille Louis, de Maria Kakogiannnin et de Frédérique Aït-Touati. « Je travaille à une forme c’est-à-dire une langue qui ne vise pas juste à expliquer mais tente de faire sentir en inventant, enquêtant sur des histoires, des scènes, des gens qui font autrement et qui, prenant pleinement acte de cette désertification des modes du sentir, cherchent de petites oasisn. » Il y a dans le livre d’Haraway, une phrase qui revient comme un mantra : « Ça compte », au sens de c’est important. Cela a une épaisseur que l’on peut toucher et sentir et cela produit des effets. Dans cette optique, la fin du livre d’Haraway est moins une conclusion qu’un appel à forger ses propres figures et alliances, à mettre en scène ses propres histoires.

Camille, enfant de chœur ?

L’histoire des Camille débute juste un peu après aujourd’hui. Le monde a basculé mais rien n’est décrit précisément. L’autrice évoque juste une époque de grand atermoiement et d’effondrement. Les sociétés paraissent s’être émiettées en petites communautés plus ou moins autarciques. Certaines se nomment : les « enfants du Compost » et essaiment dans les ruines du capitalisme et les paysages pollués. Ces communautés ont pour objectif sur le long terme la réduction drastique du nombre d’êtres humains. Le slogan de Donna Haraway et des Camille est : « Make kin, not babies ! » (« faites des parents, pas des bébés ! ») Camille 1 est le résultat hybride d’une tentative des enfants du Compost pour explorer des parentés innovantes. En cela, Camille est une figure qui se rattache aux tentatives queer qui avaient déjà sérieusement détricoté les liens jadis conçus comme naturels entre sexe et genre, race et nation. Camille désarrime la notion de famille au mariage hétérosexuel et patriarcal. En effet, uln est issu de la fusion de deux ADN humains avec un symbiote animal. La personne qui a mis Camille au monde choisit pour ce·tte « symenfant » deux variétés de papillons monarques provenant du Canada et du Mexique. Il lui est ainsi assignée une mission qu’ul ne choisit pas puisque celle-ci est gravée dans les cellules germinatives de son corps : « Cultiver les arts de vivre avec et pour des mondes abimés. » (p.306)

Il y a quelque chose de très dérangeant dans ces enfants OGM qui ne décident ni de leur corps ni de leur vie, toute entière conformée aux exigences et aux espoirs de leur communauté. La manipulation de leur génomes entraine de profondes distorsions et difficultés qu’Haraway ne nie pas mais qui ouvre aux enfants d’autres manières de sentir et de vivre avec les communautés biotiques. Cet aspect très dystopique des Camille est renforcé par le fait qu’uls adoptent tou·tes le même prénom suivi de leur numéro d’apparition : Camille 1, 2, 3 puis 4 et enfin 5. « L’objectif de ses altérations n’était pas l’imitation ; il s’agissait de suggestions charnelles. » (p. 317) Les monarques sont des papillons migratoires qui traversent le continent pour se reproduire dans d’immenses assemblées spectaculaires et annuelles. Leurs zones de reproduction, en particulier au Mexique, coïncident avec les territoires des Premières Nations et des luttes politiques zapatistes pour la récupération des terres autochtones. Les Camille, au fil des générations, vont tour à tour expérimenter les migrations, les alliances avec les activistes autochtones et les tentatives plus ou moins réussies de restaurer des équilibres perdus. L’histoire file de 2025 à 2425.

