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Dossier

Quelles ressources de l’imaginaire ?

Pierre Hemptinne, écrivain, membre de Culture & Démocratie

03-11-2022

Au fur et à mesure que l’évidence de la crise climatique s’impose concrètement au quotidien, le lexique de ceux et celles qui traitent depuis longtemps de cette urgence se diffuse plus largement. Alors que, jusqu’ici, il faisait office de repoussoir, le terme « sobriété » est mis à toutes les sauces, y compris démagogiques. Il en est de même de la question du « changement d’imaginaire », du « besoin de nouveaux récits », devenue incontournable, ce qui constitue déjà un acquis. Même si, pour certain·es, cela peut ne signifier qu’une mode ou un nouveau marché culturel à conquérir.

Écologie et blockbuster
Comment accompagner cette prise de conscience polymorphe pour qu’elle débouche sur une réelle dynamique structurante et une authentique bifurcation des référentiels ? Une rubrique récente dans Libération est un bel exemple du « n’importe quoi »  qui peut toujours biaiser les meilleures intentions du monde. Le titre : « À quand DiCaprio et Schwarzenegger à l’affiche d’un blockbuster écolo ? »n. Il y est question de films
« grands publics » qui susciteraient le désir de consommer autrement, en privilégiant des produits « verts ».  Par exemple un James Bond en voiture électrique est considéré comme un symbole déclencheur (s’agirait-il de second degré ?). Outre que cette rhétorique a un drôle de goût de « nous ça va, mais c’est la masse qu’il faut convaincre et faire bouger », elle révèle que le « changement d’imaginaire » pour certain·es investit des formes de projet qui laissent intact, finalement, le mode de vie actuel. Remplacer les objets et choses polluantes par des substituts considérés, à ce stade de « transition », comme plus vertueux, c’est changer pour que rien ne change. C’est en tout cas un « déplacement d’imaginaire » minimal où les blockbusters perdurent naturellement, conservent leur place centrale dans ce qui organise le mental individuel et collectif, cherchant à assurer la stabilité du marché des biens culturels. Du reste, quelle est l’empreinte carbone d’un blockbuster, depuis sa conception, sa production jusqu’à sa diffusion ? L’imaginaire véhiculé par un blockbuster n’est pas uniquement l’histoire racontée par le film, c’est aussi le récit économique de la réalisation de chaque blockbuster.

Récemment, la réflexion des grands musées pour assainir leur régime énergétique s’est heurtée à une impasse du même genre : oui, au niveau des usages internes aux musées et de l’empreinte écologique du bâtiment, de nombreuses améliorations sont possibles pour réduire l’empreinte carbone, mais il reste que la finalité de ces grandes institutions est de faire se déplacer un nombre astronomique de visiteur·ses, sans quoi s’effondre leur modèle économique. C’est ce tourisme culturel de masse qui rend toxique les musées phares et participe d’un imaginaire destructeur de nos lieux de vie. Même constat pour les grands festivals de musique qui « écologisent » la logistique – gobelets, tri sélectif, toilettes sèches – mais dont le principe même – rassembler le plus de monde pour faire du profit  – est ce qui génère le négatif environnemental. Où l’on voit qu’en transformant la forme et la taille de l’audience – l’idéal du gigantisme – on serait conduit à penser une circulation d’imaginaire complètement différente, avec forcément des « produits » adaptés à cette économie culturelle revue et corrigée, constituée d’une pluralité d’audiences plus limitées, valorisant les différences à partager plutôt qu’exaltant la synchronie. Ce serait une avancée intéressante vers une réflexion « culture et écologie ».

Documenter inertie et héritage
Pour mettre en perspective ce qui précède, je propose ici deux (petits) points : d’abord, essayer de poser de façon un peu plus objective les termes de cette difficulté à changer d’imaginaire. Non pas pour signifier que cela serait mission impossible mais parce que, pour entrevoir la possibilité d’une stratégie opérationnelle lucide, il est préférable de diagnostiquer au mieux la configuration responsable des inerties. Ne pas étudier scrupuleusement ce qui complique le changement d’imaginaire au sein d’un corps social, c’est courir le risque de multiplier les modifications ou les « nouveautés » qui, tout en continuant à s’inscrire dans les jeux d’intérêts, symboliques ou autres, structurant les logiques des différents champs d’activités, ne feront que maintenir l’existant et empêcheront toute réelle bifurcation. C’est la part la plus complexe de ce problème, qui est avant tout une problématique culturelle à travers laquelle nous sommes « agis » par des logiques et héritages qui nous dépassent, sans être outillé·es pour les conscientiser et s’en emparer.

