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Dossier

Quand des chercheur·ses et artistes ravivent la langue hospitalière

Pierre Hemptinne, membre de Culture & Démocratie

21-11-2024

La possibilité d’une hospitalité inconditionnelle des exilé·es dépend de l’image du fait migratoire, celle qui innerve le plus largement l’imaginaire du plus grand nombre de personnes. Elle ne tombe pas du ciel. Elle découle de la fabrication d’une langue omniprésente sur les migrations comme danger et flux illégal, exerçant une action déterminante sur « nos façons de sentir, de penser, d’être affecté, d’agir » (Georges Didi-Hubermann). Des chercheurs et chercheuses étudient et démontent cette langue totalitaire tandis que des artistes élaborent d’autres images, ferments d’une langue alternative, indispensable à la pratique de l’hospitalité.

Sur le terrain, le désir de comprendre, force de partage
Ce sont les rouages de cette fabrication d’images et de langue que Didier Fassin et Anne-Claire Defossez font sortir de l’ombre dans leur livre L’exil toujours recommencé. Chronique de la frontièren. L’un, anthropologue et médecin, et l’autre, sociologue et chercheuse, ont mené durant cinq ans un travail de recherche à la frontière entre l’Italie et la France, recueillant les histoires d’exilé·es, retraçant leurs itinéraires complètement déments, observant et documentant les stratégies de passage de la frontière, participant à l’aide apportée aux personnes en détresse, étudiant les pratiques humanitaires d’hospitalité et d’aide militante (autour du Refuge solidaire de Briançon), enquêtant sur les pratiques policières et militaires de contrôle de la frontière, les mises en application des décisions politiques nationales et européennes. Une démarche qui, dépassant de loin l’intention partisane de dénoncer, s’inscrit dans la prise en charge du « désirer comprendre, façon de retrouver le sens du partage » (Georges Didi-Huberman, à propos de ce qui permit à Victor Klemperer de tenir sous le nazisme). Face à une langue qui entend imposer la vision totalisante et excluante de migration illégale et sa logique unilatérale de frontières fermées, le mélange d’immersion dans le concret et de distanciation scientifique entretient, par ce désir de comprendre toutes les parties confrontées, la possibilité d’une langue alternative qui soit instrument de compréhension mutuelle et affranchie des frontières.

Contrôle aux frontières : inefficacité systémique, théâtrale
Les investigations de l’anthropologue et de la sociologue les conduisent à constater qu’à part les cas dramatiques de disparitions ou de morts dans la montagne – liées aux conditions de passage rendues dangereuses par les contrôles − , finalement, tout le monde finit quand même par passer, serait-ce après dix tentatives ou plus, et beaucoup d’angoisse, de souffrances et d’humiliation. Un état de fait objectivé par toutes les parties : « Le directeur de la police aux frontières lui-même en convenait, comme bien d’autres policiers et gendarmes rencontrés : “À un moment ou à un autre, ils finissent tous par passer.” Comme pour se rassurer, il ajoutait : “Mais on a quand même ce rôle dissuasif.” Qu’est-ce donc, une dissuasion qui ne fait pas renoncer ? » (p. 213) Et ce malgré des investissements conséquents : « Pour l’année 2022, au cours de laquelle 3094 non-admissions ont été effectuées, on peut estimer que la dépense par refoulement est de 13 900 euros, en rappelant que chacun de ces refoulements est suivi d’un franchissement réussi de la frontière. Le rapport coût-efficacité, qu’utilisent les économistes, ferait de la lutte contre l’immigration l’une des politiques publiques les plus inefficaces pour le coût le plus élevé, non par incompétence des agents, mais par décalage entre la réalité des faits et l’idéologie sécuritaire. » (p. 214) À lire cette étude fouillée, on retient l’impression d’une sinistre sinécure, une mascarade.

