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Dossier

L’objet à l’œuvre

Marcelline Chauveau, chargée de projets et de communication|diffusion à Culture & Démocratie

31-07-2023

La relation que nous entretenons aux objets qui nous entourent dit beaucoup de nous et de notre rapport au monde. Au-delà de leur aspect strictement fonctionnel, nos objets sont aussi des médiateurs de savoirs, de mémoires et d’imaginaire. En soignant notre rapport à eux nous prenons finalement soin de nous-mêmes et de nos histoires. Pour Marcelline Chauveau nous pouvons sortir d’un modèle de société basée sur la consommation excessive en inventant de nouvelles ritualités et de nouveaux liens aux choses. Et si nous faisions de notre rapport aux objets un « moyen de résistance à un monde homogène et formaté » ?

Article rédigé suite à une discussion avec Olivia Sautreuil, illustratrice du Journal de Culture & Démocratie n°56 — Rituels #1.

« Dégustez, ne dévorez pasn », Abraham Moles

Pour créer la série d’illustrations du Journal de Culture & Démocratie n°56 sur les rituels, Olivia Sautreuil, dessinatrice et sérigraphe, a travaillé autour du temps et de la façon dont celui-ci ritualise nos journées, notamment à partir du livre River of Shadows: Eadweard Muybridge and the Technological Wild West de Rebecca Solnit. Ensuite, elle s’est intéressée aux Kibbot Kift ‒ un mouvement du XXe siècle opposé à la vision militariste de certains groupes scouts ‒ et à leur univers mêlant mythes et artisanat à travers notamment cette question : comment s’émanciper de l’ordre par l’invention de nouvelles ritualités ? Finalement, l’univers de l’enfance est omniprésent dans la série, celui-ci étant familier pour l’illustratrice qui travaille régulièrement pour l’édition et la presse jeunesse. La série d’illustrations de ce Journal représente en effet une enfant qui fouille, ramasse, collecte, manipule, assemble, range, joue, se drape et se déguise d’objetsn, de nos objets, vendus sur le marché de la place du Jeu de Ballen. Quels liens sociaux et culturels, quel type de communauté et de communication entretenons-nous avec nos objets ? En quoi notre rapport aux objets pourrait-il être émancipateur dans notre société de surconsommation en répondant à un besoin autre que fonctionnel ?

L’OBJET ET LE TEMPS
La reproductibilité, empreinte du temps
La pratique artistique d’Olivia Sautreuil est elle-même inscrite dans le temps, elle est un lien entre passé, présent et futur. Au passé, quand elle était enfant, elle dessinait énormément : pour l’illustratrice, le dessin est un apprentissage essentiel de la graphie et de la motricité fine. Au présent, ses dessins ne sont pas palpables, il n’y a pas d’originaux : Olivia dessine sur ordinateur. Au futur enfin, ses dessins se démultiplient en format numérique notamment sur Internet mais aussi en une infinité de tirages permis par la sérigraphie : ils circuleront encore longtemps. Cette technique d’impression est en effet porteuse de temps. Elle influence la façon dont l’illustratrice crée ses dessins par couches colorées qui se superposent pour former une image. La sérigraphie implique un grand nombre d’étapes pour parvenir au résultat : l’apparition de l’image finale n’est rien par rapport à toute la préparation de l’impression en amont. Enfin, les tirages sont reproductibles à l’infini tant que l’écran (le pochoir) n’est pas détruit. Multiplicité d’objets créés ! D’un côté, pour l’illustratrice, cela permet de rendre la création accessible ‒ le prix d’une impression est plus abordable que celui d’un dessin ‒ de l’autre, ses dessins se mêlent à la masse d’objets les plus divers qui nous entourent pour peut-être un jour atterrir place du Jeu de Ballen. Les dessins d’Olivia survivront à Olivia. Nos objets nous survivront. « Nous finirons tou·tes place du Jeu de Balle ! » Dans l’article « Philosophie du brol », l’anthropologue Virginie Milliot explique : « Le broln de la place du Jeu de Balle est une matière chargée de l’empreinte de celles et ceux qui l’ont possédé, une matière agissante qui nous pousse à nous interroger sur notre rapport aux objets, à nous questionner sur notre propre finitude et sur le monde que nous avons envie d’habitern. »