Ensuite, je voudrais donner une idée un peu plus concrète de ce que cette bifurcation culturelle impliquerait en termes d’hériter autrement, d’être des héritier·es d’un type nouveau de tout ce qu’a généré les modes d’existence qui nous ont précédé, au fil des générations, et qui continuent en nous. Pour ce faire, j’invoquerai, pour le meilleur ou pour le pire, un vocabulaire conceptuel et technique qui rend compte de l’ampleur du changement à implémenter. Une série de formules mises au point par trois auteurs qui aident à mesurer ce qu’il conviendrait d’inverser, d’abandonner. Et qui est escamoté là même où, dans le discours des politiques, on ose enfin parler de devoir changer. Avant de « rendre le changement désirable » – un objectif que s’assigne une instance comme le Conseil National de Refondation en France –, il serait plus raisonnable d’enquêter sur les « renoncements » qui s’annoncent comme inévitables, les expliciter, histoire d’être honnêtes quant à une redirection des désirs hors des automatismes consuméristes !

L’évaporation des possibles, la panne d’imagination
Pour le premier point, je propose de prendre un peu de recul, avec un extrait de la « théorie des champs »  de Pierre Bourdieun où le sociologue détaille la manière dont « le mort saisit le vif », c’est-à-dire la façon dont tout ce qui a été réalisé précédemment, au fil des générations, modélise des objets, des techniques et des schèmes mentaux qui continuent à guider créativité, conceptualisation et sens pratique sur des sentiers désormais bien balisés. Et, en assurant le sentiment de continuité, ces processus créent le sentiment qu’ils sont la garantie d’une stabilité, d’un équilibre, avec la persuasion du sens commun. Cela, à travers nos façons d’être, de nous comporter au sein de la société de consommation, en s’identifiant à ses valeurs ou en s’en distinguant par la distance ou la critique. Ces schèmes dominants sont incorporés, c’est-à-dire ne sont plus questionnés, ils agissent selon un jeu complexe de « relations invisibles », entre nous et les autres, perpétuant et reproduisant ce que l’histoire humaine a engendré  et accumulé pour « faire société » et avec quoi, au jour le jour, on agit, on se positionne, en animant les flux relationnels des différents champs d’activité. Tout ce qui fait que notre culture est ce qu’elle est aujourd’hui, s’est institué, s’est transformé en réflexes et intuitions « dans les choses et dans les corps » et oriente nos capacités à inventer, à imaginer, à l’instant et pour demain. L’imagination se trouve enrôlée pour continuer – le besoin de continuité est énorme – sous d’autres formes ce qui a été acquis et capitalisé sous différentes espèces (symboliques et matérielles). C’est aussi l’exploitation de « l’innovation intensive » que l’extractivisme pratique dans tous ses hubs… Cette manière de produire de l’innovation dans la lignée de ce qui a été inventé avant, favorise le probable (ce que le système en place tolère – comme on parle de tolérance au niveau d’un appareil digestif – comme nouveauté et transformation) au détriment du possible (susceptible de s’engager dans des mutations et bifurcations plus radicales). Voici une formulation du sociologue : « Le processus d’institution, d’établissement, c’est-à-dire l’objectivation et l’incorporation comme accumulation dans les choses et dans les corps de tout un ensemble d’acquis historiques qui portent la marque de leurs conditions de production et qui tendent à engendrer les conditions de leur propre reproduction (ne serait-ce que par l’effet de démonstration et d’imposition des besoins qu’un bien exerce par sa seule existence), anéantit continûment des possibles latéraux. »