Illégalité factice et cynique : spectacle des frontières et chasse à l’homme
Dès lors, la conclusion de Fassin et Defossez est que « l’efficacité doit être ailleurs », inscrite dans une autre économie, plus idéologique, et dans les besoins de propagande iconographique de cette économie politique. Ce qui prend la forme d’une « spectacularisation délibérée des frontières », spectacle organisé de l’irrégularité migratoire et qui ne se pratique pas qu’en France. Fassin et Defossez établissent un parallèle avec des études réalisées aux États-Unis : « Parce qu’on ne les laisse pas passer aux postes-frontières, ils sont obligés d’emprunter des voies alternatives, par le désert de Sonora ou le fleuve Rio Grande notamment, ce qui confirme leur irrégularité, quand bien même, ils seraient demandeurs d’asile. De même, en France, les exilés qui le souhaitent ne peuvent solliciter l’aide à la frontière, ce qui les oblige à passer par la montagne en se dissimulant, ce qui visibilise leur irrégularité. » (p. 216) Il faut bien noter que les personnes ainsi condamnées à s’engager sur des chemins dangereux sont, a priori, toutes « des demandeurs d’asile potentiels, avec des arguments à faire valoir pour obtenir une protection au titre de la Convention de Genève de 1951. » (p. 234) L’élément fictionnel du « spectacle des frontières » est de nier ce statut légal a priori communs aux exilé·es. Leur fermer arbitrairement l’accès normal à une démarche administrative qui leur est due, créer une atmosphère palpable de « retournez chez vous » après le périple infernal qui les a conduit·es jusque-là ne peut que pousser ces personnes au désespoir le plus profond.

Et bien entendu, contrôler le poste-frontière ne suffit pas : il y a des rondes, des patrouilles qui, le zèle aidant et selon différentes sources, s’apparentent à de véritables chasses à l’homme. Avec des situations où en viennent à s’exprimer les tendances racistes et les accointances avec l’extrême droite, complètement désinhibées. « Il existe même une division du travail, avec les gendarmes qui poursuivent et capturent des exilés pour les conduire au poste-frontière où des policiers ont, eux, la charge de les expulser et de les exclure. Du reste, chacune de ces deux opérations est elle-même double. Il faut d’abord poursuivre pour ensuite capturer, fût-ce en faisant prendre des risques aux fuyards. Et c’est en expulsant qu’on exclut, ce que montrent les paroles de certains agents qui, en reconduisant à la frontière les exilés, leur disent qu’il n’est plus question pour eux de jamais revenir. » (p. 204) Le climat de peur ainsi instauré, les situations dramatiques qui en découlent font que les exilé·es deviennent les figurant·es-otages d’une mise en scène où ils et elles ne peuvent qu’apparaitre comme des êtres en situation irrégulière, hors-la-loi, « répréhensibles », cherchant à franchir « nos » frontières de façon clandestine, malveillante, que ce soit sur les photos ou dans les récits de reportages et témoignages. Même dans le cas de reportages qui souligneraient l’injustice de la politique migratoire, ou du moins ses dimensions inhumaines, la « langue totalisante » qui définit en quelque sorte le cadre du reportage et son angle de vue principal aura fait en sorte que s’impriment dans l’imaginaire des images ou des mots attestant la prétendue illégalité de ce « flux migratoire ».

Rendre sensible à une situation là où la mise en scène de migrations illégales tend à rendre insensible, à insensibiliser-anesthésier l’humanité.

