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Introduction

Les droits culturels au Grand-Hornu

Marie Pok
Directrice du CID – Centre d’Innovation et de Design au Grand-Hornu

01-12-2020

En 2019, cela fait trente ans que la Province de Hainaut a racheté le site du Grand- Hornu, sous l’impulsion de Claude Durieux – député permanent à l’époque – et d’une poignée de passionné·es, bien décidé·es à assurer un avenir à ce site patrimonial exceptionnel. L’idée n’était pas simplement de sauver et conserver une belle ruine, aussi remarquable soit-elle, mais bien de lui donner un nouveau souffle, de lui inventer une nouvelle vie.

Pour saisir le sens, l’orientation du projet, il est nécessaire de remonter aux racines mêmes de l’histoire du lieu. Dès 1830, le charbonnage du Grand-Hornu bénéficiait, pour sa capacité d’innovation technique et sociale, d’une renommée qui s’étendait bien au-delà des frontières de la jeune Belgique. Un véritable esprit d’inventivité et de foisonnement d’idées régnait sur le site. La cité ouvrière – le coron – a été construite à partir de 1816 selon des idéaux communautaires théorisés à cette époque par de grands penseurs et utopistes comme Charles Fourier ou Robert Owen.

En 1989, en résonance avec cette histoire, il était donc logique de penser l’avenir du Grand-Hornu en termes d’innovation, à la fois technique et sociale mais également culturelle. Dans les années 1980, l’asbl Grand-Hornu Images, devenue aujourd’hui le CID (Centre d’Innovation et de Design) a développé une programmation culturelle très diversifiée, adressée à un large public : des concerts, spectacles et démonstrations équestres mais également des expositions, dans lesquelles la relation entre l’art et l’industrie tenait une place privilégiée. Il y était déjà question d’arts appliqués, de création industrielle et de design. Le design qui, à l’époque, était encore relativement peu compris, commençait tout de même à gagner ses lettres de noblesse et à se faire reconnaitre en tant que discipline culturelle à part entière. Dans les années 1990, la Fédération Wallonie-Bruxelles – à l’époque Communauté française – décida d’y implanter son Musée des Arts Contemporains (MAC’s). Si bien que le site du Grand- Hornu, ancien fleuron de l’industrie belge, abrite aujourd’hui deux institutions indépendantes consacrées à la culture contemporaine : art décoratif d’un côté et design de l’autre.

La relation entre les opérateur·ices culturel·les et les populations se situe réelle- ment au cœur des droits culturels et des politiques culturelles. Dans cet esprit, certains dispositifs sont mis en place sur le site du Grand-Hornu afin de favoriser le droit des usager·ères et défendre les droits culturels. Par exemple, sont offertes chaque jour, à qui le demande, trois visites guidées pour découvrir, d’une part, les expositions du CID et du MAC’s et, d’autre part, le site historique. Ce n’est pas tant la question de la gratuité qui importe mais plutôt celle de l’accès à la médiation. Les acteur·ices culturel·les du site sont aussi particulièrement sensibles aux objectifs de l’alliance Culture-École, qui fait partie du Pacte d’Excellence et rejoint les objectifs des droits culturels. Concrètement, cela se traduit par la mise en place de la gratuité un mois durant pour chaque niveau d’enseignement : maternel, primaire et secondaire. Cette gratuité concerne non seulement l’accès aux expositions mais également à une visite guidée conçue par les équipes pédagogiques de manière à permettre aux classes de découvrir ces expositions de façon active. En outre, un dossier pédagogique est destiné aux enseignant·es afin qu’ils et elles puissent développer ces sujets en amont et en aval de la visite. Encore faut-il, évidemment, que les écoles trouvent le temps et les moyens d’organiser les déplacements. La route s’annonce encore longue de ce point de vue-là.

Ces quelques initiatives concrètes mises en place sur le site du Grand-Hornu illustrent les préoccupations et questionnements des divers·es acteur·ices de terrain abordés tout au long de la journée, selon différents points de vue.

Image : © Anne Leloup

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