Pour l’Associatif | Un plaidoyer en commun | Collectif 21

Collectif 21

18-09-2023

Culture & Démocratie est membre du Collectif 21. Il regroupe des associations et fédérations d’associations soucieuses de réfléchir, sensibiliser et mobiliser autour de la spécificité, de la légitimité et de la nécessité du fait associatif, particulièrement à la veille du centenaire de la loi sur les asbl (27 juin 1921) et au lendemain de leur enterrement dans le Code des Sociétés et des Associations (23 mars 2019).

Les travaux du Collectif 21 ont abouti à la publication de l’ouvrage Cent ans d’associatif en Belgique... Et demain ? qui avait été présenté lors d’une rencontre autour des dynamiques de soin en septembre 2022.
Aujourd’hui, certain·es des membres du Collectif ont rédigé un plaidoyer "Pour l’Associatif: un plaidoyer en commun" que nous relayons

Préliminaire

L’affaiblissement des institutions démocratiques et de la société civile organisée rendent notre espace public sclérosé, dépourvu de tout imaginaire et intelligence collective pour penser le devenir de notre société.
Oublieux des acquis de la démocratie représentative, les contempteurs du politique, se massent au bord du fossé qui, à leurs yeux, les sépare de plus en plus de leurs élus.
Ils oublient le rôle fondamental, crucial même en ces temps incertains, de ce qu’on dénomme fort justement les corps intermédiaires c’est-à-dire toutes celles et tous ceux qui œuvrent ensemble jour après jour pour construire ou entretenir les ponts qui enjambent ce fossé.
Parmi ces corps intermédiaires, le secteur associatif, particulièrement présent dans notre pays, est une composante historique et actuelle. Il se décline dans une variété d’actions qui prennent en charge les expressions, les aspirations besoins de la société au travers d’un dialogue censé être permanent avec les décideurs.Ce rôle fondamental s’inscrit dans la durée et non pas dans l’immédiateté, il est donc essentiel que l’Associatif s’érige, à travers des synergies efficaces, en véritable interlocuteur, capable de former une parole commune, d’anticiper sur les actions politiques, d’entrer en dialogue avec les institutions et l’institutionnel et, par là même, de penser ensemble des perspectives où la participation et les préoccupations des citoyens sont centrales.
Seule l’action et le mouvement continus permettent la stabilité d’une démocratie en quête d’une nouvelle participation, adaptée à son temps et à son espace qui garantisse l’équilibre entre les différents acteurs de la chose publique : citoyens, corps intermédiaires et politiques.
Soyez de celles et de ceux qui, avec nous, au travers de ce plaidoyer associatif, porteront haut et clair ce message afin que rien ni personne ne puisse s’attaquer aux fondations de la société libre, plurielle, inclusive, ouverte, soucieuse de toutes et tous ici et ailleurs que nous voulons léguer aux générations futures.

Thématique 1
La liberté associative : Pour un cadre juridique adéquat

La liberté associative est garantie par la constitution.
L’abrogation de la loi de 1921 suscite à tout le moins un conflit symbolique entre les lois et néglige le principe de leur hiérarchie. Le Code des sociétés et des associations ne constitue pas une alternative à la loi de 21 et ne répond pas à ce prescrit. Mais, même si la hiérarchie du droit était rétablie, son aspect décrété ne peut se suffire à lui-même pour mettre la liberté associative en exergue et en mouvement.
Seul l’engagement constant et la vigilance continue peuvent lui procurer force et sens pour transformer l’octroi en acquis permanent.
1. Un cadre additionnel à la loi de 2019 sur le CSA (Codes des Sociétés et des Associations) doit se concrétiser qui reconnaisse explicitement l’éthique associative et non-marchande des associations.
2. Un esprit de coopération et de complémentarité doit guider le travail entre les associations et les pouvoirs publics, une relation sur pied d’égalité, le contraire d’une sous-traitance imposée.
3. Les rapports entre associatifs et pouvoirs publics doivent s’inscrire dans une coopération conflictuelle bien comprise.
Quand on parle de rapport social, on distingue deux pôles : la coopération et le conflit. Pour le premier, on coopère parce qu’on a un enjeu commun même si on n’a pas toujours les mêmes objectifs ; pour le second, chaque acteur a ses intérêts, ses valeurs, sa spécificité…
Quand il y a une relation de coopération conflictuelle, on a un rapport social fort.Si on applique ce schéma aux relations entre associations et pouvoir public, un rapport de coopération conflictuelle, l’association peut être pleinement considérée comme une actrice lorsqu’elle coopère à un enjeu commun – au plus haut niveau de généralité, le « bien public » – et, qu’en même temps, elle peut faire entendre sa voix, ses intérêts, ses divergences.
4. Les pouvoirs publics doivent réaffirmer la liberté d’expression des associations et notamment l’exercice de leur capacité critique.
5. Les pouvoirs publics doivent traiter de façon égale et non discriminatoire les acteurs de services d’intérêt général et reconnaître l’expertise et les compétences associatives.