Rendre une situation sensible, tout un art
Pour montrer autrement ce qui se joue là il faut d’abord refuser de s’inscrire dans les schèmes de la langue dominante afin d’élaborer bien plus qu’une vision particulière et singulière. Il s’agit d’alimenter une autre langue des migrations, une langue habitée par l’esprit d’hospitalité, de désir de comprendre et de partager. C’est ce qu’illustre exemplairement l’artiste Bruno Serralongue. Il déjoue d’emblée le dispositif dominant via les dimensions temporelles et techniques de sa démarche : il ne vient pas couvrir un évènement, il s’immerge, plonge dans le « bidonville d’État » de Calais de 2006 à 2020. Il n’utilise pas un matériel qui le conduirait à photographier en rafales et à trier ensuite les clichés les plus « parlants » : il vient, il évolue sur place avec du matériel lourd, statique, lent, qui détermine tout le relationnel, avec les exilé·es, les paysages, les topographies, les attentes, les activités, les rapports de force. Une syntaxe de la rencontre qui déconstruit la volonté de vue unique du langage dominant et sa volonté de mise à l’écart. Voici comment en parle Jacques Rancière dans les livres Calais. Témoigner de la « junglen » : « Il ne s’agit pas pour Bruno Serralongue de rendre sa présence discrète, voire clandestine. Comment le faire, d’ailleurs, quand on utilise une chambre photographique à l’ancienne qui a le double “désavantage” d’être très voyante et de nécessiter un long temps de préparation ? Même quand il les prend de dos, les migrants ne peuvent pas ignorer qu’il est là. Et il ne saurait pas davantage les prendre sans leur consentement. La distance, l’usage d’un matériel lourd, le long temps de préparation définissent un même mode de présence. […] Cette contrainte technique s’accorde, bien sûr, avec une conception du rôle du photographe. Son objectif n’est pas de couvrir un évènement, il est de rendre sensible une situation. » (p. 11) Rendre une situation sensible, dans tous ses aspects et pas uniquement sous l’angle déterminé par la politique répressive qui, à l’instar des régimes totalitaires, oriente le regard et le ressenti vers un seul et toujours même côté. Surtout, rendre sensible à une situation là où la mise en scène de migrations illégales tend à rendre insensible, à insensibiliser-anesthésier l’humanité. « … mettre en œuvre une sensibilité réapparue, une pensée qui recommence, une dignité qui se retrouve, une possibilité d’action et de survie. C’est-à-dire une réouverture du devenir lui-même. » (Georges Didi-Huberman, p. 93)

L’art retisse l’empathie
La langue dominante sur les migrations entend escamoter le vocabulaire de l’empathie, déshumaniser les exilé·es comme il en a toujours été fait des « ennemi·es » voué·es à être discriminé·es massivement, voire exterminé·es. Face à cette entreprise de mise à l’écart des droits humains, les œuvres d’art traitant de la question migratoire ont probablement comme premier mérite de faire remonter l’émotion, la dimension politique du s’émouvoir. C’est sur cette voie que nous engagent, parmi tant d’autres, les démarches de Sofhie Mavroudis et Camille Dufour, plasticiennes. Sofhie Mavroudis enquête sur les aléas douloureux que vivent les personnes migrantes lors de leurs déplacements, et qui font que des familles se trouvent accidentellement dispersées. Elle retrouve sur Internet des avis de recherche, des appels à témoins, principalement des parents qui tentent de retrouver des enfants disparu·es. Par cela même, elle reconstitue en partie les itinéraires, les circonstances. Et elle réalise des installations où les photos d’enfants perdu·es sont placées dans des pochettes transparentes remplies d’eau de mer. Chaque enfant est identifié·e par un numéro. Le contraste entre les visages singuliers, tous différents, tous « si vivants », et le chiffre sinistre qui signifie l’indifférence à l’égard de leur devenir, est glaçant. Sur la durée de l’exposition, les pigments se diluent, les visages s’effacent sous nos yeux, réactualisent symboliquement notre impuissance autant que notre inactionn.

