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Dossier

Protection des consommateur·ices et sécurité alimentaire

Awilo Ochieng Pernet, licenciée en droit, Master of science (MSc), certificat d’université en nutrition humaine, présidente de la Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius (2014-2017)

17-07-2024

Allergènes et aliments contaminés provoquent chaque année de nombreux décès à travers le monde. La commission du Codex Alimentarius a été créée dans le but d’élaborer des normes en matières d’hygiène, de contrôle sanitaire ou encore d’étiquetage, qui soient adoptées au niveau international. Awilo Ochieng Pernet nous renvoie ici vers certains de ces textes et milite pour une approche plus globale de la sécurité sanitaire des aliments.

La consommation de denrées alimentaires saines et nutritives contribue au maintien de la santé ainsi qu’à la prévention de maladies d’origine alimentaire. Cependant, des aliments, y compris des boissons, contaminés par des bactéries, des virus, des parasites, des toxines ou bien des substances chimiques ou physiques sont à l’origine de nombreuses maladies qui peuvent avoir des graves conséquences pour les consommateur·ices en provoquant des maladies aiguës ou chroniques. Les maladies d’origine alimentaire sont ainsi une cause importante de morbidité et de mortalité. En effet, d’après les résultats de l’étude effectuée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l’ampleur des maladies d’origine alimentaire, chaque année environ 600 millions de personnes – soit près d’une personne sur dix dans le monde – tombent malade suite à la consommation d’aliments contaminés et environ 420 000 personnes en meurent. Selon une étude de la Banque mondiale, si les maladies d’origine alimentaire ont des graves conséquences dans le monde entier, ce sont les pays en développement qui en pâtissent le plus. En Europe, l’OMS enregistre 23 millions de cas, dont 5000 sont mortels, par an.

Face à ce constat, La Commission du Codex Alimentarius (CCA) a été créée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1963 pour élaborer des normes, directives et recommandations internationales sur les produits alimentaires afin de protéger la santé des consommateur·ices et d’assurer la loyauté des pratiques dans le commerce alimentaire. La CCA compte 189 membres (188 pays membres et une organisation membre : l’Union européenne). Par ailleurs, 240 organisations intergouvernementales et non-gouvernementales participent aux travaux de la CCA en tant qu’observatrices. Dans ses Principes généraux d’hygiène alimentaire, la CCA énonce sans la moindre ambiguïté que « le consommateur est en droit de s’attendre à ce que les aliments qu’il consomme soient sûrs et salubres. » Par ailleurs, la CCA y définit la sécurité sanitaire des aliments comme « l’assurance que les aliments ne causeront pas d’effets nocifs pour le consommateur quand ils sont préparés et/ou consommés conformément à l’usage auquel ils sont destinés ». Ainsi, la protection de la santé des consommateur·ices prime sur toute autre considération et la CCA indique clairement dans ses Principes et Directives concernant les systèmes nationaux de contrôle des aliments que « le premier objectif de la mise en œuvre et du maintien des systèmes nationaux de contrôle des aliments est de protéger les consommateurs. En cas de conflit avec d’autres intérêts, la priorité devrait être donnée à la protection des consommateurs. » Il incombe, dès lors, aux autorités compétentes de veiller à ce que tous les acteurs de la chaine alimentaire remplissent les exigences légales afin de garantir la sécurité sanitaire des aliments qui sont sur le marché et de protéger ainsi les consommateur·ices.

Il faudrait remédier à ce fonctionnement en silo en adoptant une approche globale de la sécurité sanitaire des aliments qui est une responsabilité partagée.

Un aspect important de la sécurité sanitaire des aliments concerne les allergènes. En effet, les allergies alimentaires représentent un problème de santé publique partout dans le monde car les réactions allergiques suite à la consommation des denrées alimentaires peuvent être très graves. Dès lors, il est impératif que les entreprises alimentaires respectent la législation sur la déclaration des denrées et des ingrédients alimentaires et qu’elles alertent les consommateur·ices sur la présence d’allergènes dans les produits en mettant cette information bien en évidence sur les étiquettes. En 2020, la CCA a adopté un Code d’usages pour la gestion des allergènes alimentaires pour les exploitants du secteur alimentaire. Par ailleurs, la Norme générale pour l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées qui a été élaborée par la CCA contient une liste de denrées et ingrédients alimentaires connus pour provoquer des allergies et qui doivent toujours être déclarés. La législation de l’Union européenne rend quant à elle obligatoire l’étiquetage d’allergènes supplémentaires, tels que le céleri ou la moutarde. Il est très important pour les consommateur·ices allergiques de toujours avoir accès à des informations précises, compréhensibles et de bonne qualité afin qu’ils et elles puissent prendre leurs décisions en connaissance de cause et sans craindre d’éventuels effets graves pour leur santé.

La sécurité sanitaire des aliments est une composante essentielle de la plupart des défis majeurs auxquels le monde s’efforce de répondre aujourd’hui, dont la sécurité alimentaire, la nutrition, la production et le commerce d’aliments sûrs, les systèmes alimentaires durables, les maladies non transmissibles d’origine alimentaire, la qualité de l’eau et l’agriculture, l’eau et l’assainissement, la santé animale et les zoonoses, l’approche « Une seule santé » (One Health), la résistance aux antimicrobiens, le changement climatique ainsi que la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Toutefois, le lien intrinsèque entre la sécurité sanitaire des aliments et les questions susmentionnées n’est pas toujours reconnu en raison des approches sectorielles adoptées. Il faudrait remédier à ce fonctionnement en silo en adoptant une approche globale de la sécurité sanitaire des aliments qui est une responsabilité partagée. La proclamation par l’ONU du 7 juin comme Journée internationale de la sécurité sanitaire des aliments est une réalisation essentielle qui contribuera certainement à sensibiliser les générations à venir.

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Journal 58
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