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Dossier

La transmission des contes : un modèle de démocratie paisible

Nicole Belmont
Anthropologue, directrice d’étude à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) – Laboratoire d’anthropologie sociale

26-04-2020

De bouche à oreille, les contes ont traversé les ans et les générations depuis des siècles. Plus récemment, ils ont été transcrits et sont parfois « entrés en littérature » sous la plume de conteur·ses auteur·rices qui les ont adaptés à cette fin. Bernadette Bricout pointait dans son entretien la difficulté de ce travail, qui demande d’« inscrire dans l’écriture le souffle de la parole vive ». L’anthropologue Nicole Belmont apporte ici un éclairage sur ce qu’elle appelle « le biotope » du conte traditionnel et sur ce qui se joue dans le passage de l’oral à l’écrit.

Pour approcher le conte de tradition orale, il faudrait oublier notre usage de l’écriture et de la lecture, et des mécanismes qu’elles entrainent, en essayant d’imaginer qu’un récit ne nous soit connu qu’à travers son écoute. Il faudrait que l’on réussisse à le mémoriser seulement en l’entendant (une ou plusieurs fois, mais dans ce cas jamais exactement sous la même forme) et qu’on le redise après ce passage par la mémoire, aussi fidèle qu’oublieuse. La transmission orale instaure ses mécanismes propres en ce qui concerne l’élaboration narrative : autres que ceux de la création littéraire écrite.

Le texte littéraire est définitif une fois écrit et plus encore publié, alors que les paroles du conte sont toujours mouvantes. Les conteurs et conteuses racontent un récit mémorisé par eux·elles avec leurs propres mots et ne raconteront pas deux fois exactement de la même manière. Et cependant : « Il faut dire toutes les paroles, ou ce n’est plus conter. Il faut bien suivre les paroles, il faut savoir les mettre où elles doivent se mettre, autrement ça n’a l’air de rien. » C’est ce qu’expliquait à Ariane de Félice un vannier de Mayun (Loire-Atlantique), excellent conteur dans l’immédiat après-guerren. Une éthique de la parole. Il s’agit là des contes dits « merveilleux », les contes par excellence, longs, enchainant les aventures périlleuses traversées par le héros ou l’héroïne, mais se terminant bien, selon la norme. Tous les conteurs et conteuses de transmission orale auraient adhéré à cette affirmation d’un·e des leurs, profondément convaincu·es de manier un langage « autre » tout en étant aussi le langage des échanges courants : ce langage cependant considéré par les gens « lettrés » comme incorrect, voire grossier, en tout cas naïf et enfantin, non éligible pour prétendre au statut de littérature, celle-ci issue de la lettren. Le conteur ou la conteuse qui avait oublié un épisode, obligé·e de l’insérer plus loin au moment où l’information devait être connue, était rempli·e de confusion. Il ne fallait pas « manquer la parole » ajoute ce même conteur : « Si vous passez un mot dans le conte, ça ne fait pas beau. Il y a à réfléchir pour bien dire tout de rang. Faut que rien ne traine, quoi ! » Le livre en revanche permet les retours en arrière, les interruptions et les reprises.

Il semble y avoir contradiction entre cette exigence de « dire toutes les paroles » et l’impossibilité de répéter mot à mot un long texte. Le conte mémorisé n’est en fait pas une suite de mots et de phrases comme dans le « par cœur », le mot à mot. C’est la formulation d’un itinéraire mental, fait d’images fortes apparaissant successivement le long d’un trajet. Ce n’est pas un texte, c’est une aventure, l’itinéraire du héros ou de l’héroïne dans le cas des contes merveilleux, ponctué d’images mentales très vigoureuses, plus fortes encore que les images figurées (les illustrations des livres de contes par exemplen) et que le conteur ou la conteuse – qui les voit mentalement se dérouler – doit verbaliser au fur et à mesure. Les conteur·ses canadien·nes parlaient du « voyage » du conte :