Graver la mémoire de ceux et celles que la politique migratoire nie et efface
Camille Dufour réalise de grandes gravures en noir et blanc, écorchées, tourmentéesn. Il faut s’approcher pour distinguer des corps innombrables qui chutent dans les flots. Ils ne semblent pas s’y abimer, ni même vraiment disparaitre, mais se transformer en ces flots eux-mêmes. Ils restent. Ils deviennent la mer-fosse commune. Les images ont quelque chose d’intemporel : elles sont ces entrailles du monde qui sans cesse absorbent les corps des anonymes, victimes des innombrables tragédies sociales, économiques, politiques, écologiques. Mais ces images résultent surtout d’un rituel qui, à travers le temps de la gravure, pratique gestes et pensées qui matérialisent « l’autre temps, transversal et souvent anachronique, d’un rapport plus profond entre sujet et histoire ». (Georges Didi-Huberman, p. 77) L’image à imprimer sur papier provient d’une surface gravée qui a tout d’une pierre tombale. Une fois la feuille étendue à même la surface encrée, la technique consiste à frotter le verso. Ce frottement qui fait remonter à la surface l’image refoulée du drame – frottement-méditation-recueillement, l’artiste s’enfonce dans l’image en gestation, va à sa rencontre, convoque la mémoire de ceux et celles que le pouvoir éclipse – est réalisé de façon particulière : en broyant des fleurs au pilon, méthodiquement, patiemment, obsessionnellement, religieusement. Les fleurs – celles mêmes qui honorent cercueils et caveaux – sont transformées en pleurs silencieux, en suc coloré, en pigments de lamentations. Ce qui fait que, au verso de l’image où les entrailles marines avalent les corps sacrifiés par les « politiques migratoires », apparait une autre image : celle d’une invocation, d’une commémoration. On dirait une brassée de fleurs jetées là où ont sombré embarcations et passager·es, liquéfiées, brouillées, floutées dans les vagues, image aussi d’une ouverture céleste dans l’abime de la noyade. La dimension de prière est encore plus manifeste, transie, avec la performance collective du groupe vocal Résonance.

Face à  l’entreprise de mise à l’écart des droits humains, les œuvres d’art traitant de la question migratoire ont probablement comme premier mérite de faire remonter l’émotion, la dimension politique du s’émouvoir.

Quand l’art restaure l’humanité. Hospitalité post-mortem
Ces deux démarches, parmi bien d’autres, contribuent à réintégrer les exilé·es dans la communauté des humain·es. Elles prennent tout leur sens de contribution à une langue alternative face aux États anti-migration, anti-droits humains : « Il ne faut pas de traces, ni des cadavres, enterrés furtivement et anonymement, ni des récits, qui pourraient dire ce qu’ont été ces personnes et ce qui conduit à leur fin tragique. Les États ne savent pas combien d’exilés meurent à leurs frontières, ne cherchent pas à le savoir. » (Defossez, Fassin, p. 351) Les pratiques artistiques ainsi développées s’inscrivent dans un activisme beaucoup plus large de l’émotion et de la mémoire. Elles s’entretissent à bien d’autres démarches militantes, comme celle des « experts du Labanofn qui cherchent à reconstruire les identités et les noms pour montrer que les morts étaient des êtres humains avec des vies interconnectées, des familles, des amis et des projets », des démarches dans lesquelles s’inventent « de nouvelles formes d’hospitalité post-mortem » qui « s’exprime[nt] aussi dans la création de cimetières pour exilés et dans la commémoration des tragédies, visant ainsi à inscrire cette histoire dans la terre et dans la mémoire des Italiens. » (Defossez, Fassin, p. 355)

C’est une production artistique et de recherche dont l’audience reste limitée tout autant que la langue alternative qui s’y élabore. Rien à voir avec la force de frappe, dans l’imaginaire collectif, de la langue « migration illégale ». Lire ces recherches et leur désir de comprendre, fréquenter ces œuvres et leur partage d’émotions contribue à élargir l’assise d’une langue et d’une culture de l’hospitalité dont nous avons tous et toutes besoin.

1

Georges Didi-Huberman, Le Témoin jusqu’au bout, Minuit, 2022, p. 33.

2

Anne-Claire Defossez, Didier Fassin, L’exil toujours recommencé. Chronique de la frontière, Seuil, 2024

3

Bruno Serralongue, Jacques Rancière, Florian Ebner, Calais. Témoigner de la « jungle » (2006-2020), Heni Publishing/ FRAC Île-de-France, 2022.

5

Camille Dufour, « Eaux anonymes ».

6

Labanof : Il Laboratorio di Antropologia e Odontologia Forense (laboratoire d’anthropologie et d’ondotologie médico-légales) de l’université de Milan : labanof.unimi.it

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