Le « mur » devant lequel nous nous trouvons, en invoquant soudain un « nouvel imaginaire » qui devrait tomber du ciel, c’est précisément ce qui est posé comme rendu inaccessible : passer du « probable » au « possible ». Ou inventer une autre manière d’hériter de ce probable restrictif. Cette impossibilité est proportionnelle aux investissements qui ont été engagés pour consolider l’imaginaire du capitalisme, croissance et économie de marché en lieu et place de droits humains, culture et démocratie. Pensons au matraquage de « il n’y a pas d’autre voie », pensons aux milliards dépensés par le marketing comparés aux maigres budgets de la culture non-marchande, prodigalité du marketing à penser en termes d’envoûtement, de captation et privatisation des croyances : « La production économique ne fonctionne que pour autant qu’elle produit d’abord la croyance dans la valeur de ses produits (comme en témoigne le fait qu’aujourd’hui la part, dans la production même, du travail destiné à produire le besoin du produit ne cesse de croitre) ; et aussi la croyance dans la valeur de l’activité de production elle-même (plutôt que dans la valeur de l’otium). » (p.575) L’otium, c’est le temps libre, le loisir studieux, improductif selon la morale néolibéralen. Les politiques, dans leur assujettissement au dogme de la croissance, ont soutenu cette « production du besoin du produit » comme imaginaire dominant dont aujourd’hui ils sont incapables de se déprendre, transformant les « possibles » en « impossibles », sans jamais reconnaitre l’impasse et leur impuissance.

Revenons à Pierre Bourdieu : « À mesure qu’avance l’histoire, ces possibles deviennent plus improbables, plus difficiles à réaliser, parce que leur passage à l’existence supposerait la destruction, la neutralisation ou la reconversion d’une part plus ou moins grande de l’héritage historique – qui est aussi un capital –, et plus difficile même à penser, du fait que les schèmes de pensée et de perception sont à chaque moment le produit de choix antérieurs devenus choses. Toute action visant à opposer le possible au probable, c’est-à-dire à l’avenir objectivement inscrit dans l’ordre établi, doit compter avec le poids de l’histoire réifiée et incorporée qui, comme dans un processus de vieillissement, tend à réduire le possible au probable. » (p. 552)

Ce sont juste de brefs échantillons qui donnent une idée de la force d’inertie. Pour donner une assise sérieuse à une culture du changement, un apprentissage plus serré et systématique de tout ce que recouvre « le mort saisit le vif » serait bénéfique, un apprentissage individuel et collectif qui pourrait être confié au secteur de l’éducation populaire, par exemple. Avec les moyens d’un « plan Marshall » culturel !

Pourquoi pas la radicalité ?
Selon David Graeber (anthropologue) et David Wengrow (ethnologue), auteurs de Au commencement était… Une nouvelle histoire de l’humanitén, l’histoire longue révèle que l’humain a longtemps disposé de cette plasticité, cette culture de l’essai et de l’erreur, lui permettant d’adapter ses organisations en fonction des impasses rencontrées (sans pour autant que cela se passe dans la facilité et la douceur). La modernité et le capitalisme, s’affirmant comme seule voie possible de l’évolution, comme l’aboutissement même de l’humanité, auraient peu à peu généré une panne d’imagination qui se révèle cruellement aujourd’hui. Donc, acculer à penser autrement le devenir de nos modes d’existence, on se tourne vers l’imagination, on invoque de nouveaux récits, l’élaboration d’un nouveau projet collectif, on feint de croire que le gisement des possibles est vierge. Puis – c’est le deuxième point annoncé – si on tombe sur l’ouvrage collectif d’Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin, Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlementn, c’est la douche froide. Ici, il est question de « déprojection », de « non-usage », de « non-innovation », d’improduction, et de technologies zombies, autant de termes qui recouvrent des réalités, ainsi que des savoirs et savoir-faire à forger pour faire face. « La rencontre avec le monde est déceptive par nécessité. » (p.65) Arrêter de « projeter » pour désormais apprendre à déprojeter, c’est rompre avec la culture du projet inculqué à tous les niveaux de la société, depuis les années 1970, par les méthodes du néo-management. Faire des projets, en ce sens, reviendrait à continuer à croire que l’on peut transformer l’existant en quelque chose de plus adéquat avec la crise climatique. « Nous pensons, en effet, que le projet est un investissement cosmologique majeur permettant de caractériser tout à la fois le capitalisme, ses formes extractives et ses prises critiques. » (p.116) Ça surprend. Mais ne serait-ce pas salutaire de se confronter à ces pistes non intuitives ? Pour sortir des pièges de la transition mainstream, généralement admise sans controverse, qui considère que « les finalités du modèle de développement n’étant pas forcément “mauvaises”, il suffirait de transformer nos moyens (techniques, énergétiques, en termes d’approvisionnement, etc.) pour que la transition puisse réaliser. Et cette « révolution écologique des moyens » devrait permettre de conserver les finalités nobles du « développementisme » ou du moins celles « ayant fait leur preuve ». » (p.119) Ce qui ressemble aux déclarations du président du MR quand, à propos des mesures « climat et énergie » prônées par son parti, il prend soin de préciser qu’il n’a aucun penchant à « l’ascétisme ».