Métamorphoses et symanimagenèsse

Haraway semble dire, à travers cette histoire embrouillée et ambiguë, que tout changement n’est possible que s’il passe aussi par une profonde transformation des corps. Il n’est pas anodin qu’Haraway ait choisi un papillon, maitre des métamorphoses mais aussi des tissus, pour symbiote des Camille. Cela éclaire d’un nouveau jour son matérialisme « matériel sémiotique ». Camille 1 initie Camille 2 à 15 ans et ainsi de suite. Camille 2 se voit accorder la transplantation d’antennes de papillon sur son menton. Les Camille 3, 4 et 5 intensifient les contacts avec les communautés autochtones mais aussi avec les mort·es et les espèces disparues. Haraway parle de « Symanimagenèse » : « Les morts étaient actifs et essentiels au travail que menaient les compostistes. » (p. 331) La question des parentés passe par la question de la filiation et de la transmission. Pour trouver un devenir avec d’autres, Haraway a conscience qu’elle ne peut pas faire l’impasse sur la question religieuse et en particulier le problème épineux de la voix des mort·es et de l’héritage. En fait, on peut se demander si pour Haraway, la véritable réponse aux changements qui viennent n’appelle pas une forme de spéciation ?

Paradoxes

Quel est le projet des Camille et des enfants du Compost? Comment définir le chthulucène à venir? L’ambivalence et l’aspect parcellaire de l’histoire ébauchée se tendent entre des flux et des pôles contradictoires :
· Naturel et/ou culturel et/ou au-delà ? faire société et produire des familles-alliances ?
· Symbiose, sympoïèse et symanimagenèse ?
· Humusités humaines, décroitre, diminuer, se métamorphoser en des croisements inter-espèces ? Ce qui ressemble étrangement à une forme bio de post-humanisme ?
Haraway ne prône-t-elle pas un dépassement de l’humanité grâce aux miracles technologiques ? Et plus perturbant encore, ne décrit-elle pas des enfants condamné·es dans leur corps à vivre les fantasmes et les idéaux de leurs parents, et ce pour des générations à venir ? Enfants-cyborgs embrigadé·es à leur corps défendant dans des luttes qu’ils·elles n’ont pas choisies ?
Qu’en est-il des forces centripètes qui, plutôt que de penser une forme de retour symbiotique à la terre, sont sensibles à l’appel centrifuge des étoilesn ?

Oncomousetm et prolongements

Haraway, dans un autre article « Oncomousen », dépeint l’histoire embrouillée d’une lignée de souris OGM qui deviennent les premiers êtres vivants brevetés. Cette histoire montre qu’Haraway est parfaitement consciente des dérives des biotechnologies et qu’elle les dénonce sans ménagement. Elle insiste sur le fait que nous vivons dans une époque où il devient impossible de séparer le monde des fictions et des chimères, du monde des faits clairs et distincts. Notre vieux monde cartésien est en train de basculer. Les mondes de la nature et de la culture fusionnent en d’étranges motifs. Les histoires SF mêlent tropes, techniques, mathématiques, politiques, droits et valeurs dans des figures-passes-poïèses de plus en plus serrées et emberlificotées. Ces String Figures produisent des effets bien réels de pollution, de réchauffement et de violences mais peuvent aussi être la source de nouvelles respons(h)abilités.
L’apport principal du livre d’Haraway consiste à nous offrir les outils à la fois pour penser ces changements et les panser de manière collective. Personnellement, ce sont les motifs SF que j’estime les plus stimulants et inspirants pour ma pratique professionnelle et mon engagement social. Ils donnent des clés pour échapper au cynisme ambiant et pour tisser des liens afin de vivre d’autres histoires que le renoncement, le retrait, la radicalité violente ou les fanatismes racistes, identitaires ou religieux.

Sébastien Marandon, membre de Culture & Démocratie

1

Voir la théorie du panier-fiction d’Ursula K. Le Guin dans « Le fourre-tout de la fiction comme hypothèse », in Danser aux bords du monde, trad. Hélène Collon, Édition de l’Éclat, 2020 (1989).

2

Isabelle Stengers, « SF antiviral. ou comment spéculer sur ce qui n’est pas là », in Le collectif d’enquêtes politiques, Vivre, expérimenter, raconter, Les éditions des mondes à faire, 2016.

