Mars 2023 - féminismes

01-03-2023

Voici l’infolettre de mars 2023 ⚟ sur les droits des femmes

Édito

« Quand les femmes* s’arrêtent, le monde s’arrête! » que cet édito du mois de mars commence par ce cri que nous scanderons dans la rue le mercredi 8 mars partout en Belgique mais pas que… Le 8 mars est en effet la journée internationale d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’équité et la justice.

Faire entrer des contenus féministes dans l’espace public, est l’un des impératifs pointés par le Journal n°50 — « Culture : la part des femmes » paru en 2019. Un article de Caroline Glorie y étudie l’organisation en non-mixité choisie (qu’elle compare au safe space) de la revue féministe les Cahiers du Grif (1973-1997, Belgique), ainsi que les libertés et les privilèges nécessaires qu’elle a permis. Françoise Collin, une des fondatrices des cahiers, le précisait déjà en 1986 : « Parler de définition politique du féminisme […] c’est plutôt revendiquer et accomplir l’ouverture d’un espace public […]. Le féminisme, c’est le droit à la parole politique et le courage de la parole publique. »

Les crises sociale, économique, écologique et démocratique que nous traversons touchent particulièrement les femmes : les travailleuses, avec ou sans emploi, les personnes migrantes et/ou racisées et les minorités de genre. Courant mars, Culture & Démocratie en co-édition avec le collectif Esquifs publiera Trop chère la vie. Récits, outils et perspectives sur les dettes de vie courante, dont le chapitre « Dette et précarité féminine » évoque la responsabilité de la reproduction sociale qui pèse sur nous*, les femmes, et qui fragilise notre situation socio-économique. C’est-à-dire que ce qui doit être fait pour garantir des conditions de vie humaine digne (nourriture, santé, care, etc.), mais aussi dans le sens capitaliste du terme – la main-d’œuvre supplémentaire – nous a été attribué naturellement. Les femmes, nous, nous retrouvons donc en surcharge de travail, et de surcroit dévalorisées en regard des valeurs machistes de compétitivité, de hiérarchie, de violence qui priment dans notre société capitaliste. Notre travail est invisible, non-rémunéré ou sous-payé et effectué dans de mauvaises conditions. Nous sommes ainsi plus enclines à nous endetter pour pouvoir assurer ce travail de reproduction sociale (terme marxiste pour « faire et élever des enfants ») parce que des gens en dépendent. Cet outil à paraitre est un condensé de témoignages, de références, d’explications, de dispositifs d’animation et de conseils pour mieux connaitre et s’approprier des savoirs sur les mécanismes du surendettement.

Pour mieux comprendre le terme « capitalisme », souvent utilisé mais peu expliqué, direction le Musée du C/Kapitalisme (du lundi 6 mars au jeudi 13 avril à Bruxelles). En abordant des thèmes comme l’alimentation, la santé, la culture, la consommation ou la finance, l’exposition se veut une tentative aboutie de mise en débat et de vulgarisation d’une réalité économique complexe à laquelle nous prenons néanmoins part quotidiennement et qui structure nos vies.

Une autre exposition proposée par le Centre d’action laïque de LiègePrendre soin (du lundi 6 mars au vendredi 7 avril à Liège) pose justement la question : « À quoi ressemblerait une société qui évaluerait sa prospérité non pas par la croissance économique mais par sa capacité à prendre soin des êtres vivants qui la composent ? » L’exposition interroge le traitement de la vulnérabilité constitutive de la vie humaine spécifiquement dans les hôpitaux évoluant dans un modèle néolibéral. Elle vise, par ailleurs, à remettre le personnel soignant − en grande majorité des femmes − au centre de la question de l’organisation du travail et de la société en général. Sur ce sujet, l’entretien avec Florence Degavre « Les régimes du care » (Journal n°47 — « Prendre soin », 2018) étudie notamment son origine dans la littérature féministe des années 1960-1970. Si en France il s’agissait avant tout du travail domestique, au Royaume-Unis il était aussi question du travail d’éducation et de soin des enfants. L’émergence du concept de care et la tentative de le définir a eu des conséquences majeures sur de nombreuses façons de réfléchir de façon systémique à notre organisation sociale et politique. On s’est rendu compte que les politiques publiques favorisaient beaucoup le travail rémunéré mais qu’il y avait aussi des services qui, dans l’État social, rendaient les femmes plus ou moins émancipées.

