Ninon et Clara

Sans titre #ParOùOnPasse 6

Ninon et Clara, artistes et habitant·es de La Petite Maison

13-03-2023

Bibliothèque chalet, bibliothèque collective, Ninon

Quand je vais quelque part, j’emporte systématiquement des livres. Avant de partir, pendant le moment des bagages, j’accorde une attention particulière aux livres que je vais emporter.
D’abord, je les sélectionne en fonction de leur sujet, qui doit directement être lié aux raisons de mon départ. Un départ en vacances ce n’est pas la même bibliothèque qu’un départ en résidence au fin fond de la montagne… Je sais qu’ils seront mes alliés durant cette période d’exil, loin de chez moi et de ma bibliothèque complète. Alors je prends le temps nécessaire pour les sélectionner.
Je sais aussi que je ne peux pas tous les prendre. Il y a une question de poids et de place. Alors j’essaie d’anticiper quelle sera ma cadence de lecture. Ce que je serais capable de lire. Pour choisir ceux qui me seront nécessaires, et pas tous ceux que je voudrais en plus, juste pour me rassurer.
J’ai toujours vu mes parents dormir entourés de livres. Dans l’appartement que nous avons habité à Paris, ils dormaient sur un futon, posé sur des tatamis. L’espace de tatami qui dépassait du futon était couvert de piles de livres. Surtout du côté de ma mère.
En fait, il y avait des livres dans toutes les pièces : les toilettes bien sûr, le salon, notre chambre et celle des parents, la cuisine… peut-être pas la salle de bain. Quoique…
Et je dors toujours entourée de livres, chez moi ou non. J’installe mon lit comme une cabane, dont les murs seraient les piles de livres.
Avec la peur de manquer bien sûr. Ça devient irrationnel à force.
Avant de partir pour Briançon, on avait décidé de passer par la librairie Les Modernes, tenue par une amie de longue date, Gaëlle Partouche. À Grenoble, c’est de loin ma librairie préférée, juste parce que j’aimerais avoir tou·tes les allié·es qu’elle a sélectionné·es, et avec qui elle cohabite.
Nous avions rempli nos sacs à dos avant même de les avoir préparés.

J’aime entrer dans un espace et y découvrir une bibliothèque, qu’importe sa taille. Elle en dit beaucoup sur un lieu et sur les personnes qui l’habitent.
J’ai mis quelques jours, au chalet des bénévoles, avant d’investir le salon et de me rendre compte de la présence d’une petite bibliothèque disposée sur la cheminée.
À La Petite Maison nous avons aussi une bibliothèque, et même si elle ne sert pas à grand monde, elle me tient à cœur, et je suis contente qu’elle existe matériellement dans notre espace.
Avoir une bibliothèque dans un espace collectif, c’est pour moi, une manière de communiquer. Sans mots, sans réunions ou rencontres directes. C’est une invitation tacite à rencontrer en profondeur l’histoire d’un lieu et de ses personnages.
Je suis toujours curieuse de voir les références qui constituent une bibliothèque. Chaque bibliothèque est singulière et j’aime me balader à l’intérieur. Si je peux, j’aime y participer en laissant un livre que j’ai lu et aimé.
Avoir une bibliothèque dans un lieu collectif c’est aussi permettre aux connaissances et aux histoires de circuler librement.

Alors découvrir cet espace au Chalet des bénévoles m’a fait du bien. Je pouvais soudain m’asseoir dans un des fauteuils du salon et choisir un livre de cette bibliothèque pour lire les mots que ce lieu avait à me partager.
Au Chalet, tu peux trouver tous les livres qui parlent de la lutte à Briançon, que ce soit dans les montagnes, chez les citoyen·nes ou au Refuge. C’est facile d’imaginer que tou·tes ces autrices et auteurs sont des allié·es, des ami·es.
C’est un espace immatériel, silencieux, où plusieurs points de vue se développent.
On choisit de les lire ou non.

J’aime aussi retrouver des livres qui font déjà partie de ma collection. Ce sont des retrouvailles chaleureuses, qui participent à la création de mon « safe space ».

J’écris ce billet pour un projet sur l’hospitalité, parce que je suis convaincue du pouvoir qu’ont les livres à faire lien, à créer des refuges, à nous faire rêver.
Je pense que dans tous les lieux hospitaliers il devrait y avoir une bibliothèque qui invite à en savoir plus, à trouver des réponses, ou en tout cas des allié·es.
D’ailleurs Clara, pour un des ateliers objets, a dessiné une bibliothèque avec des livres bien rangés.
C’est important que cette bibliothèque soit visible et aussi accueillante, qu’elle représente aussi tout le monde, ou du moins celleux qu’elle intéresse.
Visible, je prends l’exemple de chez nous à La Petite Maison. J’ai commencé une petite bibliothèque qui est sur la dernière étagère d’une armoire trop haute, dans une pièce trop froide où personne ne s’installe jamais. Donc elle existe mais elle n’est pas utilisable.

Omosa lit des romans en arabe. Un roman policier et un roman d’amour. Il lit ça parce qu’il n’a trouvé que ces deux livres en arabe. Il aimerait lire de la philosophie, de la sociologie…
À l’accueil du Refuge, ils ont de nouveaux livres en arabe mais ce sont des BD, pas non plus ce qu’il cherche.

Dans cette bibliothèque j’ai lu, « L’hospitalité est un échange. Le mot “hôte” se dit tant de celui qui accueille que de celui qui est accueilli.
Cette singularité linguistique a un sens : ce qui compte dans l’hospitalité, ce n’est pas la présence de deux individus différents, c’est la relation qui va s’instaurer entre les deux.
Accueillant comme accueilli prennent part, ensemble, à la relation. »

Carnets de solidarité, Julia Montfort.

Atelier collage, Clara

Pour cet atelier on a imprimé une centaine de photos de paysages imaginaires et existants qui nous parlaient. Des aurores boréales violettes, des forêts tropicales, des montagnes, la mer, et la ville aussi. Avec ces grands paysages urbains remplis de lumière et de vitrines.
Sur un petit format carte postale, on propose de recréer un nouveau paysage construit par plusieurs morceaux d’autres. On met le speaker à disposition, la musique se diffuse dans tout le self, on rapproche les tables et c’est parti pour un nouvel atelier.

Ce qui me fascine c’est le pouvoir de l’activité manuelle, la minutie que le dessin demande. D’abord observé chez Ninon qui dessine pour méditer, pour se faire du bien.
Puis en ateliers, pour oublier le froid, la violence autour, l’urgence des vies, des situations politiques des espaces dans lequel nous nous trouvons.

Aujourd’hui pour cet atelier de collage, Ahmed qui esquive toujours les ateliers et préfère faire des blagues, se prend au jeu. Il a beaucoup hésité au départ, beaucoup beaucoup.  En disant qu’il n’y arriverait pas, puis il s’est plongé dans un découpage très méticuleux des tours de Dubaï et a recréé un paysage en prenant tout son temps. Aspiré par son projet, il n’a pas levé la tête de l’atelier.

On met aussi à disposition l’enregistreur Zoom. Simo, un des habitués des ateliers et maintenant ami, a un coup de cœur pour l’appareil. Je lui explique comment ça fonctionne, où est-ce qu’on doit appuyer pour enregistrer, augmenter le volume et l’éteindre. Suite à ça, il s’engage dans des interviews avec toutes les personnes qui l’entourent, à un, deux, trois, six. Il me racontera plus tard de quoi les interviews, en arabe, traitaient. Simo a parlé de foot, de Briançon, de rap, de champion d’humour, de comment on se sentait ici, de tout et de rien aussi.

Articles Liés