Thématique 2
Les associations, Corps intermédiaires légitimes, acteurs des politiques publiques

La solidarité et la complémentarité entre acteurs de l’Associatif et les pouvoirs publics doivent se concrétiser dans des espaces de concertation et de co-construction des politiques publiques.
Seule une collaboration intelligente entre acteurs de l’associatif et décideurs de la chose publique, associant l’efficacité à l’efficience, peut permettre de mettre en place des politiques d’information, de concertation, de suivi et d’évaluation. Pouvoirs publics et corps intermédiaires et citoyens doivent, en outre, pouvoir s’allier et œuvrer ensemble afin de contrer les dérives de la marchandisation de tous les pans de la vie en société.
6. Les associations, sans se départir de leur indépendance, leur liberté et leur singularité, doivent construire entre elles des synergies solides et crédibles qui puissent faire de l’Associatif un véritable acteur et interlocuteur de la chose publique.
7. L’Associatif doit s’approprier l’espace public et assurer une présence qualitative dans les différents espaces de concertation et une ouverture vers les autres corps intermédiaires pour construire une action collective et nourrir un discours commun.
8. Les fédérations ou regroupements d’associations doivent renforcer leur légitimité par une dynamique démocratique continue et, pour ce faire, doivent bénéficier davantage de moyens pour mettre en place des structures de rencontres et de travail en réel lien avec le terrain.
9. Acteur de la proximité, explorateur de la réalité du terrain, l’Associatif doit assurer une implication locale dans la chose publique et une présence sensée dans ses sphères de concertation.

Thématique 3
La transmission Des valeurs du fait associatif

Associer et s’associer, c’est également revendiquer la cause et la place de l’Associatif pour renforcer les réflexions et actions individuelles et collectives et maintenir sa participation au sein des débats de société. La société a besoin d’un associatif fort, synergique et libre ; un Associatif qui s’organise et se professionnalise sans perdre son engagement et son militantisme ; un Associatif qui soit instrument et lieu de culture de la citoyenneté. Une place au sein des associations doit être réservée à la promotion du fait associatif lui-même et de ses raisons d’être, au-delà des buts sociaux, missions et activités de chacune d’entre-elles.
10. La société évolue. Aujourd’hui, professionnalisme, volontarisme et militantisme associatifs doivent se conjuguer et s’harmoniser dans les paroles et les actes.
11. L’Associatif, partie intégrante de l’espace public, doit être considéré comme un lieu de socialisation exerçant son droit à la citoyenneté active.
12. L’Associatif doit activer des espaces de formation pour repenser les valeurs et les fondamentaux du fait associatif et en garantir la pérennité. Il doit bénéficier d’une reconnaissance de la part des pouvoirs subsidiant de temps d’analyses, de réflexions et de formations internes.13. L’action associative doit se libérer de toute subordination édictée sur le motif qu’elle reçoit de l’argent de l’État : les subventions ne sont qu’une juste redistribution et un investissement de tous au profit du bien commun.

Thématique 4
Un financement adéquat et structurel

Seul un financement structurel peut garantir une action associative qui s’inscrit par essence dans la durée. Le financement par appel à projets ne peut constituer qu’une subvention additionnelle pour renforcer l’action associative structurelle et lui permettre de répondre aux exigences conjoncturelles ou au développement de projets novateurs.
14. Une part appréciable des moyens publics distribués à l’Associatif doit être consacrée aux soutiens structurels pour contribuer à une coopération sereine sur les projets d’intérêt collectif.
15. L’action associative et les politiques publiques doivent se libérer de la logique d’appels à projets au profit d’une vision et d’une action dont elles seraient coauteurs, qui s’inscrive dans la durée.
16. Les pouvoirs publics, lorsqu’ils subsidient une association afin qu’elle remplisse une mission d’intérêt général, doivent définir avec elle les critères d’évaluation et effectuer les contrôles en application de ceux-ci.

