Pour une constitution de droit fondamental à être protégé·e, par la loi, contre la violence économique

Roland de Bodt

03-01-2019

Au regard du thème de ce nouveau volume de la collection « Neuf essentiels», consacré à la dette et au surendettement, et pour nourrir le débat public, sur ces questions, nous prenons la liberté de présenter diverses propositions qui ont pour vocation de modifier le droit fondamental des personnes qui vivent dans les territoires de la Belgique et de renforcer la culture démocratique et ses pratiques égalitaires.n

1. DANS LA CONSTITUTION BELGE, INSCRIRE LE DROIT À LA PROTECTION CONTRE LA VIOLENCE ÉCONOMIQUE

À l’article 23 de la Constitution, nous proposons de compléter le premier alinéa de la manière suivante: « Chacun·e a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Tou·tes ont droit à une protection égale de la loi contre la violence économique. »
Nous proposons de compléter le point 2° de l’article 23 de la Constitution belge par le texte suivant : « Nul·le ne peut être exclu·e de la protection des systèmes de la sécurité sociale, que ce soit en matière de pension, de chômage, d’allocations familiales, de maladie et d’invalidité. »
À l’article 31 de la Constitution belge, nous proposons d’ajouter un second alinéa : « La loi qui instaure des amendes et pénalités non proportionnées aux faits incriminés est nulle et non avenue.»

2. PROTECTIONS QUI DEVRAIENT ÊTRE GARANTIES PAR LA LOI

Nous proposons ici un ensemble de mesures qui constituerait un plan de lutte contre la violence économique et qui complèterait le trésor inestimable de deux cents propositions positives et concrètes, longuement méditées, établies et discutées par Olivier Bonfond pour « rompre avec le fatalisme et changer le monde». Aussi, nous proposons d’établir la loi pour protéger toute personne de la violence économique sur un certain nombre de principes généraux susceptibles :
– d’encourager la pédagogie active relative au paiement à date,
– de favoriser le paiement anticipé et la constitution d’une provision auprès des fournisseurs réguliers (électricité, eau, téléphone, loyers, énergies, etc.) moyennant une réduction significative des tarifs ;
– de limiter le harcèlement des rappels ;
– de limiter le cout des indemnités, amendes, intérêts, frais de rappels et frais de toutes natures exposés en récupération du principal ;
– de prioriser l’affectation du paiement sur le principal de la dette échue;
– de limiter l’encombrement d’inscriptions non significatives à la Centrale des crédits de la Banque nationale ;
– de limiter le recours à des sociétés de recouvrement qui s’enrichissent sur le dos des personnes les plus pauvres;
– de garantir annuellement à toute personne physique l’accès gratuit à un minimum de ressources énergétiques vitales.
Très succinctement, nous pouvons décrire ces propositions de la manière suivante.

PÉDAGOGIE ACTIVE RELATIVE AU PAIEMENT
– Chaque service public et chaque fournisseur de services ou de biens développe une politique pédagogique qui valorise le paiement à la date d’échéance et ses effets sur l’économie générale et sur l’économie particulière de l’opérateur·ice concerné·e.

PAIEMENT ANTICIPÉ
Le paiement qui est établi de manière anticipée, à l’égard de la date d’échéance, donne droit à une réduction significative sur le montant en principal ; cette réduction est justifiée par le caractère anticipé du paiement;
– la négociation anticipée d’un plan de paiement échelonnée et le respect de ce plan donne droit à une réduction significative sur le montant en principal ; cette réduction est justifiée par le caractère anticipé de ce type de paiement ;
– toute personne a le droit de constituer une provision auprès d’un fournisseur de services et de biens réguliers; cette provision peut être constituée en plusieurs échéances ; elle donne droit à une réduction significative de tarifs.

RAPPEL
– Le premier rappel est gratuit;
– tout rappel comporte une page maximum ;
– tout rappel est adressé à la fois par voie recommandée ou avec accusé de réception et par voie postale ordinaire ou par voie numérique à l’adresse courriel du tiers concerné ;
– il ne peut être adressé qu’un rappel par période de trente jours échus;
– le rappel est seulement une invitation à payer le montant principal de la dette échue;
– le rappel ne peut cumuler, à une dette échue, le montant d’une dette qui n’est pas encore échue;
– le rappel ne préjuge pas des suites qui seront réservées à l’invitation au paiement et ne comporte aucun scénario aggravant ni aucune menace ;
– le rappel par téléphone constitue un harcèlement condamnable en justice.

