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Notices bibliographiques

Tout peut changer: Capitalisme et changement climatique – Naomi Klein

Lola Massinon, sociologue et militante

19-01-2022

Si le livre s’intitule Tout peut changer, le ton reste alarmant. Naomi Klein nous rappelle les chiffres inquiétants qui nous promettent un avenir catastrophique en termes de changements climatiques. Elle invite une fois de plus à ouvrir les yeux sur l’ampleur des changements qu’il faut opérer tout de suite, même si l’on ne peut plus vraiment éviter le pire : les objectifs mondiaux fixés ne sont pas suffisants, et pourtant, ils ne sont même pas respectés.

TOUT PEUT CHANGER : CAPITALISME ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

Naomi Klein
Traduit de l’anglais par Geneviève Boulanger et Nicolas Calvé

Actes Sud, 2015, 540 pages.

Présentation

Naomi Klein est une journaliste canadienne altermondialiste. Tout peut changer : Capitalisme et changement climatique est son quatrième ouvrage, après No Logo (1999), Journal d’une combattante (2002) et La stratégie du choc (2007). Dans ce livre, elle fait une mise au point sur la source des changements climatiques ; à savoir notre modèle économique capitaliste et extractiviste. Par un travail très fouillé qui explore tour à tour les dessous de la droite climato-sceptique, la force de l’idéologie néolibérale mais aussi les résistances en cours, l’autrice dresse un panorama approfondi des lignes qui parcourent les combats environnementaux actuels. Elle montre l’impossibilité de relever le défi climatique dans le système capitaliste et néolibéral qui est le nôtre, notamment par des descriptions concrètes du combat qui se joue entre la droite conservatrice enrichie et climato-sceptique et les défenseur·ses de l’environnement et de la justice sociale. Après un constat catastrophique de l’impasse climatique dans laquelle nous sommes et de l’inertie qui nous empêche d’en sortir, elle passe en revue les stratégies à mettre en place, articulant justice sociale et environnementale. Elle énonce clairement les mesures qu’elle juge nécessaires d’appliquer, planifiées et contraignantes, pariant entre autres sur les services publics et la convergence des mouvements sociaux. Elle prend aussi soin de montrer les inégalités face aux dérèglements climatiques et exploitations environnementales et les différents combats que mènent les communautés qui en sont victimes. Elle reste optimiste, faisant état des luttes locales qui se multiplient, invite à les connecter pour créer un mouvement global et fort.

Commentaire

Si le livre s’intitule Tout peut changer, le ton reste alarmant. Naomi Klein nous rappelle les chiffres inquiétants qui nous promettent un avenir catastrophique en termes de changements climatiques. Elle invite une fois de plus à ouvrir les yeux sur l’ampleur des changements qu’il faut opérer tout de suite, même si l’on ne peut plus vraiment éviter le pire : les objectifs mondiaux fixés ne sont pas suffisants, et pourtant, ils ne sont même pas respectés. Nous allons vraisemblablement dépasser le seuil des deux degrés de réchauffement planétaire. Sont également cités tous les phénomènes que nous observons déjà aujourd’hui et que nous subirons assurément demain : désintégration de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental, accélération de la hausse du niveau de la mer, vagues de chaleur extrêmes, baisses spectaculaires des rendements des cultures de base, sécheresses, inondations, ouragans, feux de forêt… L’autrice répète encore et encore que le temps nous est compté et qu’il faut agir tout de suite. Cet ouvrage est pourtant paru il y a maintenant sept ans… Elle y indiquait déjà que la fenêtre permettant de respecter l’objectif des deux degrés était sur le point de se fermer : « En 2017, elle sera fermée pour de bon.» (p.45)

Difficile aujourd’hui – l’échéance étant dépassée – d’adhérer à l’optimisme de l’autrice… En effet, Naomi Klein fait le pari que la crise climatique peut constituer « un catalyseur de changements bénéfiques et le meilleur argument dont les progressistes aient jamais disposé pour faire valoir leurs revendications : […] rebâtir les économies locales, libérer nos démocraties de l’emprise destructrice des géants du secteur privé, empêcher l’adoption d’accords de libre-échange néfastes et renégocier ceux qui étaient déjà en vigueur, investir dans les infrastructures publiques les plus mal en point, tels les transports en commun et le logement social, se réapproprier des services publics essentiels comme l’énergie et l’eau potable, assainir le secteur agricole, ouvrir les frontières aux réfugiés climatiques et respecter les droits territoriaux des peuples autochtones ». (p. 21) C’est donc un changement de paradigme total que l’autrice appelle de ses vœux. De cette façon, elle montre que si les changements tant attendus surviennent difficilement, c’est bel et bien car ils sont tout à fait incompatibles avec le caractère totalisant et hégémonique du néolibéralisme déréglementé dans lequel nous vivons, et qui profite à une minorité riche et de droite.