L’objet, un souvenir, une mémoire sociale et individuelle
Les objets sont des sortes de médiateurs entre le monde et nous et entre nous tout court. Nos relations passent en effet majoritairement par des objets. Entre autres exemples, dans notre culture occidentale, la transmission de nos savoirs s’opère notamment par les livres, quant à notre rapport à la nourriture, il se fait à travers toute une série d’objets comme une fourchette, une assiette, etc. Ainsi, pour le chercheur Abraham Moles, la culture « comporte essentiellement tout un inventaire d’objets et de services qui portent la marque de la société, sont des produits de l’hommen et dans lesquels il se réfléchit : la forme de l’assiette ou de la table sont l’expression même de la société ; ils sont porteurs de signes tout comme les mots du langage et doivent être considérés à ce titren. » Pour revenir à la place du Jeu de Balle, où l’on trouve tout un tas d’assiettes et de tables, tous ces objets ne sont pas que des rebus de la société de consommation. Il s’agit aussi d’histoires humaines, d’histoires culturelles. Ils ne sont dès lors pas inertes mais agissent notamment en évoquant une mémoire occidentale sociale et individuelle. Montres, cadres, cheval à bascule, boites de conserve, figurines et cartes postales : nous savons à quoi servent ces objets et comment les utiliser quand nous les voyons ou nous les touchons. Au-delà, nous possédons toutes sortes de souvenirs ou d’imaginaires qui leur sont liés.

Les objets sont des sortes de médiateurs entre le monde et nous et entre nous tout court. Nos relations passent en effet majoritairement par des objets.

Prenons un exemple concret et savoureux : la madeleine de Proust, ou disons la gaufre de bonne-maman, « est membre d’un réseau d’objets, de matériaux, de gestes, de signes, qui dessinent toujours et à nouveau un réel chatoyant, gros de nos imaginairesn ». Vous ne vous étiez jamais dit ça en mangeant une gaufre ? Et pourtant ! Son odeur sucrée, son gout beurré, sa couleur dorée, sa texture à la fois fondante et croustillante, la façon de la saisir et de la manger nous projettent dans des temps voire dans des espaces, à travers les souvenirs et ambiances qu’elle convoque… Autant d’éléments auxquels les objets peuvent nous donner accès. Et ce n’est pas tout, comme Virginie Milliot l’explique, au Jeu de Balle « en fouillant dans les cartons de la place, c’est souvent toute une vie que l’on découvre. On peut déduire de l’examen de ces brols, les configurations familiales, les professions, les gouts littéraires et musicaux, les habitudes culinaires, les pathologies, les convictions politiques et parfois même la vie intime des disparus. Le vieux marché rassemble ainsi chaque jour en un même lieu les restes matériels d’une pluralité de vies humaines, il rend public des univers matériels privés qui sont ensuite fractionnés, dispersés, réinventés ou détruitsn. » Au-delà de souvenirs individuels, les objets sont une mémoire collective culturelle de siècles de pensées, de flux et de manipulations progressivement mises au point dans notre société.

L’OBJET ET LA COLLECTION
Possession et accumulation
Revenons aux illustrations du Journal de Culture & Démocratie à travers l’enfant dessinée qui collecte des objets. L’illustratrice explique : « Collecter a un côté rassurant, c’est une curiosité et un apprentissage. Tous les enfants ne ramassent pas les mêmes types d’objets. Ces derniers participent peut-être, au-delà de la constitution de leur environnement, à celle de leur identité. Ça leur permet peut-être de s’affirmer comme des individus, car ils et elles doivent opérer des choix. » Cependant, pendant la discussion, Olivia insiste à plusieurs reprises sur un point : « Je voulais dessiner tous ces objets et revenir sur nos relations avec eux car en fait, moi ils m’oppressent complètement. Les dessiner, les raconter, je trouve ça génial mais l’idée d’accumuler, c’est énormément de charge : que faire de tous ces objets ? »

Posséder pourrait être émancipateur en termes de construction de soi à travers la constitution d’un environnement familier mais s’avère aussi aliénant et enfermant dans le sens d’une consommation excessive.