INDEMNITÉS, AMENDES, PÉNALITÉS, INTÉRÊTS, FRAIS DE RAPPEL ET FRAIS DE TOUTES NATURES EXPOSÉS EN RÉCUPÉRATION DE LA CRÉANCE
– les indemnités, amendes, pénalités, intérêts, frais de rappel et frais de toutes natures qui sont imputés à un tiers, en cas de retard de paiement de plus de quarante jours calendrier, ne peuvent être supérieurs – toutes valeurs cumulées – à 1% du principal échu et resté impayé;
– les paiements sont affectés prioritairement à l’apurement du solde impayé du principal de la dette et accessoirement au paiement des indemnités, amendes, pénalités, intérêts, frais de rappel et frais de toutes natures;
– les indemnités, amendes, pénalités, intérêts, frais de rappel et frais de toutes natures qui sont imputés à un tiers, en cas de retard de paiement, n’ouvrent aucun droit à indemnités, amendes, intérêts, pénalités, frais de rappel et frais de toutes natures.

INSCRIPTION À LA CENTRALE DES CRÉDITS
Seules les dettes qui présentent un retard de paiement de six mois cumulés du principal échu font l’objet d’une inscription à la Centrale des crédits de la Banque nationale de Belgique ;
– les indemnités, amendes, intérêts, frais de rappels et frais de toutes natures ne font pas l’objet d’une inscription à la Centrale des crédits;
– seules les dettes qui présentent un retard de paiement, dont le montant cumulé en principal s’élève au minimum à 2 500€, font l’objet d’une inscription à la Centrale des crédits de la Banque nationale de Belgique.

SOCIÉTÉ DE RECOUVREMENT
Le recours aux services d’une société de recouvrement de dettes – qu’elle soit de droit privé ou de droit public – est interdit aux services publics des différents niveaux de pouvoirs qu’ils soient fédéral, régional, communautaire, provincial et local;
– Toute société de recouvrement est tenue de constituer en son sein un « comité d’éthique » qui est composé par moitié de ses administrateur·rices et par moitié de représentant·es de ces usager·ères; le rapport annuel de ce comité est annexé aux comptes annuels publiés par la société à la Centrale des bilans de la Banque nationale.

ACCÈS AUX RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES VITALES
Chaque année et pour faire face aux besoins de sa consommation privée, toute personne physique a droit gratuitement à 15 m³d’eau, à charge du service public de production et de distribution d’eau ;
– chaque année et pour faire face aux besoins de sa consommation privée, toute personne physique a droit gratuitement à 250 KWh d’électricité à charge des services publics de production et de distribution d’électricité ;
– chaque année et pour faire face aux besoins de sa consommation privée, toute personne physique a droit gratuitement à 2 500 KWh de gaz à charge des services publics de production et de distribution de gaz ;
– le prix de la fourniture d’eau, de gaz et d’électricité ne peut augmenter de plus de 3% par an.

3. EFFETS D’UN TEL PLAN

La mise en œuvre d’un tel plan aurait plusieurs effets positifs sur l’état de la démocratie belge:
– non seulement elle participerait à la réduction de la violence économique et de ses effets aussi désastreux qu’inutiles sur la vie quotidienne d’un très grand nombre d’individus et de familles en Belgique ;
– mais encore, elle réduirait un nombre invraisemblable de démarches, de courriers, d’encodages, de poursuites pour des sommes peu significatives ou pour des retards de paiement de très courte durée (moins de trois mois) et qui sont ordinairement régulés par la plus grande part des débiteur·rices concerné·es ;
– enfin elle redonnerait confiance à la population dans le personnel politique et dans la fonction démocratique ; ainsi, nos député·es prendraient leur parti non pour défendre les multinationales et les décideur·ses de l’économie mondiale mais renoueraient avec la vocation démocratique de leur fonction politique qui consiste à mettre les institutions de l’état au service des populations les plus exposées à la violence économique mondiale.

Et plutôt que de donner des garanties à l’arbitraire, à l’inégalité et à l’injustice de cette violence économique mondiale, nos député·es referaient le choix de protéger les êtres humains qui résident dans les territoires de ce pays des malheurs quotidiens de ces dominations économiques et industrielles – que nous devrions reconnaitre et condamner comme criminelle. Ainsi, la démocratie de notre pays et le plus grand nombre d’entre nous y gagnerait en paix et vitalité positive.

1

Ces propositions sont extraites d’un chapitre du livre Les enfants d’Hiroshima – Pour une culture de la liberté, de Roland de Bodt en collaboration avec Claude Fafchamps, actuellement toujours inédit et qui devrait être publié en 2020 aux éditions du Cerisier à Cuesmes (Mons), Belgique, en coédition avec Arsenic 2.

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Neuf essentiels (études) 8
Neuf essentiels sur la dette, le surendettement et la pauvreté