Hériter des communs négatifs et désensorceler les technologies zombies vise non pas simplement à mettre du vert et du bio un peu partout dans le capitalisme, mais à le « fermer ». Littéralement.

Déprojeter des futurs obsolètes
Le point de départ pour la bifurcation serait plutôt ceci :  « L’Anthropocène devient ainsi une force déceptive d’apprentissage, qui nous apprend à voir et à sentir l’intolérable plutôt qu’à reconstruire du sens, à vivre l’invivable dans la vie plutôt que la résilience, à déprojeter des “futurs obsolètes” plutôt qu’à projeter des futurs souhaitables, à faire l’épreuve d’une paralysie plutôt que de restaurer une capacité d’agir. » Voilà, un « ton » qui surprend, inhabituel. « Déprojeter des futurs obsolètes » : cela correspond à stopper ce que les technologies en place sont en train de faire advenir. C’est ce qu’évoquait aussi Bourdieu à propos des technologies qui, une fois installées, indispensables, orientent pour longtemps toute une série de choix (pensons au nucléaire). D’ailleurs, ce que Héritage et fermeture tente d’expliciter, d’une certaine manière, c’est une méthodologie pour défaire – exorciser – la prise du vif par le mort qu’analyse Bourdieu. Radicalement. Mais du point de vue d’un héritage à accepter et de responsabilités à assumer. Avant d’entreprendre le retissage de l’humain avec le non-humain, revendication juste et de plus en plus appuyée, il est nécessaire de détricoter nos attachements à tout ce qui constitue la Technosphère, établir des bases plus saines pour cet entretissage du vivant. Arrêtons la fuite en avant, réglons d’abord les problèmes, affrontons le réel (et non plus les « interprétations » que les un·es et les autres font du rapport du GIEC en fonction de divers intérêts personnels et/ou de champ).

Dépolluer les communs négatifs
Ce dont nous héritons, selon les trois auteurs, est à caractériser en « communs négatifs ». L’idée serait qu’au lieu de partir des communs positifs (ressources naturelles par exemple) à protéger en consensus avec l’Anthropocène, il est préférable de partir des communs négatifs, ceux-là même responsables de la situation catastrophique du vivant sur terre. Préférable parce qu’offrant plus de chance d’opérer une réelle bifurcation.

Les communs négatifs ; ce sont toutes les « technologies zombies » et leurs impacts, matériels et symboliques, ces technologies sur lesquelles se base toujours le capitalisme et qui nous attirent vers le gouffre. Les communs négatifs dont nous héritons sont les ruines de la modernité, les édifices, les techniques, les institutions qui persistent à faire tourner la machine infernale. « Dans la perspective de l’Anthropocène, la ruine est à repenser intégralement : elle n’est plus l’édifice effondré, mais celui qui tient debout, plus l’aqueduc recouvert de mousse mais la supply chain alimentant les marchés mondiaux, l’usine automatisée tournant à plein régime avec un minimum d’employé·es, sans oublier les organisations et les business models qui les pilotent. » (p.23) Voici qui demanderait un travail de médiation culturelle pour examiner et apprivoiser cette notion de la ruine, intégrer le fait que ce qui, d’une part est vanté partout comme l’avenir (le numérique, par exemple) pourrait bien, d’autre part, être une technologie zombie.