Au-delà d’être des médiateurs et des mémoires pour nous, les objets seraient aussi des extensions de notre personne. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann explique ainsi ce phénomène : « L’individu ne parvient en fait à s’unifier et à se stabiliser que grâce à des prothèses, en se déchargeant sur une extériorité qui prend un caractère de contrainte, un univers qui l’encadren. » Notre relation aux objets du quotidien est paradoxale, elle s’inscrit dans une certaine permanence à la fois rassurante et oppressante. On se retrouve et l’on se perd soi-même parmi les objets dont on a choisi de s’entourer. C’est notamment pourquoi nous avons tendance à les accumuler sans cesse autour de nous, mais aussi à les jeter pour mieux les remplacer dans une consommation effrénée. Posséder pourrait être émancipateur en termes de construction de soi à travers la constitution d’un environnement familier mais s’avère aussi aliénant et enfermant dans le sens d’une consommation excessive. Qu’en est-il de la possibilité d’un équilibre à trouver sur le marché d’occasion entre circulation et revalorisation des objets dans leurs dimensions individuelles et collectives ?

Circulation et revalorisation
Ces objets sont de toute façon amenés à circuler, qu’ils soient vendus, perdus, volés ou donnés puis rachetés, trouvés ou récupérés. Pour Olivia Sautreuil, la phrase « Nous finirons tou·tes place du Jeu de Balle ! » peut être effrayante ! Elle explique : « Pour moi, le pire au sein de cette masse d’objets collectifs serait d’être identifiable, par exemple par une photo ou une correspondance, parce qu’à ce moment-là on ne fait plus partie d’une histoire globale à travers des objets sociaux, mais on est démasqué·e dans notre vie privée par nos objets intimes. » Donner un objet dont on ne se sert plus, c’est permettre à quelqu’un·e d’en bénéficier mais c’est aussi accepter de se séparer d’une partie de soi. Dès lors, acheter un objet d’occasion, c’est admettre qu’il a eu une ou des histoires précédant la nôtre, et les emporter avec nous. Finalement, ce qui ne mène à rien, c’est que les objets soient détruits, voire que de nouveaux soient créés qui n’auront jamais d’histoire à cause de leur durée de vie trop courte. Pourtant, au Jeu de Balle aussi, la durée de vie des objets est limitée. Les lots ne sont là que pour quelques jours puis ils sont évacués pour être définitivement détruits. Il n’y a pas la possibilité de donner les objets invendus alors que toute une vie fragile se développe autour de leur circulationn. Si la consommation d’objets impose un rythme effréné, comment l’appropriation de ces objets par la consommation de seconde main permet-elle autant de manières de détourner, transformer et finalement créer ?

Finalement, ce qui ne mène à rien, c’est que les objets soient détruits, voire que de nouveaux soient créés qui n’auront jamais d’histoire à cause de leur durée de vie trop courte.

Pour Olivia, acheter au Jeu de Balle, c’est « perpétuer l’histoire d’un objet qui aurait pu finir à la jaille mais qui est finalement revalorisé ». Revaloriser, c’est re-donner une valeur à l’objet. Elle peut être de plusieurs types. Le sociologue Aurélien Fouillet parle de « mort apparente des objets qui affadit le cadre d’existencen » lorsqu’ils perdent leur attrait par la nouveauté. Pour empêcher leur désuétude anticipée « chacun s’évertue, de temps en temps, à cultiver leur histoire, à leur redonner un sens explicite : à les garder à l’esprit ». Cela peut être en déplaçant les objets, en les réparant ou en les customisant, ce qui fait appel à leurs fonctions symboliques (donner un sens), d’usages (être utilisé) ou sociale (se différencier). Cependant, les objets ne peuvent être étudiés seulement à travers leurs fonctions pratiques, entretenant un rapport complexe et étroit avec nous, ils possèdent une fonction primordiale de réceptacle aux imaginairesn.