À QUI S’ADRESSE LE PLAIDOYER ?

Le présent plaidoyer ne peut constituer uniquement une revendication à l’égard des décideurs et des politiques mais également une revendication qui interpelle l’associatif lui-même comme le citoyen, deux artisans de l’œuvre publique et de l’action politique.
Le présent plaidoyer s’adresse donc :
▸ Aux citoyens qui se veulent concernés par la chose publique et souhaitent contribuer à la promotion du plaidoyer au sein de tous les espaces publics où ils agissent.
▸ Aux associations et aux corps intermédiaires qui contribuent aux valeurs d’émancipation et transformation sociale, d’égalité, de solidarité et de liberté, dans une perspective qui se préoccupe de l’humain de ses droits de son épanouissement et qui consacre le développement d’une collectivité mettant en avant les principes d’une démocratie qui invite à la participation et à l’implication citoyenne.
▸ Aux artisans de la décision publique, les élus, les gouvernements, les cabinets et leurs administrations pour qui le présent plaidoyer devrait servir de base pour penser et définir leurs politiques futures, les modalités de leur application et leur rapport au quotidien avec l’associatif.
▸ Aux partis politiques à qui il est demandé de lire et d’interroger les fondements de ce plaidoyer et d’envisager leur enrichissement avant de les intégrer dans leurs programmes et de les adapter dans les différents tribunes et espaces de concertations et de négociations.

COMMENT LE PLAIDOYER A-T-IL ÉTÉ CRÉÉ ?

Quasi sans concertation, la loi de 1921 sur les structures sans but lucratif a été abrogée au profit d’un Code des Sociétés auquel on a prestement ajouté « et des associations » estompant ainsi la ligne de démarcation entre structures commerciales et non-commerciales. Des associations, séparément, ont choisi de profiter de cet état de fait pour proposer une réflexion sur l’état de l’associatif et son devenir.
Une cinquantaine d’associations et de fédérations se sont regroupées dans le « Collectif 21 ». L’asbl Miroir Vagabond a réuni une vingtaine d’associations sur le thème de l’autonomie associative. L’asbl Carrefour des Cultures a choisi de consacrer trois numéros consécutifs de sa revue « Pluricité » au questionnement sur l’état de l’associatif.
Toutes ces structures ne pouvaient que se rencontrer dans une démarche commune issue d’une identique interrogation : à l’heure où la professionnalisation du secteur associatif s’impose comme une exigence, est-ce que l’engagement associatif a toujours sa place ? La même place ? Ensemble, ces associations ont donc choisi de lancer une enquête auprès de tous les secteurs de l’associatif pour recueillir les tendances actuelles en matière d’engagement et de professionnalisation du secteur.
L’enquête préparée durant le premier semestre de 2021 s’est clôturée à la fin du mois de novembre.Les résultats quantitatifs et qualitatifs ont été analysés par les partenaires au cours de deux journées de travail les 3 décembre 2021 et 28 janvier 2022.
Le 24 mars 2022 à Namur, un séminaire a permis la présentation des résultats de l’enquête et une réflexion en groupes de travail sur trois thèmes : « L’identité de l’associatif, rupture ou continuité », « L’Associatif : une synergie pour une parole commune », et « Engagement et professionnalisation ».
Les résultats de l’enquête et de ces groupes de travail ont permis l’élaboration d’un plaidoyer en 29 points articulé autour de 4 thématiques introduites par 4 textes : « La liberté associative », « Le sens de l’engagement et le projet associatif », « La relation entre associatif et économie », « La relation entre associatif et pouvoir public ».
Les quatre documents introductifs ont été présentés et les 29 points du projet de plaidoyer soumis au vote des participants à un séminaire organisé à Namur le 16 novembre 2022.
C’est sur cette base que la rédaction finale du plaidoyer a été réalisée.

L’association libre des citoyens pourrait remplacer la puissance individuelle des nobles, et l’État serait à l’abri de la tyrannie et de la licence.

Alexis de Tocqueville

 

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