« Le voyage est plus important dans une histoire que les mots. T’écoutes bien soigneusement pis tu suis le voyage du conte, si tu veux l’apprendre. Si tu suis pas le voyage, où ce que tu vas y aller ? […] Parce que si vous apprenez quelque chose, pourquoi est-ce que vous l’apprenez ? Pour le laisser en arrière de vous ? C’est en avant que ça va […] le conte c’est la même chose. C’est un voyage faut que tu suives […] Il a traversé un pont. Si tu vois pas le pont dans ton imagination là, quoi ce que tu vas voir? Tu peux pas voir sans route.n »

C’est en quelque sorte un film intérieur dont le conteur ou la conteuse décrirait les images au fur et à mesure de leur déroulement. Nous sommes dans des processus cognitifs tout à fait différents et extrêmement complexes, ce que ne pouvaient réaliser les nombreux·ses collecteur·ses de cet « âge d’or » du conte en France (entre 1870 et 1914), qui auraient aimé que les récits donnés par leurs « informateur·rices » puissent se couler d’emblée dans l’écriture. Il·elles privilégiaient les conteurs et conteuses analphabètes, censé·es être « plus sobres » et non pollué·es par la lecturen.

La transmission orale

C’est qu’en effet le « bouche à oreille », selon l’expression consacrée, est sujet à variabilité constante : suivant les individus conteurs et suivant les traditions locales, de la plus restreinte à la plus large (grandes aires linguistiques européennes). Mais si un·e « voyageur·se » (comme un jeune conscrit revenant du service militaire) avait appris un récit ou une version non connus jusque là dans son village, il·elle était accueilli·e avec intérêt.

Victor Smith, enquêtant dans la région du Forez et du Velay à la fin du XIXe siècle, rencontre une chanteuse et conteuse dont le répertoire est considérable. Ce répertoire, il réussira à le transcrire entièrement : une occurrence unique en France. Mais il peine à noter les contes merveilleux.

« Nannette Lévesque m’a dit ce conte deux fois. La première et la seconde, il n’était pas tout à fait semblable. C’est à la deuxième que je l’ai copié. J’ai voulu le repasser et me le faire dire une troisième, mais dès le commencement je me suis aperçu de différences et j’avais tellement de peine à la suivre sur mon texte que je lui ai dit de s’arrêter. À peine mon troisième récit correspondait-il en bas de ma première page.n » On ne peut mieux décrire les difficultés de l’ajustement entre oral et écrit.

Cette réalité de terrain vécue par les collecteur·ses semble s’opposer à l’idée bien établie d’une tradition immuable, figée, intangible à travers les siècles, idée à la fois nécessaire et utopique. Les modes de transmission ne le permettaient pas. James Delargy, grand spécialiste de la tradition orale irlandaise, décrivait ainsi ce qu’était l’œuvre de tradition orale :

« Un récit est constitué de trois parties : le conte lui-même, le conteur et l’auditoire. Les contes étaient censés être racontés par des narrateurs doués à des auditeurs adultes et avertis qui connaissaient eux-mêmes les récits : en d’autres termes les porteurs actifs de la tradition racontaient à un auditoire de porteurs passifs, dont certains, peut-être, devenaient à leur tour porteurs actifs en se mettant à raconter à d’autres gens. Il ne faut jamais oublier l’existence des auditeurs lorsque l’on étudie la tradition populaire : ces invisibles critiques littéraires sont toujours là. Le conteur réagissait à leur présence, à leur attention, à leur intérêt, et à leurs éventuelles approbations, exprimées en phrases conventionnelles.n »

Une communauté qui interagit

Pëtr Bogatyrëv et Roman Jakobsonn disent la même chose en d’autres termes : « L’existence d’une œuvre folklorique ne commence qu’après son acceptation par une communauté déterminée, et il n’en existe que ce que la communauté s’est approprié. » Cette « censure » silencieuse pouvait écarter du jeu de la transmission des conteur·ses et des récits médiocres, elle servait essentiellement à juger de la pertinence des innovations inévitables apportées au fur et à mesure des diverses transmissions.
Jean-Michel Guilcher, grand spécialiste de la danse populaire, retrouve ce même processus à l’œuvre. Il le décrit en ces termes :
« L’individu trouve et propose. Le groupe éprouve et sélectionne. Ce faisant, il contrebalance la variation individuelle dont la prolifération compromettrait l’expression collective qui est l’essence même de la tradition. La façon dont l’individu invente et dont le groupe sélectionne les produits de l’invention rend compte de l’espèce de logique qu’on est conduit à reconnaitre dans les modifications élémentaires retenues. n»

Un modèle de démocratie paisible ? N’est retenu dans l’usage que ce qui convient au plus grand nombre, sans que cela restreigne la liberté d’innover. Le jugement sera rendu tacitement, à travers le jeu des innovations narratives proposées : reprises ou non, s’installant dans la tradition ou bien négligées et oubliéesn.