3

Hannah Arendt, Juger : sur la philosophie politique de Kant, trad. Myriam Revault d’Allonnes, Point, 2017 (1991), p. 71.

4

Marilyn Strathern, Reproducing the Future, Routledge, 1992.

5

Jeux de ficelles qui consistent, à l’aide d’une ficelle et de deux paires de mains minimum à réaliser des motifs, des formes en jouant avec les nœuds et les entrelacements qui passent de main en main. Nous appellerons tout au long du texte les String Figures « SF », pour plus de commodité.

6

Wendy Delorme, Viendra le temps du feu, Cambourakis, 2021.

7

Ibid., p. 97.

8

Édouard Glissant emploie notamment cette expression dans son ouvrage Poétique de la relation, Gallimard, 2017. Face au clair et au distinct, Haraway et Glissant plaident pour le trouble et l’opaque.

9

Haraway a écrit un livre sur cette question des « espèces compagnes ». Manifeste des espèces compagnes, trad. Jérôme Hansen, Climats, 2019 (2003).

10

Ibid., p. 26 et 29.

11

NDLR : Dans la mythologie grecque, relatif aux divinités infernales ou telluriques, c’est-à-dire souterraines, par opposition aux divinités ouraniennes ou éoliennes, c’est-à-dire célestes. (source : Wikipédia)

12

Henri Gaudin, La cabane et le labyrinthe, Mardaga, 2000.

13

Voir à ce sujet l’excellente nouvelle d’Ursula K. Le Guin, La théorie de la fiction-panier, trad. Aurélien Gabriel Cohen, Terrestres.org, 2018 (1986).

14

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, trad. Anne Guérin, Gallimard, 1991 (1963).

15

Ibid.

16

Thom Van Dooren, En plein vol, trad. Maria Schaeffer, Wildproject 2021 (2014).

17

Bruno Latour, Où atterrir ?, La Découverte, 2017.

18

Hózhó est un concept navajo que l’on pourrait traduire approximativement par un mélange d’harmonie et de santé. Hózhó c’est quand tout un écosystème interagit de manière harmonieuse et prend soin de ses composantes.

19

Vinciane Despret et Michel Meuret, Composer avec les moutons, Cardère, 2016.

20

Ibid., p. 125.

21

Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, Acte Sud, 2020, p. 240.

22

Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, TEL, 2022, p. 29.

23

Ibid., p. 10.

24

Se conférer aux actes du colloque de Cerisy, Gestes Spéculatifs, édités dans la collection Drama par Didier Debaise et Isabelle Stengers, 2015.

25

Jean-Baptiste Molina, « Spéculativismes. Sortir du réalisme capitaliste par la fiction spéculative », in Le Journal de Culture & Démocratie n°55 – Récits, Culture & Démocratie, 2022. Lire aussi « Écoscopie sorcière », du même auteur, in Journal de Culture & Démocratie n°57 – Rituels #2, Culture & Démocratie, 2023.

26

Maria Kakogianni, « Iphigénie à Kos », in Le Journal de Culture & Démocratie Hors- série – Camps, 2019. Lire aussi Maria Kakogianni, Iphigénie à Kos, Exces, 2024. La pièce de théâtre éponyme, Iphigénie à Kos, de Maria Kakogianni a été jouée au festival d’Avignon 2023.

27

Entretien avec Camille Louis, « La conspiration des enfants », in Le Journal de Culture & Démocratie n°55 – Récits, Culture & Démocratie, 2022.

28

Camille est un genre neutre. Dans le livre d’Haraway le pronom utilisé est ul. L’accord sera marqué avec x.

29

Se conférer par exemple à la quadrilogie d’Ada Palmer, « Terra Ignota », trad. Michelle Charrier, Le Bélial, 2019-2021.

30

Donna Haraway, « OncoMouseTM », trad. Cyril Le Roy, in Écologie politique : cosmos, communautés, milieux, Émilie Hache (dir.), Amsterdam, 2012.