Une enrichissante manière de questionner et surtout de partager les multiples façons « d’habiter », d’avoir en commun un espace à proposer, que ce soit de façon accueillante ou violente, conflictuelle ou apaisée, de déchiffrer nos « être ensemble », les questions et les regards de chacun·e sur nos vécus pour pouvoir cohabiter. Mais ni à partir de rien, ni d’une question théorique. Comment se présentent les hospitalités dans un contexte forcé ? Le livre de l’hospitalitén a beau compter 2 036 pages, il nous faudra en rajouter quelques-unes, poursuivre avec inventivité le développement de notre humanité. Confronter et préciser nos valeurs, convaincre avec créativité, organiser et appliquer le partage, car il convient en bout de course de trouver place à chacun·e.
Les descriptions présentées sont évocatrices : « inadmissible, couteux, engageant, massif, soudain, satisfaisant, peu clair, virulent, généreux, inquiétant, vulnérable, violent, ressourçant, fort, inégal, acceptable, ombré, efficace, exceptionnel, suspicieux… ». Toutes les options sont présentes, mais toutes ne sont pas portées par les mêmes valeurs et ne satisfont pas les mêmes aspirations. Ces divergences de concevoir l’habitation de l’exil, envisagé par l’exilé·e comme une recherche de situation apaisée, questionnent les réponses. Celles-ci, alors même que l’hospitalité est une situation qui traverse, interroge mais également définit notre « humanité » depuis son origine, ne sont jamais définitives : que veut chacun·e, quelle place occuper ? Puis-je adhérer à la réponse que j’observe ? Comment m’y prendre, comment s’y prendre ? Offrir et recevoir ? Un cadeau, une contrainte, un devoir, un droit ? Et moi qui croyais que…
Les rencontres, avec leur part d’intrusion, sont inévitables, elles résultent de nos besoins humains les plus fondamentaux, les « confinements » peuvent être temporaires, ils n’en sont pas moins insupportables à terme, et mortels à long terme. Poser son regard et ses interrogations sur l’hospitalité et ce qu’elle met en jeu est nécessité, quelle que soit la position des un·es et des autres. Le faire ensemble, c’est aussi démontrer que l’individualisation des modes de vie ne correspond ni à nos besoins fondamentaux, ni à l’impérieuse nécessité des relations et des échanges. Les satisfactions et les craintes éprouvées, présentées dans des situations très concrètes, rendent aussi compte des fractures actuelles, croissantes, entre communauté sociale et politique. Ces trois journées ravivent ce qu’il est encore nécessaire d’explorer dans le vaste domaine de l’hospitalité, ses formes innombrables et variées, ses conditions, ses limites, ses rites et ses enjeux. Chaque participant·e en nourrira ses rencontres et partages à venir, « à hauteur d’homme et de femme ».
Ouvrage collectif, sous la direction d’Alain Montandon, Bayard Éditions, 2004.