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Archive

Polygl(o)ussons

Nadine Plateau, membre de Culture & Démocratie

23-11-2023

En 2023 et 2024 Culture & Démocratie fête ses 30 ans. Cet anniversaire est pour nous l’occasion de regarder le passé pour mieux pouvoir nous projeter dans le futur. C’est pourquoi nous avons entrepris de nous replonger dans nos anciennes publications. Et si beaucoup de choses ont changé depuis la fondation de l’association, certaines analyses n’ont rien perdu de leur actualité. L’idée de cette rubrique « Archive » est de rééditer quelques-uns de ces textes afin de mesurer le chemin parcouru – ou non – sur certaines thématiques. Vous la retrouverez dans les quatre journaux de ces deux années anniversaires.

En 2017, la parution du premier manuel scolaire utilisant l’écriture inclusiven déclenchait une vive polémique, et l’Académie française affirmait alors qu’elle représentait un « péril mortel » pour la langue française. Les langues mortes, pourtant, ne sont-elles pas précisément celles dont les formes et les règles ne bougent plus ? Les langages inclusifs, loin de menacer de mort la langue française, témoignent au contraire de sa vitalité. « Chaque langue […] est un filet qu’on jette sur le monde, qui ramène d’autres poissons, dessine un autre monde », rappelle Nadine Plateau en citant Barbara Cassin dans le présent article paru il y a 5 ans. Et choisir pour notre langue le « masculin générique », ce n’est pas un choix neutre, quoi qu’en affirmât encore le Président français fin octobre 2023n. Le Conseil de l’Europe reconnait d’ailleurs depuis 1990 « le sexisme dont est empreint le langage en usage dans la plupart des États membres […] – qui fait prévaloir le masculin sur le fémininn ».

En Belgique, en 2020, la Fédération Wallonie-Bruxelles adoptait des mesures pour combattre le « recul du féminin » dans le français, mais elle y recommande de « ne rien écrire qui ne puisse se dire » et considère le générique masculin comme non-problématiquen − au contraire du gouvernement du Canada, par exemple, qui va nettement plus loin dans ses « lignes directrices » adoptées en 2022. En dépit des réticences, l’expérimentation pour démasculiniser la langue ne s’arrête pas, au contraire. De plus en plus d’associations l’ont adoptée, et au-delà de l’inclusion du féminin, les efforts se portent aussi aujourd’hui sur les moyens de sortir de la binarité de genres. On peut citer à ce titre le travail du collectif franco-belge Bye Bye Binary, qui rassemble notamment des créations typographiques sous licence libre dans lesquelles des glyphes (ou caractères spéciaux) existent pour remplacer les formes d’écriture autrement composées avec un point médian. On en trouvera un exemple p. 31 de la sélection imprimée de ce Journal, dans la fiction de Jean-Baptiste Molina, composée entièrement en police Baskervvol.

En bonne place des reproches faits à l’écriture inclusive, on parle de son manque de lisibilité − compréhension (déchiffrage) et prononciation −, qui la rendrait excluante pour les personnes présentant des troubles « dys » (dyslexie, dyspraxie, dysphasie…). Pourtant, si ces difficultés existent, une étude de Sophie Velan semble montrer qu’elles n’empêchent pas la compréhension du sens dans la majorité des cas, et qu’elles découlent surtout de l’inconnue que représentent les glyphes inclusifs − un problème qui vaut pour toute nouveauté et qui peut en grande partie se résoudre par l’apprentissage.

Et à Culture & Démocratie ? L’écriture inclusive fait aussi débat parmi nos membres mais nous l’avons finalement adoptée fin 2018 à partir du Journal n°48. Sauf demande particulière de nos contributeur·ices, nous l’employons désormais dans toutes nos parutions, et nous comptons publier bientôt une charte qui explique nos usages. En attendant, nous sommes convaincu.es de l’importance pour nous, en tant qu’association d’éducation permanente les activités reposent largement sur des publications, de travailler et d’expérimenter aussi sur le terrain de la langue. Nous espérons que, comme nous, notre lectorat a déjà commencé à s’y habituer, et quelle meilleure occasion qu’une promenade anniversaire dans nos archives pour republier cet article ? Nadine Plateau y rappelle que la langue est un lieu de résistance et d’innovation, et que les langages inclusifs permettent d’introduire de la pluralité là où il n’y a que du même.

⇒ Lire « Polygl(o)ussons » de Nadine Plateau.

1

Sophie Le Callennec, Émilie François, Questionner le monde, CE2, Hatier, 2017.

2

« Ecriture inclusive : Emmanuel Macron estime qu’“on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots pour rendre la langue française lisible” », Le Monde, 30/10/2023. Lire aussi la Tribune de 130 féministes publiée le 7/11 dans le même journal en réponse à ces propos : « En français, le masculin fait l’homme, le dominant, il ne “fait pas le neutre” ».

3

Cf. notamment « Pour une communication publique sans stéréotypes de sexe » du Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. 

4

Cf. Anne Dister et Marie-Louise Moreau, Inclure sans exclure : les bonnes pratiques de l’écriture inclusive, Fédération Wallonie-Bruxelles, 2020, p. 19.

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Journal 57
Rituels #2
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Count Your Blessings

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Mais où sont les funérailles d’antan ?

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Habiter autrement : créer des solidarités pour vivre mieux

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Inventer les rituels de l’énergie

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Célébrer le passage des saisons

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Crise climatique et rituels de justice

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Écoscopie sorcière

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Culture Sound System : un rituel de résistance

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L’ile

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Une politique du care dans le milieu festif

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Émeute de soins dans l’art contemporain

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Médiagraphie « Rituels »

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Fen D. Touchemoulin

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