Passage à l’écrit et enfance

Ce jeu a été brouillé définitivement par le premier passage à l’écrit d’un large corpus de contes d’origine populaire pour la plupart : le recueil des frères Grimm (1812-1815). Les « Contes de Perrault » n’ont pu avoir le même impact en raison du petit nombre de récits d’origine populaire retenus et du travail littéraire auquel ils ont été soumisn.

La publication des Contes pour les enfants et la maison est porteuse d’une certaine ambiguïté. Le projet initial des deux frères était à visée scientifique : rassembler les traditions populaires allemandes avant qu’elles ne disparaissent et contribuer ainsi à l’histoire de l’ancienne poésie germanique. Nous sommes à l’époque des Nations romantiques (début du XIXe siècle), où les pays européens revendiquent leur autonomie non seulement politique mais aussi culturelle. De ce point de vue, les Grimm auraient subi un double échec. En premier, la publication de collectes issues d’autres nations fait apparaitre une assez grande proximité des corpus européens entre eux. L’échelle n’est pas la nation, elle serait plus vaste : « indo-européenne » ?

Par ailleurs un·e éditeur·rice accepte de publier le recueil des récits rassemblés, moyennant un titre réducteur et une destination étroite. Ce n’est pas un ouvrage scientifique, c’est désormais un recueil de contes pour les enfants. Lequel, après quelques faibles protestations contre les violences qu’il peut recéler, connaitra un succès continu jusqu’à nos jours. Jacob Grimm pense que les contes n’ont pas été inventés pour les enfants, mais qu’ils sont « comme les enfants ». Ils possèdent ce que l’on pourrait appeler une « qualité d’enfance ».

Le voyage du conte

Pour les conteurs et conteuses canadien·nes, raconter un conte c’est se remémorer le voyage entrepris par le héros ou l’héroïne pour réparer une faute ou un manquen, en décrire le trajet et ses aléas et aboutir au lieu de la quête réussie, impliquant le mariage. « C’est en avant que ça va ! » Pas de flash-back. Les faux héros ou fausses héroines, les perdant·es s’arrêtent en route faute, souvent, d’avoir manifesté de la compassion et échouent à remplir la tâche qui leur avait été assignée.

Il semble bien que, sous couvert de divertissement, les humains se parlaient d’eux-mêmes dans les contes : de leur origine, du passage de l’enfance à l’âge adulte, de la nécessité de quitter père et mère pour acquérir autonomie et identité, de la précarité de l’existence : en un mot de tout ce que les conteurs et conteuses canadien·nes appellent traverses et misères. Ces grandes interrogations, quasi métaphysiques, se dissimulaient sous un genre narratif anodin, destiné au divertissement. Contes d’initiation, on l’a dit souvent, ils explorent différentes voies suivies par la fille et le garçon pour accéder à la maturité, qui leur permettra de fonder à leur tour une famille. Héros et héroïnes suivent un chemin qui les conduit, par des voies différentes, des liens de consanguinité aux liens d’alliance. Ce chemin est tracé de manière vigoureuse, la narration va de l’avant, sans retour en arrière. Il ne fallait pas « manquer la parole », dit encore P. Lelièvre : « Il y a à réfléchir pour bien dire tout de rang. Faut que rien ne traine, quoi !n »

*

Ainsi les contes parlent-ils également de l’écoulement du temps, représenté par l’espace parcouru. Pensons aux chaussures de fer que l’héroïne de « La recherche de l’époux disparu » (ATU 425n) doit user avant de retrouver son mari.