Pour le philosophe Gaston Bachelard, il existe plusieurs types d’imagination autour des objets : une imagination formelle qui donne forme aux choses et une imagination de la matière qui donne aux matériaux des qualités affectivesn. Pour revenir à notre histoire de gaufre… Ses propriétés physico-chimiques constituées en partie de farine, de lait, de beurre et d’œufs mais aussi de sa masse et de sa chaleur ne sont rien si elles ne sont pas associées à des souvenirs. C’est en cela que nous vient la sensation qu’un objet n’est pas inerte, mais qu’il est « habité », « qu’il a une âme ». La gaufre n’est pas délicieuse parce qu’elle est constituée à partir de réactions chimiques entre ses éléments constituants mais bien parce qu’elle est associée à un sentiment et à notre imagination : les objets évoquent plus que ce qu’ils sont en soi. Par exemple, même si vous n’avez jamais mangé de gaufre, après avoir lu ce texte vous imaginerez malgré vous ce qu’elle peut être, car vous savez qu’elle est associée à des souvenirs familiaux « la gaufre de bonne-maman » et vous projetterez et pourrez presque sentir « son odeur sucrée, son gout beurré, sa couleur dorée, sa texture à la fois fondante et croustillante » !

Les propriétés physico-chimiques de la gaufre constituées en partie de farine, de lait, de beurre et d’œufs mais aussi de sa masse et sa chaleur ne sont rien si elles ne sont pas associées à des souvenirs.

Cependant, pour le philosophe : « On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. » Il est justement des créateur·ices œuvrant hors des sentiers habituels de l’art et de la culture qui offrent une vision émancipée et émancipatrice de notre société de surconsommation à travers notamment le détournement, la réutilisation et revalorisation de nos objets « pauvres », jetés, délaissés en leur attribuant une valeur esthétique et imaginaire forte. En quoi certain·es artistes d’art brut parviennent-ils·elles à créer à travers leurs œuvres un lien social et culturel inédit en insufflant une fonction artistique forte à des objets du quotidien ?

L’OBJET ET LA CRÉATION
L’art brut
Olivia Sautreuil le précise, elle a « beaucoup pensé à l’art brut en faisant cette série. Ce sont des artistes qui travaillent souvent par l’accumulation d’un matériel qui ne vaut rien. » Elle me parle alors de Ray Materson, un artiste emprisonné aux État-Unis qui a réalisé des broderies à partir des fils de ses chaussettes qu’il détricotait pour créer. Ses broderies représentent des scènes de sa vie quotidienne en très petits formats mais particulièrement détaillés. Pour l’illustratrice, « imaginer quelqu’un dans un lieu de privation des libertés qui a à cœur de montrer des scènes de son quotidien est émancipateur parce que c’est un moyen d’expression et de création qui garantit de ne pas devenir fou sans référent temporel. C’est recréer un quotidien par un rituel créatif dans un semblant de normalité. » Mais retournons dans les Marolles, où plusieurs de ces créateur·ices glanent autour de la place du Jeu de Balle…

Frédéric Étienne et Jean-Pierre Rostenne
À la fin du marché, entre les pavés désertés sont ramassées par Frédéric Étienne toutes les figurines de bande-dessinées, animaux en plastique, parapluies de papier, florilège coloré abandonné… Assemblés, ces objets forment des architectures de « Babel-brol ». Tatiana Veress, l’une des co-directrices du Art et marges musée — musée d’art brut et outsider dans les Marolles — décrit ainsi l’œuvre bien nommée La Tour de brol : « Chaque étage en appelle un autre, dans le gigantisme des petites choses collées les unes aux autres. Simultanément fragile et éternel, cet univers, comme bâti sur ressort, nous absorben. »

