Pratiques musicales collectives : quel pouvoir d’agir ?

Dans le sillage de la parution du Journal de Culture & Démocratie n°57, nous organisions le 2 décembre 2023 la rencontre « Ritualités musicales collectives » au cinéma Nova, en collaboration avec plusieurs de ses contributeur·ices. Ce numéro, accompagné du précédent n°56, s’attache à explorer des rituels susceptibles de constituer une ressource dans le contexte du dérèglement climatique, d’inspirer ou d’amorcer d’autres formes d’organisation sociale pour un changement radical de modèle culturel.
Les rituels de la fête, notamment liés à des pratiques musicales, font partie de ceux auxquels nous nous sommes intéressé·es. Dans le champ de la musique comme ailleurs existent de nombreuses pratiques ritualisées, dont beaucoup sont loin de nourrir un changement. L’industrie de la musique, par exemple, génère de nombreux rituels de consommation qui entretiennent voire déguisent la violence du système néolibéral. Sans naïveté, nous avons souhaité nous pencher sur d’autres pratiques qui existent parfois au cœur même de ce secteur, parfois en marge. Elles s’articulent autour du partage de la musique et ont en commun de cultiver le collectif plutôt que l’individualisme, la transmission des savoirs et savoir-faire plutôt que leur privatisation, mais aussi une volonté de résistance voire de transformation à l’égard des récits dominants du néo-libéralisme.

Dans le dossier « Rituels #2 », l’article « Culture Sound System : un rituel de résistance » de Dany Ben Felix revient sur l’histoire de ces systèmes de sonorisation de rue devenus une culture en soi, largement mainstreamisée mais dont un pan a conservé un pouvoir contestataire, y compris au-delà des communautés jamaïcaines qui l’ont vu naitre. Au-delà de la charge symbolique du répertoire musical, la ritualité d’une session sound system de reggae réside dans l’attention portée au respect de certains codes – sociaux, musicaux, techniques… – et dynamiques qui existent dans d’autres pratiques du monde de la musique porteuses d’une culture émancipatrice. Les participant·es à l’échange « Ritualités collectives » de décembre 2023 ont témoigné de quelques-unes d’entre elles, dans le temps limité de la rencontre dont les traces sont reproduites ici. Au départ de leur expérience, ils et elles ont ouvert différentes réflexions, notamment autour des tensions entre culture marchande et non-marchande, entre transmission et appropriation, sur la notion de care dans les cultures de la fête, le pouvoir du collectif ou encore d’expérimentations dans l’esprit de la culture « Do It Yourself ».

Certaines de ces réflexions sont ici prolongées par des contributions complémentaires rassemblées après la rencontre (à paraitre entre juin et décembre 2024).

Sommaire

Ritualités collectives, traces de la rencontre du 2 décembre 2023 au cinéma Nova.
Avec notamment Souria Cheurfi, Rrita Jashari, Maxime Lacôme, Jean-Christophe Sevin, Dries Talloen et Emmanuelle Nizou

Écosophie des sound systems. Retour sur la soirée « Sound System Culture »
Jean-Christophe Sevin

Appropriation culturelle – l’exemple de la batucada
Entretien avec Anaïs Vaillant

Musique noise dans les pays non-occidentaux – quelles pratiques émancipatrices ?
Entretien avec C-drik Fermont – à paraitre prochainement

À (re)lire aussi

Pour un autre exemple de contre-culture mainstreamisée au sein de laquelle perdurent des espaces de contestation : « Danse hip-hop : peindre avec les corps », entretien avec Oumar Diallo et Djimi Kahunda Kionda paru dans le Journal de Culture & Démocratie n°52 – « Culture populaire », 2021.

Les festivals d’été font partie des rituels bien connus du monde de la musique et représentent une manne pour son industrie. Une économie musicale non-marchande est-elle possible ? Des pistes de réflexions dans « L’économie des festivals : bonne pour la planète ? », de Pierre Hemptinne.