Hériter cela se traduirait par un travail d’enquête sur nos attachements – addictions, assuétudes ! – à la Technosphère, pour les traiter, les soigner, démocratiquement. Une telle enquête, par exemple, concernant la mode des piscines privées, pas raccord avec la situation climatique, conduirait à une cartographie de tous les métiers et profils sociaux qui vivent de cette industrie. La responsabilité des héritier·es consistant à trouver des solutions pour toutes les parties prenantes, en progressant vers ce que l’on peut caractériser en termes « d’écologie déconnexionniste ». prise en charge en commun. Ce qui implique de forger ensemble des savoirs adéquats pour dénouer les connexions nocives, dans le cadre de cette « redirection écologique ». « Ce monde, fait de conseils d’administration, de directoires, de boards, de managers, d’ouvriers, de directeurs d’usine, de techniciens, de consultants, d’ingénieurs, de chefs de projets, de chefs d’équipe, de commerciaux, de logisticiens, de DSI, etc., nous nous devons aussi de trouver comment en hériter et de comprendre, à cette fin, les dépendances cosmologiques et stratégiques qui les produisent et les entretiennent. » (p.122)

Quand fermeture rime avec salutaire
Hériter des communs négatifs et désensorceler les technologies zombies vise non pas simplement à « verdir » la Technosphère, à mettre du bio un peu partout dans le capitalisme, mais à le « fermer ». Littéralement. Et non pas en théoricien·nes et idéologues mais en mettant les mains dans le cambouis de la masse de problèmes concrets que cela représente. Regarder en face ce qu’il faut accomplir. En hériter de façon responsable. Pour donner une idée de l’ampleur de cette fermeture, à partir de la ZAD de Nantes qui a réussi à empêcher que survienne une nouvelle « ruine » : « Mais la résistance à un aéroport non encore advenu, même si elle déplace les « imaginaires » associés, en faisant de l’entité aéroport une entité controversée (ce qui en soi est déjà une énorme avancée), n’engage pas pour autant la fermeture des entités déjà-là. Notre programme de fermeture doit donc pouvoir s’appliquer aussi aux Aéroports de Paris, à Air France, au glyphosate, à un stade, une infrastructure numérique, un incinérateur, etc., des entités très concrètes de la Technosphère. » (p.129) C’est bien, là, il est question de réguler l’usage des jets privés, on est sur la bonne voie !

Il y a bien entendu dans les « attaques » des trois auteurs de ce livre, de quoi dérouter. Parler de « cosmologie de la non-innovation » rompt catégoriquement avec le discours dominant et ambiant.  Qui rompt aussi avec certaines traditions de la critique qui revendiquerait une autre forme d’innovation, plus légitime. « Notre proposition se doit de penser a contrario des cosmologies de la non-innovation (ou de l’inconstructibilité pour reprendre le terme de F. Neyrat), non pas pour en faire des outils de gestion reproductibles, mais pour documenter différentes manières de limiter l’avènement d’horizons technologiques non souhaitables, déjà caducs (en termes de leur propre soutenabilité matérielle) car incompatibles avec l’Anthropocène. » (p.119) Il n’y aura aucune stratégie adéquate face à l’Anthropocène sans « changement dans la définition même des finalités de production » (p.120) Finalités à établir selon des procédures démocratiques. Ça déroute, et peut-être y-a-t-il aussi une part de « posture ». Mais cela ne vaut-il pas la peine de s’y confronter sérieusement ? Car, franchement, si on en revient au rapport du GIEC, si on capte la quantité d’informations qui nous parviennent – dont cet article récent dans Le Monden, sur un travail scientifique établissant cinq point de bascule au-delà desquels la situation est irréversible, et qu’au moins un de ces points est franchi, d’autres proches d’être atteints – ce discours que certain·es  jugent« alarmiste », n’a-t-il pas un accent de vérité et de lucidité ? De non-langue de bois ?

 

Image : © Joanna Lorho

1

« À quand Di Caprio et Schwarzenegger à l’affiche d’un blockbuster écolo ? » Billet de Jonathan Bouchet-Petersen, publié le 7/09/2022 sur Liberation.fr (consulté le 6/10/2022) 

 
2

Pierre Bourdieu, Microcosmes. Théorie des champs. Raisons d’Agir 2022.

 
3

À ce sujet, lire aussi Jean-Miguel Pire, « Prendre le tempsd’exister. Pour un droit universel à l’otium », Journal de Culture & Démocratie n°54, 2022.

 
4

David Graeber, David Wengrow, Au commencement était... Unenouvelle histoire de l’humanité, Les liens qui libèrent, 2021.

 
5

Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, Alexandre Monnin, Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement. Éditions divergences 2021.

 
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