Par-delà la diversité de nos vécus, combats et actions, nous pensons important de rejoindre et renforcer l’appel à la grève et aux mobilisations pour l’égalité du mercredi 8 mars. Par un arrêt d’une journée ou d’une heure du travail salarié, des tâches domestiques, des études et/ou de la consommation, montrons que « lorsque les femmes* s’arrêtent, le monde s’arrête » : Toutes en grève !

Les travailleuses de Culture & Démocratie

* Toute personne identifiée et/ou s’identifiant comme femme.
* Le nous incarne ici toutes les femmes dans leur diversité et puissance.

Références
– Collin Françoise, « Introduction : Actualité de Hannah Arendt », Les Cahiers du Grif, n° 33 – Hannah Arendt, 1986, p. 7.
– Degavre Florence (entretien avec) Culture & Démocratie, « Les régimes du care », Journal de Culture & Démocratie, n°47 – « Prendre soin », 2017, p.12.
– Esquifs et Culture & Démocratie, « Dette et précarité féminine », Trop chère la vie. Récits, outils, perspectives sur les dettes de vie courante, 2023, p. 47.
– Glorie Caroline, « Faire entrer des contenus féministes dans l’espace public », Journal de Culture & Démocratie, n°50 – « Culture : la part des femmes », 2019, p. 35.

il y a… ARCHIVES de Culture & Démocratie

À l’occasion de son année anniversaire de trente ans, Culture & Démocratie vous invite à plonger tous les mois dans l’une de ses archives

Extrait de Degavre Florence (entretien avec), «  Les régimes du care », Journal de Culture & Démocratie, n°47 – « Prendre soin », 2017, p.12.

Le Journal de Culture & Démocratie n°47 paru en 2017 questionne le « prendre soin » dans d’autres domaines que ceux du soin stricto sensu, où nous pouvons aussi voir les marques de l’incurie, de la négligence, de la violence ou de l’abandon causés par « la société », dont sont victimes de plus en plus de personnes : malades, personnes souffrant de troubles psychiques, en situation de handicap, exilé·es, pauvres, détenu·es, jeunes et vieux/vielles, femmes, personnes non-blanches, non-connectées…

 La version papier est épuisée mais il est intégralement et gratuitement accessible sur le site web de Culture & Démocratie.

Référence
Hamrouni Naïma, « Le care invisible : genre, vulnérabilité et domination », dir. Weinstock Daniel Marc et Pourtois Hervé, thèse de philosophie, université de Montréal en cotutelle avec l’Université catholique de Louvain, 2012.

 faire un voyage dans le temps 

une CITATION pour mars

Extrait de Glorie Caroline, « Faire entrer des contenus féministes dans l’espace public », Journal de Culture & Démocratie, n°50 – « Culture : la part des femmes », 2019, p. 35.

Ce texte de Caroline Glorie est la version écrite d’une communication orale faite à l’École de Recherche Graphique à Bruxelles le 11 mars 2019, dans le cadre du séminaire « Relire une revue – les Cahiers du Grif ». Il revient sur l’histoire de cette revue, les libertés et les privilèges nécessaires qu’elle permit.