Et puis, il y a Jean-Pierre Rostenne. Je laisse la parole aux personnes qui l’ont connu et fréquentén : « Dans les dernières années de sa vie, Jean-Pierre Rostenne arpente inlassablement les rues des Marolles et le Vieux Marché, place du Jeu de Balle (où il fut un temps brocanteur), source principale de matériaux pour ses multiples activités et créations. […] Collectionneur compulsif, il accumule et assemble les objets, concevant et portant de magnifiques cannes et costumes chaque jour différents. Tel un mage, un prophète singulier. Pour lui, l’art est partout, en toute chose. Il suffit de regarder autour de soi. Et de siffler dans un canard en plastique si l’on veut attirer l’attention d’une personne au coin coin de la rue. Quand on n’a pas d’argent mais de l’imagination, même une boîte de cigarillos peut devenir de l’art. » L’artiste dira d’ailleurs : « Au moins je ne fais de tort à personne : je ne fais que mettre ensemble ce que d’autres éparpillent. »

« Collectionneur compulsif, Jean-Pierre Rostenne accumule et assemble les objets, concevant et portant de magnifiques cannes et costumes chaque jour différents. Tel un mage, un prophète singulier. Pour lui, l’art est partout, en toute chose. Il suffit de regarder autour de soi. »

Pour Sarah Kokot et Thibault Leonardis, « Jean-Pierre Rostenne fait partie de ces créateurs de l’art outsider que l’on peut qualifier de “prophètes”. Sans frontière entre la création et la vie, ils délivrent des messages. Jean-Pierre ? Il en a livré des tas. Et tous pourraient se rejoindre dans celui-ci : surtout, ne vous prenez pas au sérieux ! […] Au premier regard, son œuvre est marquée par la récupération. Au second, on se rend compte que la plupart sont à placer sous le signe de la mobilité. Ses photographies, fruits de ses parcours à travers la ville, sa voiture-assemblage, réjouissante pièce montée mobile, pour en arriver à ses cannes, ultime support de création qui assure son entrée dans la collection du Art et marges musée. De ses cannes, il disait qu’elles étaient le lien entre le ciel et la terre, mais aussi l’attribut du chef. Il est déjà âgé quand il se lance dans cette production, il a de quoi s’élever au rang de sage et c’est sa sagesse qu’il prodigue au cours de ses pérégrinations quotidiennes dans les Marolles. Elles semblent disparates et recèlent pourtant des objets récurrents, dont la mappemonde, le livre, l’horloge, la cravate, le nuancier de tissus. Toutes différentes, elles répondent étonnamment à la même logique d’assemblage : des objets trouvés, ficelés, noués, scotchés ou simplement posés autour d’une base verticale. La canne se forme au gré des trouvailles, des visites de lieux qui lui sont chers mais aussi des rencontres. Observer attentivement une canne de Jean-Pierre Rostenne, c’est comme observer le quartier des Marolles à la loupe : flyer d’exposition, menu d’un restaurant, programme de théâtre… Chaque canne est un bout de Marolles en vadrouille, qu’il vous offrait ou vous vendait pour la somme équivalente à ses besoins du jour. Si elles faisaient le lien entre le ciel et la terre, elles faisaient surtout le lien entre lui et les autres. Ou plutôt entre lui et l’autre, considéré pleinement en tant qu’individu. »

Faisons de notre rapport aux objets un « moyen de résistance à un monde homogène et formaté ».

Si les objets ne sont « que du matériel » — et il est important de le garder à l’esprit ! — nos rapports avec eux sont en réalité beaucoup plus complexes. Au-delà des objets en eux-mêmes ce sont nos relations à l’autre et au monde qu’ils incarnent telle une mémoire humaine. Quelle mémoire de notre société souhaitons-nous transmettre aux générations futures ? Revaloriser les objets, les faire circuler, les transformer est une transmission individuelle et collective, sociale et culturelle qui devrait se faire avec inventivité dans un esprit de partage et de création. Inspiration pour un monde non normé, joyeux et bariolé, détournement de l’injonction à une surconsommation effrénée : faisons de notre rapport aux objets un « moyen de résistance à un monde homogène et formatén ».


Je remercie vivement toutes les personnes citées de partager leurs réflexions et d’enrichir les pensées des unes et des autres et m’excuse d’avance si j’ai mal compris, déformé ou mal interprété leurs idées ! Tout ça pour dire qu’un article n’est jamais le fait d’une personne mais est un travail d’équipe et que notre rapport au monde et à tout ce qui le constitue est situé.

1

Abraham Moles, « Qu’est-ce que le Kitsch ? », dans Communication & Langages n°9, 1971.