« Alors elle se fit faire trois paires de chaussures de fer, et partit à sa recherche. Elle allait au hasard, ne sachant quelle direction prendre. Après avoir marché pendant dix ans, sa troisième paire de chaussures était presque usée, quand elle se trouva un jour auprès d’un château, où des servantes étaient à laver du linge, sur un étang. »

C’est le château où se trouve son époux. Le temps ici importe plus que l’espace. L’héroïne n’a pas à se rendre dans un lieu lointain : elle doit seulement marcher le temps nécessaire à l’usure des chaussures de fer. Elle se trouve alors à l’endroit même où elle devait se rendre sans le connaitre.

Le voyage initiatique comporte souvent le franchissement du seuil entre notre monde et l’au-delà : un au-delà qui n’est ni l’Enfer chrétien, ni les mondes infernaux de l’Antiquité. Sa tâche une fois accomplie, le héros ou l’héroïne en reviennent. Les contes merveilleux disent ainsi, mais de manière déguisée, que l’on peut revenir de l’autre monde, que le seuil en est réversible, la frontière franchissable dans les deux sens.

Cet ensemble de scénarios et de mises en scène était peut-être au service d’une dénégation utopique de la mort et du temps irréversible, dont les auditeurs et auditrices tentaient d’être dupes le temps d’une veillée.

Le conte traditionnel a perdu son biotope : pour l’essentiel rural et oral. Mais sa nécessité persiste, toujours plus affirmée. En dépit d’un passage obligé par la lettre, il continue son chemin d’imaginaire à imaginaire.

1

Ariane de Félice, « Contes traditionnels des vanniers de Mayun (Loire-Inférieure) », Nouvelle revue des traditions populaires, n° 5, novembre-décembre 1950, p. 442-466.

2

D’où l’ironie un peu méprisante que suscite l’expression de « littérature orale ».

3

Les illustrations des livres de contes pour enfants (la règle dans l’édition depuis le XIXe siècle) cassent leur réception du récit en leur imposant des scènes imagées toutes faites, du « prêt-à-porter » entravant le fonctionnement spontané de leur imaginaire personnel. Elles sont ressenties comme nécessaires dès que le conte est lu et non plus écouté.

4

Vivian Labrie, La tradition du conte populaire au Canada français : circonstances de la circulation et fonctionnement de la mémorisation, Université Paris-Descartes, thèse dactylographiée, 1978, p. 444.

5

Ce que Jack Goody a nommé la « raison graphique ».

6

Marie-Louise Tenèze et Georges Delarue, Nannette Lévesque, chanteuse et conteuse des sources de la Loire, Gallimard, 2000, p. 58.

7

James Delargy, « The Gaelic Story-Teller, with Some Notes on Gaelic Folk-Tales », Proceedings of the British Academy, 31, 1945, p. 177-221.

8

« Le folklore, forme spécifique de création », trad. Jean-Claude Duport, in Roman Jakobson, Questions de poétique, publié sous la direction de Tzvetan Todorov, Seuil, 1973, p. 59-72. Le texte date de 1929.

9

Jean-Michel Guilcher, La tradition populaire de danse en Basse-Bretagne, Mouron, 1963, p. 568.

10

À vrai dire il n’existerait pas de critère qui permettrait de juger de la valeur d’une version par rapport à une autre, puisque pour aucun conte il n’existe de modèle : toute version est le conte lui-même. Nous apprécions cependant un beau récit, cohérent et mené à sa fin.

11

Mais le recueil a fait obstacle pendant longtemps à une reconnaissance du considérable patrimoine oral de la France.

12

Ce sont là pour Vladimir Propp les moteurs du conte merveilleux (Morphologie du conte merveilleux, Seuil, 1965).

13

Ariane de Félice, op. cit.

14

Renvoi au « conte-type » n°425 de la classification internationale Aarne-Thompson-Uther, trois folkloristes qui, chacun à leur époque et depuis le XIXe siècle, au départ de collectes réalisées sur tous les continents, ont compilé et classés différentes versions de contes populaires à travers le monde, pour aboutir à l’indexation de « contes-type » partageant la même trame narrative.

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