 lire l’article en entier 

 

prochainement PUBLICATION

Outil

En juin 2022, Culture & Démocratie s’est associée à l’organisation de la semaine « Trop chère la vie » au Centre culturel Bruegel avec le collectif Esquifs. L’édition de Trop Chère la vie. Récits/Outils/Perspectives sur les dettes de vie courante découle des échanges et ateliers de cette semaine. Imaginé comme un outil, ce livret reprend les principales thématiques travaillées tout au long de la semaine – dette et logement, dette et santé, dette et précarité féminine. Vous pourrez y lire des compte-rendus d’ateliers, des récits de performances, des extraits de la pièce Apnée ainsi que des contributions plus analytiques. Vous trouverez aussi en fin d’ouvrage, un plaidoyer, des propositions pour demain imaginées avec des membres de l’asbl Trapes. Nombreuses, utopiques penserez-vous peut-être, elles nous paraissent autant de matière à réflexion nécessaire pour imaginer ensemble un monde qui ne serait plus structuré autour du seul « système dette » capitaliste.

Si vous souhaitez être tenu·e au courant de la parution de l’outil papier, merci d’envoyer un email à info@cultureetdemocratie.be

 commander l’outil 

 

nouveau MULTIMÉDIA

Trois histoires sonores en lien avec le Journal de Culture & Démocratie n°55 sur les récits sont à écouter sur notre site web !

La première histoire est en lien avec l’article « Ce qu’il y a dans ma tête on ne pourra pas me le prendre » et conçue à partir de la performance Totale Eclipse conçue par Les sœurs h (Marie Henry et Isabelle Henry-Wehrlin) et Maxime Bodson qui met en scène la jeune Augusta. Certaines créations nous aident à développer et à débrider nos imaginaires, à nous tenir à l’écart des autoroutes de la pensée, en travaillant sur les normes et les codes narratifs et en déjouant les attentes du public : « Je m’appelle Augusta, j’ai 10 ans, je suis enfant unique, j’ai une tortue. »

La seconde est une lecture de la fiction « Spécu’ générale » de Jean-Baptiste Molina, dialogue de science-fiction entre deux personnes au sujet du capitalisme.

La troisième est la lecture d’un texte de science-fiction en cours d’écriture de Peggy Pierrot lu par elle-même. « C’est un texte qui s’appelle La Tempête et qui raconte l’histoire de quatre personnages qui vivent dans une ville qui ressemble assez fort aux nôtres mais dans laquelle il y a quand même une différence notable : le dérèglement climatique est encore plus avancé qu’aujourd’hui. » Il fait écho à la soirée de lancement du Journal pour laquelle Peggy Pierrot était invitée et dont le thème était : Quelles formes de récits pour hacker les imaginaires ?

Le tout a été coordonnée par Leslie Doumerc et co-produit par Radio Panik.

Visuel : Joanna Lorho

 écouter les histoires 

 

ARTICLE récent

Dans cet article inédit, le philosophe et enseignant Christian Ruby analyse de façon critique le concept de « santé culturelle » porté par différentes politiques culturelles en France. Cette notion partage les populations en termes de bonne ou de mauvaise santé culturelle, par exemple selon la participation plus ou moins active ou passive des individus à la vie culturelle. Fondée sur nombre de présuppositions quant aux pratiques culturelles, cette extension du vocabulaire de la santé au champ culturel transforme des problématiques de la vie culturelle liées à des rapports sociaux et tensions politiques en des pathologies quasi-médicales, que les actions des professionnel·les et expert·es culturel·łes doivent dès lors tenter de guérir. Ainsi, à travers cette « normativité sanitaire » et les discours qui la légitiment, la culture s’entend comme la formation de l’individu à partir de normes qui lui sont extérieures et pré-établies, sans qu’il ait de pouvoir d’agir propre ou d’autre ligne de devenir. Voilà de quoi nous donner matière à réflexion quant à nos politiques et pratiques culturelles en Belgique.

 lire l’article en entier 

 

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L’infolettre de Culture & Démocratie est une sélection de plusieurs de nos contenus d’archives ou récents qui sont mis en lien avec des actualités. Les éditos présentent donc chaque fois une thématique différente à travers diverses réflexions et points de vue partagés dans nos productions.