Naomi Klein montre que cette minorité tient une place prépondérante dans les mouvements climatosceptiques qui influencent fortement le cours des choses, niant l’existence des changements climatiques et défendant le laisser-aller économique, assurant ses arrières ou défendant des solutions inquiétantes de géo-ingénierie. L’autrice le répète : « Il existe un lien solide et direct entre l’hégémonie des valeurs intimement liées au capitalisme triomphant et la persistance d’opinions et de comportements anti-environnementaux. » (p.105)

Face à cela, elle invite à cultiver toutes les poches de résistance se pratiquent déjà des valeurs étrangères au capitalisme, mais aussi à sortir de notre inertie et à établir des liens entre les différents combats de la gauche progressiste pour créer un mouvement fort de justice sociale et environnementale.

Dans la suite du livre, Naomi Klein énonce les mesures fortes qu’elle juge nécessaires pour sortir de l’impasse. Elle montre concrètement comment les cadres juridiques néolibéraux soutiennent le commerce international et empêchent systématiquement toute avancée en faveur de la protection de l’environnement, comme la réglementation de l’extraction de combustibles fossiles polluants, par le biais de contestations judiciaires. Elle juge donc impératif de venir à bout des règles commerciales en vigueur qui sont en combat permanent contre les mesures pour le climat prises à l’échelle internationale.

Les mesures qu’elle défend et qui peuvent être discutées exigent une planification réfléchie et à long terme des villes et transports, logements, mais aussi de l’économie. Une planification qu’elle imagine en grande partie décentralisée, permettant également de lutter contre la pauvreté, la faim et le chômage. Tout peut changer est un livre dense, qui invite aussi à l’action et la solidarité avec les luttes des communautés les plus touchées par les projets extractivistes et mortifères, et à se connecter à leurs pensées régénératrices du vivant.

Mots-clés

Dérèglement climatique – Néolibéralisme – Extractivisme – Libre échange – Urgence – Changement de paradigme – Résistances – Économies locales – Actions – Solidarité

Contenu

Avant-propos – D’une manière ou d’une autre, tout est en train de changer – i. Deux solitudes – ii. La pensée magique – iii. Parce qu’il faut bien commencer quelque part – Conclusion – L’heure de vérité

PDF
Neuf essentiels (études) 9
Neuf essentiels pour une histoire culturelle du totalitarisme
Avant-Propos

Maryline le Corre, coordinatrice à Culture & Démocratie

Pour une histoire culturelle de la notion de totalitarisme

Claude Fafchamps, directeur général d’Arsenic2

Potentiels totalitaires et cultures démocratiques

Thibault Scohier, critique culturel, rédacteur chez Politique et membre de Culture & Démocratie

Les origines du totalitarisme – Hannah Arendt

Roland de Bodt, chercheur et écrivain

Démocratie et Totalitarisme – Raymond Aron

Kévin Cadou, chercheur (ULB )

La destruction de la raison – Georg Lukács

Roland de Bodt, chercheur et écrivain

Vous avez dit totalitarisme ? Cinq interventions sur les (més)usages d’une notion – Slavoj Žižek

Sébastien Marandon, membre de Culture & Démocratie

« Il faut s’adapter » sur un nouvel impératif politique – Barbara Stiegler

Chloé Vanden Berghe, Chercheuse ULB

Le totalitarisme industriel – Bernard Charbonneau

Morgane Degrijse, chargée de projet à Culture & Démocratie

Tout peut changer: Capitalisme et changement climatique – Naomi Klein

Lola Massinon, sociologue et militante

24/7 – Jonathan Crary

Pierre Hemptinne, directeur de la médiation culturelle à PointCulture, membre de Culture & Démocratie.

Le capitalisme patriarcal – Silvia Federici

Hélène Hiessler

Contre le totalitarisme transhumaniste – Les enseignements philosophiques du sens commun, Michel Weber

Pierre Lorquet

Mille neuf cent quatre-vingt-quatre – George Orwell

Thibault Scohier

La Zone du Dehors / Les Furtifs – Alain Damasio

Thibault Scohier

Pour une actualisation de la notion de totalitarisme

Roland de Bodt