2

L’objet est ici entendu au sens large comme étant toutes choses préhensibles.

3

Fameux marché bruxellois d’objets d’occasion.

4

Parler d’œuvres d’art comme d’objets peut être le sujet de publications entières et de débats houleux ! L’intellectuel marxiste allemand Walter Benjamin (1892-1940) a largement écrit sur le sujet, précisément dans la perspective de L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936). Ici, je me base sur le simple constat qu’au marché du Jeu de Balle des peintures, dessins photographies, sculptures et autres « objets d’art » sont vendus et achetés parmi des « objets de consommation quotidienne » en formant finalement un tout, du brol.

5

Expression belge familière qui signifie « bazar ».

6

« Philosophie du brol » de Virginie Milliot, dans Pavé dans les Marolles, hiver 2023.

7

Et de la femme !

8

« Qu’est-ce que le Kitsch ? », op.cit.,1971.

9

« Épistémologie et méthode d’une sociologie des objets », d’Aurélien Fouillet, dans Sociétés n° 144, 2019.

10

« Philosophie du brol », op.cit., 2023.

11

« Le monde social des objets » de Claude Kaufmann, dans Sociétés Contemporaines n°27, 1997.

12

Lire à ce propos l’article « Glaneurs et glaneuses du Vieux Marché » de Virginie Milliot, dans Pavé dans les Marolles, printemps 2023.

13

« Épistémologie et méthode d’une sociologie des objets », d’Aurélien Fouillet, op.cit., 2019.

14

Ibid.

15

Ibid.

16

Art et marges musée, CFC éditions et Art et marges musée, 2020.

17

Ces citations sont tirées du livre dédié à l’artiste, Tout va bien sauf ce qui ne va pas, édité par le Art et marges musée en 2018 en hommage à l’œuvre et à la personne de Jean-Pierre Rostenne. Merci au musée de m’autoriser à recopier ces passages.

18

Gwenaël Breës et Sarah Kokot, Tout va bien sauf ce qui ne va pas, Art et marges musée, 2018.

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Journal 56
Rituels #1
Édito

La rédaction

Imaginer nos rituels à venir

Maririta Guerbo, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le défi de la sobriété idéologique par le rituel

Yves Hélias, co-fondateur du Congrès ordinaire de banalyse

L’Infusante ou l’école idéale

Entretien avec Bernard Delvaux, Chercheur en sociologie de l’éducation, associé au Girsef (UCLouvain)

Le PECA, de nouveaux rituels pour l’école

Sabine de Ville, membre de Culture & Démocratie

Rituels et musées

Anne Françoise Rasseaux du Musée royal de Mariemont, Virginie Mamet des Musées Royaux des Beaux-Arts, Patricia Balletti et Laura Pleuger de La CENTRALE et Stéphanie Masuy du Musée d’Ixelles

Rituels et droits culturels

Thibault Galland, chargé de recherche à Culture & Démocratie

Faire vivre les rituels, l’espace public et la démocratie

Entretien avec Jan Vromman, réalisateur

Ma grand-mère disait

IIse Wijnen, membre de KNEPHn

Rituels de la carte

Corinne Luxembourg, professeuse des universités en géographie et aménagement, Université Sorbonne Paris Nord (Paris 13)

Justice restauratrice : dialoguer aujourd’hui pour demain

Entretien avec Salomé Van Billoen, médiatrice en justice restauratrice

Les expériences artistiques en prison : des rituels pour (re)créer du commun ?

Alexia Stathopoulos, chercheuse en sociologie des prisonsn

Futurologie de la coopération : des rituels de bifurcation

Entretien avec Anna Czapski, artiste performeuse

L’objet à l’œuvre

Marcelline Chauveau, chargée de projets et de communication|diffusion à Culture & Démocratie

La gestion des espaces vacants : territoire des communs ?

Victor Brevière, architecte et artiste plasticien, co-fondateur du projet d’occupation de La Maison à Bruxelles (LaMAB)

Olivia Sautreuil

Marcelline Chauveau, chargée de projets et de communication|diffusion à Culture & Démocratie